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vendredi 6 octobre 2023

Leçon d'alpinisme au pic occidental des Crabioules (3106m)

     Le pic Occidental des Crabioules (3106m) n'est vraiment pas loin du refuge du Portillon-Jean Arlaud, moins de 600 mètres de dénivellation, il n'y a qu'à remonter le vallon du col inférieur de Literole (2983m). En deux heures, on est au sommet de cette crête effilée car la dernière partie avec l'accès à la brèche Mamy, en bifurquant juste en dessous du fameux col, sur une moraine persistante, puis la partie terminale vers le sommet est finalement beaucoup moins facile qu'envisagée, nécessitant, mais c'est relatif, en ce qui me concerne, d'être encordé. Pour être honnête, je n'y ai pas été à l'aise, probablement un peu parce que la veille, j'avais atteint un objectif et que je n'aime pas enchaîner les sommets. Je préfère simplement avoir le temps de digérer une ascension, ne serait-ce qu'au moins quelques jours, pour être émotionnellement au point. Sinon honnêtement, je n'arrive pas à me mobiliser. C'est ce qu'il s'est passé ce jour-là, car l'objectif était de poursuivre avec le pic oriental des Crabioules (3116m), mais une fois arrivé au sommet, après une discussion avec N. mon guide, qui avait bien remarqué dès la veille au retour mes lenteurs, et après avoir bien observé la suite engagée du cheminement sur la crête, et constaté mes difficultés pour monter là alors que ce n'était pas plus difficile que le pic Jean Arlaud de la veille, j'ai préféré renoncer. Ce sera pour une autre fois.

Photo 1 : Depuis le sommet du pic Occidental des Crabioules vue sur le pic Oriental... Ce sera donc pour la prochaine fois... Le Maupas est derrière et les montagnes du Couserans sont au fond à gauche.

    L'ambiance, ce jour-là, était bien différente de la veille, car l'affluence en ce dimanche matin était forte, puisqu'il y avait énormément de monde sur tous les sommets et cols du secteur, du pic de Perdiguère à la crête de Crabioules-Lézat. Il fallait bien déverser les quatre vingt personnes qui avaient dormi au refuge le samedi soir (ils étaient environ 70 à y manger dans un brouhaha parfois assourdissant, malgré les discussions d'alpinistes intéressantes, qui contrastait avec le calme si charmant de la veille) et que pour certains nous entendions clairement claironner. Ainsi, on a beau être dans la nature, en haute montagne, il n'en reste pas moins qu'on peut se retrouver dans une situation de presque tourisme de masse qui nous oblige à relativiser. Je suis donc simplement content d'être monté là-haut, où nous étions finalement seuls, et d'avoir pu admirer la magnifique vue plongeante sur le versant méridional espagnol, son lac de Literole et les petits étangs connexes ainsi que le petit étang sur le versant français du col inférieur de Literole qui se dégage à cause du réchauffement climatique et dont on voit bien, tout proche, les morceaux de glace protégés par les éboulis, ce qui ressemble bien à un glacier noir. En tout cas, ce sommet qui se trouve sur la crête franco-espagnole et sur la ligne de partage des eaux, porte un nom qui en patois local (gascon) signifierait petites chèvres, territoire à isard. En fait, le nom a été donné à ce pic par le Pyrénéisme du 19ème siècle qui baptisait les sommets de plus de 3000 mètres du massif. Celui-ci a été baptisé en fonction du pâturage des Crabioules sur le versant nord, autrefois dominé par le glacier du même nom qui a récemment disparu.

Photo 2: Vue depuis le sommet sur le lac de Literole (le grand). la massif de l'Aneto est au fond à gauche (donc à l'est)

Photo 3 : Le petit étang sous le col inférieur de Literole versant français...


    Du coup, la descente sera plus tranquille et permettra de rejoindre le lac d'Oô puis les Granges d'Astau et constater que la fréquentation est aussi dans le fond de la vallée, deux milles mètres plus bas.

Photo 4 : La brèche Mamy...Le pic est à droite...


Photo 5: Au menu... le refuge du Portillon


lundi 2 octobre 2023

Le pic Jean Arlaud (3065m) et le pic des Gourgs-blancs (3129m) depuis le refuge du Portillon (et avec un guide de haute montagne)

     Le pyrénéiste Jean Arlaud a perdu la vie sur les crêtes du Pic des Gourgs Blancs le 24 juillet 1938 et une plaque commémorative a été élevée au sommet en son honneur. Un sommet voisin, tout juste à l'est, le pic du port d'Oô sera d'ailleurs baptisé pic Jean Arlaud (3065m) en 1953 et le refuge du Portillon tout en haut de la vallée d'Oô porte aussi le double nom Jean Arlaud. Ainsi on trouvera ce lien pour cette double ascension qui m'a paru engagée et pour laquelle clairement j'avais besoin d'un guide pour me monter là-haut et me ramener vivant! Jusqu'au Port d'Oô à la base est du pic Jean Arlaud, depuis le refuge du Portillon, il n'y a pas vraiment de difficulté si ce n'est le cheminement dans les éboulis des moraines qui marquent le si net et terrible recul des glaciers pyrénéens. On devra parcourir d'abord les 4h30 annoncées pour atteindre le refuge depuis le parking des Granges d'Astau (1140m) la veille, afin de partir à l'aube (pas trop tôt en cette saison) de ce samedi 30 septembre pour cette course d'altitude. Du refuge, il faudra rejoindre le col du pluviomètre vers l'ouest, sous la tusse de Montarqué, en croisant en cette matinée, deux isards, par la Haute Route Pyrénéenne, en surplombant le lac Glacé puis donc aboutir au Port d'Oô à 2904 mètres d'altitude en environ deux heures de temps. Au passage, on prendra note de la quasi disparition de la partie ouest du glacier du Seil de la Baque dont il ne reste qu'une faible superficie accrochée sous le cap du même nom... 

Photo 1 : Depuis le col, vue sur le pic Jean Arlaud (3065m) puis juste derrière le pic des Gourgs-blancs (3129m). À gauche, le port d'Oô (2904m) et à droite celui des Gourgs-blancs (2877m) par où passe la HRP. Vue depuis juste après le col du pluviomètre en allant vers l'ouest.

    À partir de là débute la course de crête qui permettra d'enchaîner les deux sommets qui sont séparés par une brèche à 3027 mètres d'altitude. Il faut alors s'élancer encordés dans la face est en allant chercher par des petites vires vers la droite en montant une cheminée qui permettra de s'élever vers la partie supérieure de la face dont on escaladera le dernier tronçon par un itinéraire en écharpe beaucoup plus accessible et qui débouche sur la crête finale. Du sommet, on se rendra compte que la partie finale du sommet des Gourgs blancs, juste en face, a l'air facile mais avant cela il faut descendre en des-escaladant vers la fameuse brèche, peut-être en posant un rappel. Effectivement la remontée est simple, de la quasi randonnée. Mais une fois sur la crête, lorsqu'on poursuit vers l'ouest, après le cairn sommital, cela devient à nouveau engagé avec une longue succession de vires, cheminées et autres lieux assez vertigineux dans laquelle j'ai laissé beaucoup d'énergie, tout en me laissant complètement guider pour finalement rejoindre le col de Gias dans la direction du pic de Clarabide, point le plus occidental de l'itinéraire, duquel il va falloir désormais revenir. Pour cela on redescendra par l'itinéraire espagnol vers le beau lac de Gias (2636m) sans cependant complètement l'atteindre pour remonter à nouveau vers le port d'Oô et reprendre l'itinéraire de l'aller. Cette descente m'aura permis d'observer les autres itinéraires présentés dans les divers topo-guides utilisés pour préparer la sortie, notamment le fameux Pyrénées, Guide des 3000 mètres de Luis Alejos, qui rejoignent la brèche entre les deux sommets, tout deux sur la frontière franco-espagnole, et se dire que vraiment ce n'est pas simple ni à trouver, ni à parcourir... Ceci-dit il faut toujours se méfier de ce que l'on peut voir de loin sur un versant, et à cela il vaut mieux préférer ce qu'on constate concrètement sur place même si cela n'est pas toujours simple... Certains vous diront que finalement l'itinéraire que nous avons utilisé semble être le plus propre. Il l'est d'autant plus que l'ancienne voie normale du pic des Gourgs-blancs qui passait par le glacier du versant nord est aujourd'hui quasiment plus utilisée du fait de la disparition du glacier qui laisse une longue parois raide. En tout cas, comme je ne suis clairement pas un alpiniste, cette description de la journée et de son itinéraire n'est absolument pas à prendre en compte comme un topo-guide et chacun prend ses responsabilités de manière individuelle pour trouver son itinéraire. Étant donné la position centrale du massif au coeur des Pyrénées, le panorama sur les grands sommets mais aussi les plaines au nord, ainsi que certains petits massifs, au nord comme au sud, est assez vaste. 

Photo 2 : En montant vers le sommet du pic des Gourgs-blancs, en se retournant, vue sur le lac glacé avec en arrière plan sur le pic Quayrat et au devant la face est du pic Jean Arlaud en redescendant vers la fameuse brèche (3022m)


Photo 3 : Avec vue plongeante sur le chemin parcouru dans la face du pic Jean Arlaud puis en contre-bas, l'itinéraire de la marche d'approche qui passe par le contrefort de la moraine de l'ancien glacier du port d'Oô. Au fond le lac Glacé est dominé par la Tusse de Montarqué. On trouve le col du pluviomètre à droite. Ce pluviomètre se trouvant sur le petit sommet juste à droite de la tusse, d'où le nom qui a été donné au col.


Photo 4 : En s'approchant au plus près du lac de Gias. Au fond, à gauche, qui dépasse à peine, on trouvera le pic d'Aneto.

    En tout cas, cette ascension du Pic Jean Arlaud m'aura laissé un souvenir vif car lors de la marche d'approche, tout en me disant que N. mon guide de toute façon, allait m'aider à monter là-haut (et me redescendre), je me suis demandé tout de même longtemps par où il allait passer, tant ce sommet en forme de canine a une forme imposante. 

    Le fameux Jean Arlaud, savoyard d'origine, qui a découvert les Pyrénées lors de ses études de médecine à Toulouse, est enterré au cimetière de Gavarnie dans le carré des Pyrénéistes. Le nouveau baptême de ce sommet a pris du temps au cours du 20 ème siècle et il faut aussi avoir en tête que du côté espagnol celui-ci a gardé son appellation d'origine. Côté français, la double appellation sur le site officiel de l'IGN reste de mise même si l'appellation Jean Arlaud a été entérinée à la fin des années 50 mais pendant longtemps, au 19ème siècle, il y a eu confusion chez certains entre les sommets pour l'appellation du pic du port d'Oô que le pic des Gourgs-blancs possédait aussi. En ce qui concerne les Gourgs blancs, le premier terme signifie lac profond en patois local. Et blanc, car l'eau des lacs des Gourgs blancs offrait un aspect laiteux. Pour aller plus loin, on peut lire l'article de Francisco Termenon et Robert Aumard Histoire d'une montagne, les Gourgs-blancs dans la revue Pyrénées de janvier 2010 (n°241).

Photo 5 : Sur la crête sommitale du pic des Gourgs-blancs dont le sommet est au fond surmonté du fameux cairn. À l'horizon, juste à gauche du fameux cairn, le pic Schrader ou Bachimala, à droite, enneigé au loin, le massif du Vignemale. Au milieu de la double barre du pied de la croix, s'intercale le Pic Long puis à droite, les crêtes du Néouvielle.

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    En redescendant, on pourra tout de même admirer le lac d'Oô et comparer avec le tableau observé au musée des Augustins.

jeudi 29 juin 2023

Le pic du Taillon (3145m) depuis le col de Tentes par la brèche de Roland.

     Dans les Hautes-Pyrénées, au dessus de Gavarnie, depuis le col des Tentes (2208m) où on laissera la voiture, l'ascension du pic du Taillon (3144m) par le refuge des Sarradets et la brèche de Roland est un des grands classiques du pyrénéisme et l'itinéraire, au coeur du Parc National des Pyrénées Occidentales, bien qu'en haute montagne, reste l'un des plus accessibles dans la catégorie et l'un des plus faciles. Si l'on y ajoute la beauté des panoramas et le passage par la toujours grandiose brèche de Roland (2807m), on comprendra très rapidement qu'on ne sera pas seul là-haut... Luis Alejos dans le Pyrénées, Guide des 3000m, annonce 3h30 de montée.

Photo 1: En route vers le col de Boucharo, depuis le col de Tentes. Face à nous en panoramique, le pic du Taillon et à droite le pic de Gabiétou oriental (3031m) et entre les deux le glacier des Gabiétous lui aussi en recul. (Photo Catherine)

    Le cheminement suit d'abord l'ancienne route qui partait au col de Boucharo sur la frontière franco-espagnole avant de prendre, une fois arrivé au col, le sentier qui sur la gauche passe à flanc sous la face nord du pic du Taillon et qui en montant progressivement traverse le ruisseau du-dit pic avant d'arriver après une succession de lacets vers le refuge. Juste avant celui-ci, au col des Sarradets (2584m) se trouve un des premiers beaux points de vue. Il parcourt en effet le haut du cirque de Gavarnie avec sa fameuse cascade et l'amphithéâtre qui le compose couronné de la kyrielle de sommets de plus de 3000 mètres qui aboutit au pic de Marboré (3248m) plein est, en formant ainsi comme une vaste muraille. De l'autre côté, vers le sud-ouest, le pic de Taillon et le doigt de la fausse brèche dominent alors le petit glacier du Taillon, qui se réduit de plus en plus. Enfin, vers le sud, on aura la première vision de cette brèche de Roland si attendue, au-dessus du refuge du même nom. À partir de là, le sentier monte directement et de manière assez pentue sur les matériaux morainiques qui aboutissent au premier gradin de l'amphithéâtre au pied de la brèche. Pour arriver jusqu'à celle-ci, sur l'ancien glacier, nous aurons cette fois-ci chaussé les crampons, pour ne pas prendre de risques. Mais la première partie de l'ascension s'est faite dans les débris morainiques, puisque la neige a déjà fondu. Une fois la brèche franchie, il suffit de prendre à droite en direction de l'ouest en suivant la base de la muraille par où passe le sentier et qui se poursuit en dépassant le fameux doigt de la fausse brèche après la pointe Bazillac (2973m) pour monter à l'assaut facilement du sommet. Lorsque vous dépasserez les 3000, ce sera inscrit sur une roche au sol sur le sentier. Ce passage entre la pointe Bazillac et le début de l'ascension finale permet d'avoir un nouveau regard, plus aérien, sur le glacier du Taillon en contre-bas.

Photo 2 : À l'approche de la célèbre brèche... qui joue le rôle d'un col de montagne.

    Un des intérêts de cet itinéraire est d'aller observer le recul des glaciers, pour ceux qui parcourent régulièrement depuis des années ces espaces. Le livre Glaciers des Pyrénées, le réchauffement climatique en images de Pierre René aux éditions Cairn, vous en donnera un bon aperçu. En effet, il a été édité en 2013 et déjà sur ce laps de temps, depuis, on peut observer la différence entre ce que l'on constate sur le terrain et les photos les plus récentes du livre. On peut y ajouter un passage du texte concernant le glacier du Taillon, aujourd'hui modeste : 

    "À cause de sa taille importante (35 hectares dans les années 1900, et encore une vingtaine en 1970), et sans doute aussi pour son accès facile et rapide, ce glacier a attiré à lui de nombreux observateurs, notamment l'abbé Gaurier, l'Administration des eaux et forêts et le groupe d'étude des glaciers pyrénéens". Grâce à eux, nous disposons de nombreuses archives (descriptions, cartes topographiques, photographies...)

    En 1850, il prenait naissance au niveau de la Fausse Brèche, à 2900 mètres d'altitude, et descendait jusqu'à 2360 mètres. Il s'étendait sur plus d'un kilomètre de long. Traces de cette époque, les deux moraines latérales du petit âge glaciaire qui sont bien conservées en contrebas du verrou. Le col des Sarradets a été exhaussé par l'accumulation de débris. Il s'agit d'un lambeau de moraine latérale de la rive droite. (...) Depuis 1850, le glacier du Taillon a perdu 70% de sa surface et plus de la moitié de sa longueur. Aujourd'hui, morcelé et de petite taille, il n'est plus que succinctement étudié.

    Pour les randonneurs se rendant à la célèbre brèche de Roland, un petit détour par ce glacier demeure riche en découvertes. Des marques de peintures signalent les positions anciennes du front. On peut y voir aussi des petits bassins d'eau, des roches moutonnées et striées - traces de son activité érosive -, des accumulations de farine glaciaire (roche réduite en poussière par l'action glaciaire), des cavités sous-glaciaires, des bédières (filets d'eau sculptant la surface du glacier)." 

Photo 3: Le glacier du Taillon au fond du cirque. La Fausse Brèche sur la crête à gauche du doigt. Le pic du Taillon à droite.

        Un des autres points d'intérêt reste, comme souvent pour les hauts massifs, les magnifiques panoramas. Mais ici dès le départ on sera servi avec la magnifique face nord du Taillon qui s'oppose sur l'autre versant de la vallée à la route du col de Boucharo. À l'aube, puis au petit matin, l'explosion des couleurs avec le vert des pelouses alpines face aux couleurs plus froides de la haute montagne, et les teintes chaudes du soleil se laisse observer. D'ailleurs, le Conseil départemental des Hautes Pyrénées ne s'y est pas trompé en aménagement une partie de l'ancienne route en piste goudronnée accessible aux personnes handicapées sur une longueur de 800 mètres. Voilà me semble-t-il un aménagement intelligent. Le passage de la Brèche offre aussi un spectaculaire contraste entre le versant nord plus arrosé et celui du sud, plus aride, ouvert sur le piémont et dont la vallée profonde du canyon d'Ordesa est bien visible. Enfin, bien sûr depuis le sommet, la vue sur les principaux massifs depuis la Munia, le pic Long au Vignemale et aux pics d'Enfer est possible en y ajoutant les massifs plus périphériques comme le pic du Midi de Bigorre. Les principaux sommets du massif de Gavarnie-Mont Perdu sont bien visibles.

Photo 4: Juste avant le fameux refuge ... Premier refuge moderne édifié dans les Pyrénées après la Seconde Guerre mondiale, il fut inauguré en 1956 par Maurice Herzog, le co-vainqueur de l'Annapurna et président à l'époque du CAF, et sa capacité est de 90 places.

 Voilà en tout cas, un parcours où j'apprécie de revenir de temps en temps, et d''amener aussi des personnes qui ne connaissent pas ou peu les Pyrénées... Ce pourrait être une belle initiation...

lundi 10 octobre 2022

Le pic Posets (3375m), champagne en la "puta cima"...

    C'était lors d'une longue et belle descente assez minérale dans sa première partie, depuis le sommet du pic Posets, dans l'Aragon, pendant la dernière pause à côté du refuge belvédère Angel Orus, sous la menace de l'orage encore un peu lointain, au-dessus de la forêt de tous les dégradés de vert, du plus foncé au plus clair, même en cette fin de saison, parsemée aussi de sorbiers des oiseleurs qui ne faisaient pas qu'enflammer la forêt. La sensation grisante du sac allégé après avoir éliminé tous ensemble les deux kilos de fromage, le champagne bu au sommet sous les échos chantants des basques et des catalans présents (bien sûr je n'ai pas balancé la bouteille vide par-dessus bord), la charcuterie et tout le reste (tente, duvet, matelas...) ... Oui nous étions bien et l'ivresse des sommets n'était pas un vain mot... Un groupe de randonneurs espagnols, visiblement content de terminer la descente, et amené par un accompagnateur de montagne réellement chaleureux, s'est alors approché de nous. 

(Bon qu'est-ce qu'ils veulent encore???) (intérieurement)

- Nous avons trouvé une polaire et un cortaviento (coupe-vent). Ça ne serait pas à vous par hasard?

-Ben... (en se regardant tous) non! Non non...

- Je demande comme ça!

Et puis l'ombre d'un doute... On ouvre le sac... Et on court pour les rattraper... La polaire n'est-elle pas noire?? Le coupe-vent n'est-il pas de la marque ...?

- Et oui! Et oui...

- Muchas gracias muchas muchas gracias (j'avais acheté le coupe-vent trois jours auparavant)... Mais quand même (tout ça en espagnol), vous les avez trouvé où ?

- En la puta cima...

Photo 1 : Depuis le col (vers 3010m) sous la Diente de Llardana, vue en direction du sommet des Posets que l'on devine avec la petite pointe blanche qui dépasse de l'ultime ligne de crête.

Photo 2 : Depuis le sommet, vue sur le versant nord et la crête des pics de la Paul (3078m) et le pic de Bardamine (3079m) juste au-dessus de l'étang de ... (il n'est pas présent sur la carte Alpina au 1/25000). Si le photographe se retourne il verra la ligne de crête qui court par Las Espadas (3328m). En dessous, il trouvera les restes du glacier des Posets sous un monticule de débris minéraux le faisant ressembler davantage à un glacier noir. Sur le versant opposé le glacier de Llardana fait de la résistance.

Photo 4: L'ultime partie de la voie par le canal Fonda. Les parois de droite sont celles de la Diente de Llardana. Celle-ci était vraiment tentante mais la montée soudaine du mauvais temps nous a fait préférer y renoncer. Ce n'est que partie remise. 

   
 Alors effectivement, voici une bonne idée que de boire du champagne à fines bulles au sommet de la deuxième plus haute montagne des Pyrénées! Qu'en plus ce pic Posets est en Espagne et qu'en Espagne souvent les hauts sommets ressemblent à des bodegas car les Espagnols aiment la montagne et qu'ils expriment souvent leur joie d'être là de manière chaleureuse et que cette fois-ci avant que le groupe n'arrive, il y avait quatre jeunes catalans et basques (et nos amis basques et commingeois à nous et G. ) à qui on a offert de partager notre champagne et qui ont donc entonné en cœur un joyeux anniversaire à Guillaume, en basque puis en catalan (ou l'inverse). 

    Alors voilà encore que finalement, la description de l'itinéraire peut apparaître secondaire, que malgré tout le panorama depuis ce sommet en particulier me parait être un des plus beaux des Pyrénées car depuis là, en position centrale, et bien au-dessus de la plupart, presque tous les principaux sommets du Balaïtous au Montcalm, en passant par le Cagire ou le pic du Midi de Bigorre, sont visibles. 

    Monter là-haut prend du temps de toute façon, surtout si vous décidez d'aller bivouaquer au bord du très beau lac de Llardaneta (Llardana signifierait terre brulée) vers 2650 mètres d'altitude en s'écartant de peu de la voie normale en direction des granges de Viados (sur l'autre versant), pour y revenir ensuite le lendemain. Au bout du lac, des aires de bivouac informels ont été aménagés et de là on suivra facilement l'itinéraire pour gravir les pics de la Forqueta en guise de bonus, par l'itinéraire du GR11. Le départ se fait depuis le dernier parking de la cascade d'Espigantosa dans la vallée du rio Eriste au-dessus du village éponyme juste avant Benasque, à 1500 mètres d'altitude (jusqu'au 30 septembre normalement un bus vous y emmène). Tout est indiqué (balises et pancartes et cairns) jusqu'au bout et vous passerez devant le refuge d'Angel Orus déjà cité à 2100 mètres, le canal Fonda qui peut-être enneigé tardivement et sujet à avalanche puis le col sous la Diente de Llardana impressionnante avec ses parois vertigineuses... et enfin le sommet à 3375m (ou 3369m fréquemment sur les cartes espagnoles ou sur la borne du sommet). Voilà si vous le faites d'un seul trait c'est minimum entre cinq et six heures qu'il faudra pour monter seulement même s'il n'y a aucune difficulté technique (ça n'engage que moi...). C'est presque sûr que les bergers et chasseurs ont dû gravir la cime avant les premiers pyrénéistes officiels qu'il n'est pas du coup nécessaire de mentionner (bon allez si quand même H.Halkett avec P.Redonnet et P.Barrau le 6 août 1856). Mais je citerai aussi Patrice de Bellefon dans son classique et beau et éternel Pyrénées, les 100 plus belles courses et randonnées : "Son ascension est longue et monotone. Pourtant on aime à le faire et à pénétrer lentement dans l'intimité de ce grand solitaire. Des glaciers poussiéreux et de vastes éboulis engendrent cette monotonie qui, comme celle des déserts, inspire parfois même une mélancolie qui n'est pas dénuée de douceur."

Photo 5: Une douce mélancolie...

    Les géologues en herbe y trouveront majoritairement sur un socle granitique du schiste et du calcaire d'où peut-être la signification du nom du sommet qui voudrait dire gouffre, puit. C'est vrai qu'au bout du lac où nous avions campé, un petit phénomène endoréique empêchait l'écoulement de l'eau du déversoir du lac d'aller directement dans une mer lointaine. L'ensemble fait partie du parc naturel de Posets-Maladeta.

Photo: Au fond de l'ibon (lac) de Llardaneta, tout le monde (merci à tous) est là... Le pic Posets est au fond quelque part dans les nuages, mais pas de regrets car même par beau temps, on ne le verrai pas...  Pour bivouaquer dans le parc naturel de Posets-Maladeta, il faut être à plus de 2300 mètres d'altitude, planter la tente après 19h et l'enlever avant 8h...



lundi 13 septembre 2021

Le Tuc de Molières (3010m), balcon sur la Maladeta.

     Le Tuc de Molières (ou Mulleres) à 3010m, situé au bout d'une vallée qui débouche sur la bouche sud du tunnel de Vielha, et l'hospice (espitau) de Vielha vers 1630 mètres d'altitude, est un magnifique belvédère pour admirer le massif de la Maladeta. Son ascension constitue un long cheminement avec plus de quatres heures de montée. Juste au dessus du verrou glaciaire de Pleta Neva, elle permettra d'admirer quatre lacs (les estanhots de Molières puis les estanys de Molières), et dont le premier (2370m), dominé par le refuge de Molières, m'a semble t-il paru particulièrement beau avec son eau transparente qui contrastait avec le versant granitique de roche blanchissante, qui tombait de manière abrupte sur sa rive droite, et entouré de pelouses sur sa rive gauche. Le dernier des lacs dont l'itinéraire d'ascension s'est écarté en direction du col de Molières (quelle originalité en terme de toponymie...) constitue aussi la source de la Noguera Ribargozana, dans la haute vallée de Barrabès... Cette dernière partie est le passage le plus pénible car le terrain est cassant, traversant des éboulis, avec une pente raide qui aboutit au col (2935m). Il est évident que monter par là fin juin tandis que la couverture neigeuse est encore présente, avec des piolets et des crampons, paraitra plus facile. 

Photo 1: Le premier étang des estanhots de Molières


Photo 2 : Le sommet du Tuc de Molières. À droite, à la limite du hors cadre, le col de Molières... 

Photo 3: Le col de Molières. Le versant à droite était notre voie d'accès et donc venait de la bouche sud du tunnel de Vielha. À droite, on redescend vers Benasque.

        Juste avant d'arriver au col, un court passage d'escalade ne nécessitant pas de corde vous imposera néanmoins beaucoup d'attention. Il ne s'agirait pas de se louper...  D'ailleurs, la pente se relève tant qu'on se demande bien ce qu'on va voir de l'autre côté, si on dépassera juste la tête pour constater que l'autre côté, c'est aussi raide... Et bien non, finalement, une pente beaucoup plus douce démarre...  Il s'agit ensuite simplement de suivre la crête jusqu'au large sommet d'où le panorama, on l'a déjà dit, est remarquable. En ce jour, avec la mer de nuage sur le versant français, les pic du Gar, le Cagire, les montagnes d'Oueil et du Luchonais en général étaient nettement individualisés... Derrière, pendant la montée, le massif de Bessiberri...


Photo 4 : En redescendant, vue sur 3 des étangs de Molières. 

        Même si la descente m'a paru longue, j'ai apprécié de croiser, à l'aller comme au retour, le troupeau de 2000 brebis, avec sa cohorte de chèvres (certaines imposantes...) car comme on dit "là où la chèvre passe, la brebis suit...". En tout cas, le berger allongé dans l'herbe, le matin au réveil semble t-il avec le troupeau qui dormait en face, à l'aller et le soir au retour, était bien là avec ses deux chiens de berger et son patou, placide... On partira aussi un peu plus tôt, et ainsi voir d'abord depuis le fond de la vallée le sommet s'embraser. De toute façon, dans le bois, peu après le départ, on ne manquera pas la jolie cascade, le long de cet itinéraire plutôt bien balisé, même si la toponymie manque tout de même d'originalité... Pour ceux qui s'y connaissent, on pourra observer des tourbières dont certaines abritent quelques espèces communes aux territoires atlantiques mais qui sont rares sur le versant espagnol des Pyrénées. On trouvera notamment la lande de bruyère des marais qui pousse dans les zones les moins imprégnées d'eau de la tourbière et elle peut être admirée lorsque la bruyère des marais fleurit (c'est à dire pas maintenant...). Elle ne se trouve que dans la partie occidentale des Pyrénées, dans des endroits très pluvieux et ici dans la vallée de Molières.

 Enfin, en regardant vers le ciel, on admirera soit d'un côté des immenses rapaces qui nichent sur les parois rive gauche peu avant la pleta neva, ou de l'autre côté, la magnifique moraine frontale, de forme quasi parfaite, au dessous du Coret de la Tallade, et qui jusqu'à il n'y a pas si longtemps devait encore accueillir un petit glacier. Il est clair, que depuis le sommet, on pourra penser que ceux de la Maladeta ont sacrément diminué...

Photo  5 : Le massif de la Maladeta dans les nuages... À gauche, le pic Margalida (3241m)... puis les nuages et enfin le pic de la Maladeta (3308m). On peut imaginer le pic d'Aneto au milieu ...  Vue depuis le col de Molières... (Si mes souvenirs de samedi 11 septembre sont bons...)

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dimanche 13 juin 2021

La pique d'Estats (3143m) et le Montcalm (3078m), les sommets de l'Ariège.

 Le massif du Montcalm/Estats, point culminant de l'Ariège et de la Catalogne espagnole, avec ses 3143m d'altitude, est relativement isolé des autres grands massifs pyrénéens. C'est le premier à dépasser les 3000 mètres en venant de la Méditerranée et il faut parcourir une trentaine de kilomètres de plus vers l'ouest pour trouver les suivants. De forme assez compacte, sa prééminence nette sur les autres montagnes environnantes permet d'observer un panorama vaste qui court du Canigou au pic du Midi de Bigorre en passant par les montagnes d'Andorre mais aussi probablement sur la montagne Noire (mais invisible ce jour). Son ascension, sans escalade, ni glacier, est longue et assez pentue, sans trop de répit jusqu'au refuge du Pinet à 2240 mètres d'altitude qui permet de faire une pause sur le chemin des sommets. En effet, 35 minutes séparent la pique d'Estats de son voisin le Montcalm alors l'ascension combine souvent les deux. On y ajoutera le pic Verdaguer 3131m, sommet secondaire, presque une antécime de la pique. À bien y regarder d'ailleurs, on se demandera alors pourquoi la Punta Gabarro, du nom d'un alpiniste espagnol qui trouva une nouvelle voie d'ascension pour la pique d'Estats, n'est elle pas aussi un sommet principal de la liste officielle des sommets de plus de 3000 mètres des Pyrénées? Le pic du Port de Sullo (3072m) plus excentré mérite une ascension à lui tout seul, même s'il serait envisageable de l'ajouter.

Photo 1 : Depuis le sommet plat du Montcalm: de gauche à droite, la triplette de 3000 (Punta Gabarro 3115m Pique d'Estats 3143m et pic Verdaguer 3129m), puis le pic du Port de Sullo (3072m), tout au fond la Maladetta et la crête des pics de Bassiès. La Punta Gabarro est surmontée d'un point géodésique espagnol...

Photo 2: Depuis le pic Verdaguer (du nom du poète espagnol d'expression catalane, une des figures majeures de la Renaixança catalane), vue sur le Montcalm. Derrière celui-ci, le massif de Tabe et le Saint-Barthélémy. Le premier récit de l'ascension du sommet est écrit par Candolle après son ascension du 18 juillet 1807 accompagné du guide Simon Faure. On peut imaginer aisément que ce sommet a été gravi bien avant par des bergers ou des chasseurs d'isards anonymes...

J'étais venu par ici la première fois pour mes 19 ans (il y a fort longtemps), campant à proximité du refuge de Pinet, pour faire l'ascension de mon premier 3000 pyrénéen. Alors cette fois, j'ai décidé d'y amener G. pour son anniversaire. C'est une grosse sortie si on la fait à la journée avec plus de 2000 mètres de dénivellation puisqu'en partant du parking de l'Artigue à 1180 m, si on ajoute le Montcalm, il faut redescendre sur la crête, et le col de Riufret à 2878, qui joint les deux sommets avant de remonter d'une centaine de mètres. Jusqu'au refuge, le cheminement se fait d'abord dans la forêt de hêtre puis déboule sur l'étage sub-alpin et ses pelouses d'altitude parsemées de vieux orris, passant à proximité du charmant étang sourd à 1934 mètres d'altitude. Ensuite, vers 2400m, le sentier passe entre deux gros cairns, et pénétrant dans la haute montagne par une vallée encaissée jusqu'à l'étang d'Estats, coupant déjà les névés tardifs, avant de bifurquer vers l'est et l'étang du Montcalm (2571m). À partir de là, le paysage s'ouvre jusqu'au sommet, et le reste du parcours n'est que champs de neige, passant sur le dernier petit lac à plus de 2800 mètres, complètement couvert, sans pour autant mettre les crampons. On aurait presque pu y skier, en tout cas, on en a eu envie...

Photo 3 : L'étang sourd à 1934m d'altitude. On ira en redescendant.
Photo 4 : Le premier étang en remontant après le refuge, l'étang d'Estats, en contrebas de l'itinéraire d'ascension

Photo 5 : Vue sur le versant espagnol et les estany d'Estats (le plus haut) et estany de Sottlo (le plus bas), depuis le pic ...  L'altitude de ces étangs se situe vers 2400 mètres et la voie normale espagnole passe par là, en partant de la piste qui aboutit quasiment à 1900 mètres d'altitude au refuge de Vallferrera

Il y avait du monde sur le chemin le samedi, mais au refuge la fréquentation était modeste, puisque hormis un groupe de six, qui ne comptait visiblement pas aller plus haut, le vendredi soir, il n'y avait que nous. Je préfère d'une manière générale toujours monter le vendredi soir pour éviter la cohue du lendemain. Même si on arrive tard, et que bien sûr, j'avais oublié de préciser à G. qu'il fallait prendre du coup de quoi manger le soir; heureusement, après nos "supplications", la gardienne nous a préparé des sandwichs au pâté ... et puis bien sûr, car je suis un parfait organisateur, après le dernier texto à G., "N'oublies pas de prendre ton sac à viande ou ton duvet"... "C'est fait"... j'avais oublié le contexte covid et le fait qu'ils ne fournissent plus les couvertures...  Alors G tu as ton duvet? Ben non...que le sac à viande... Là aussi heureusement, la gardienne nous a trouvé une solution...

Photo 6: Au fond, la ligne de crête du massif des pics de Bassiès domine le versant sud au caractère alpin affirmé. Vue prise depuis le déversoir de l'étang du Pinet, au pied du refuge du même nom.

Le lendemain parmi les randonneurs, nous avons rencontré trois jeunes, des étudiants de sup aéro, qui étaient venus en train depuis Toulouse, jusqu'à Tarascon, puis de là, soit une vingtaine de kilomètres, avaient rejoint le parking avec leurs vélos avec les sac à dos sur le dos... Bien sûr, au retour idem. Alors chapeau, parce qu'en plus ils étaient franchement sympas. Ça fait plaisir.

En lisant, le très intéressant article d'Alain Bourneton, Deux siècles d'ascensions dans le massif Montcalm/Estats, dans le numéro 200 (1999) de la revue Pyrénées, vous pourrez apprendre notamment que le massif possède la particularité de posséder les plus hauts lacs des Pyrénées (vous passerez dessus peut-être même sans vous en apercevoir...) et que sur l'arête sud du pic du Port de Sullo, à 2850 mètres d'altitude, vous trouverez le petit pin à crochet le plus haut des Pyrénées (en 1999)... 

Photo 7: L'itinéraire sur une carte au parking de départ...

Enfin pour conclure, un petit bain dans le torrent à l'Artigue permettra de repartir de bon pied, un peu plus propre... Certaines photos sont de Guillaume.


jeudi 7 septembre 2017

Pic de la Frondella occidental (3001m), pas si simple en fait.

Le pic de la Frondella occidental, en Aragon, est le sommet de plus de 3000m le plus à l'ouest de la chaîne des Pyrénées, dans le massif du Balaïtous. Dans Le guide des 3000 de L.Alejos, il est coté facile plus. C'est vrai que jusque sous la partie finale, ce n'est pas compliqué puisqu'il faut remonter l'immense versant cairné depuis les lacs d'Arriel. Mais arrivé au pied de la paroi finale au dessus du névé éternel, l'itinéraire se dirige vers la droite et il reste un passage sur une vire, qui permet d'accéder à la crête puis au sommet, qui m'a franchement paru exposée. J'ai hésité à deux fois avant de me lancer mais j'ai eu l'impression qu'il ne fallait pas se rater (voir photo ci-dessous). C'est aussi pour cela que lors de ma première visite, j'avais préféré renoncer car c'était gelé. Inutile de dire que je n'ai pas fait le malin et que l'on ne le conseillera pas à tout le monde. Et puis si on décide de faire tout ça au départ du parking du barrage de la Sarra (1440m), au dessus de Sallent de Gallego, en une journée, il faut bien compter 7-8 heures A/R, au moins.
On peut venir aussi par ici pour visiter les nombreux lacs d'Ariel (voir les photos ci-dessous) que l'on surplombent depuis le sommet, en remontant la vallée de la rivière Aguas limpias (joliment encaissée au début) au dessus de Sallent de Gallego. L'ensemble lacustre a de la tenue entouré de ses hauts sommets comme le Balaïtous ou le Palas.


Photo 1 : Il s'agit de la fameuse vire. Il faut donc à partir du premier cairn aller au deuxième que l'on voit au fond...

Photo 2 : Ibon del Arriel alto, à peine quelques mètres en dessous de 2200 m.
Photo 3 : Ibon del Arriel abajo, peu profond.
Photo 4 : Depuis le sommet, vue vers l'ouest vers le pic du Midi d'Ossau (2885m), au centre. Juste devant le pic d'Arriel (2824m). En bas à droite, c'est le barrage (embalse) de Arriel alto vers 2200m d'altitude. Je n'ai franchement pas trop traîné au sommet car déjà concentré sur la descente (hum hum hum) : aucun parasite dans mon cerveau, il s'agit d'arriver entier.  




vendredi 21 octobre 2016

La Munia, 3133 m, et le cirque de Troumouse (65/Aragon)

Le pic de la Munia (Almunia en espagnol) est le point culminant du majestueux cirque de Troumouse dans les Hautes Pyrénées. On peut décider d'aller visiter les crêtes en passant par le versant aragonais. En remontant la vallée pastorale de Chisagues par une belle piste qui part de Parzan jusqu'à environ 1900 mètres d'altitude, ce versant (après avoir passé un petit col Las Pueras des Ibons à 2533m)  est en effet parsemé des très beaux lacs de la Munia, juste avant le col du même nom à 2853m, sur le crête du cirque. Je n'ai pas trouvé de signification satisfaisante pour le nom du sommet : Era Munia serait la « moniale », d'origine espagnole. Sinon, son origine peut être latine, moenia voulant dire « murailles », ce qui correspond bien à son relief. Ou alors Almunia en arabe mais je ne sais pas ce que cela veut dire.

Photo 1 : de bon matin, au bord du lac de la Munia. Au fond, le Cylindre du Marboré et à droite le Marboré.
Jusque là (donc le col) aucune difficulté... Puis ça se complique et jusque bout. Le seul inconvénient de cet itinéraire est de ne pas faire la boucle de tout le cirque et, une fois arrivé au pic Heid (3022m), il faut faire demi-tour. Mais j'avoue que franchement le fait de passer deux fois au pic de Serre Mourène (3090m), et son versant est, fut un grand plaisir et j'ai préféré qu'il en soit ainsi: d'abord à la descente où je n'étais pas très fringant et à la remontée au retour, dépassant certains, emmené par Alain (il fait bien sûr en fonction des capacités de chacun, car du début à la fin il est concentré et attentif à vous) et là c'était franchement grisant. Sur une grande partie il faut donc être encordé. Alors une fois de plus j'ai fait appel, comme vous l'avez compris, à Alain, guide professionnel, et aussi de très agréable compagnie (finalement c'est presque aussi important) parce que je trouve qu'il en rajoute jamais. C'est vrai que cela change le rapport à la montagne. On en oublierai presque les difficultés insurmontables seul, un fois celles-ci passées et que la grosse concentration lors de la descente un peu sur les fesses (oui je suis un peu tendu dans ce genre de situation) suspendu à la corde que tient fermement Alain,
- Allez lâche le rocher... lâche, tu peux y aller.. Je te tiens.
a fait place à une grosse fatigue (fatigante... oui ça peut se dire aussi...):
- Pff, même pas besoin de guide...
Mais il nous permet indéniablement de progresser. On peut lire d'ailleurs un article intéressant dans Pyrénées-Magazine, N°22, Août 1992, La longue marche d'un guide (Jean Louis Lechêne) où sont abordés notamment les rapports entre guide et clients.
Photo 2 : La face est sur la crête conduisant au pic de Serre Mourène. Dans mon pyrénéisme personnel, peut-être un des endroits les plus emblématiques.


Photo 3 : Depuis le pic Heid (3022m), en ce 24 septembre, de gauche à droite, le pic de Troumouse, le pic de Serre Mourène et la Munia. Le cirque de Troumouse est donc à droite, avec le petit glacier de la Munia.
L'autre difficulté réside dans le fameux pas du chat, entre le col de la Munia et le pic de la Munia, côté II+, où la corde m'a paru nécessaire, même si le passage (5 mètres sur paroi lisse avec quelques fissures) est aménagé d'une corde (dans quel état? un peu usée). Ce n'est pas spécialement vertigineux mais bien lisse et il ne vaudrait mieux pas dégringoler les quelques mètres présents...
Dire que l'endroit m'a paru exceptionnel permet d'enfoncer quelques portes ouvertes tant les versants du cirque sont vertigineux, sa morphologie circulaire quasi parfaite et sa taille imposante (4 kilomètres de diamètre), que la vue sur le massif du Mont Perdu est parfaite et que les lacs de Barroude sont là en contre-bas, très beaux (photo ci-dessous). Et que c'était partagé.
Photo 4 : Les lacs de Barroude. Ne cherchez pas le refuge gardé, il n'existe plus...
Voilà  c'était vraiment une journée particulière.
Merci Alain.

vendredi 26 août 2016

Le Cylindre du Marboré 3328m (Aragon), quand tous les chemins ne mènent pas au Mont Perdu (mais celui-ci quand même...)

Non tous les chemins ne mènent pas au Mont Perdu, mais quand même...  Avant de songer à y dormir, au sommet, avec Manu, on pensait aller visiter le Cylindre et puis finalement on aura fait l'inverse. Après le pas de l'isard, en venant de la Brèche de Roland, du refuge des Sarradets, et du col des Tentes, il ne faut pas trop se tromper entre tous les itinéraires qui mènent vers l'est et notamment le refuge de Goriz. Il s'agit en effet de choisir le bon étage de gradins dans ce versant sud du massif calcaire, le plus haut d'Europe, qui ressemble à une succession d'amphithéâtres. Évidemment, mon choix ne fut pas le bon et nous sommes restés sur un gradin vers 2700/2800 mètres d'altitude, par un chemin cairné (au milieu des edelweiss), et obligés finalement de poursuivre, sous les falaises infranchissables, jusqu'à la voie normale du versant sud du Mont Perdu que nous avons prises jusqu'au lac Glacé du Mont Perdu (2980m). De là, on remonte le couloir, qui se relève fortement dans sa partie finale, et qui mène presque directement au sommet. Quelques personnes au lac pour passer la nuit et nous, et P. rencontré sur la partie finale pour bivouaquer au sommet (3 espagnols nous rejoindront).

Photo 1 : Depuis le sommet du Mont Perdu, en fin de journée, vue sur le Cylindre du Marboré, le lac Glacé du Mont Perdu, et la voie pour le sommet entre les deux. La hourquette à gauche.
 Le panorama est époustouflant, et je peux tranquillement l'étudier en prenant ma petite Pietra... Le sac était lourd (en plus des réserves d'eau car j'avais peur d'en manquer dans ce massif calcaire). On peut observer ainsi l'itinéraire du lendemain vers le Cylindre, voir les deux canyons (Anisclo et Ordesa), la vallée de Pineta au nord, le lac Glacé et le refuge de Tuquerouye, et puis tous ces sommets dans toutes les nuances de couleurs dans lesquelles vient se porter, une fois l'heure fatidique arrivée, l'ombre géante du Mont Perdu. La nuit fut belle et presque douce, sans pollution lumineuse, et la lune tellement lumineuse et éclairante, que, me réveillant en pleine nuit, j'ai cru dormir sous un lampadaire (mais avec la voie lactée derrière)...

Photo 2 : L'ombre du mont Perdu qui se projette au couchant vers l'est et la vallée de Pineta. A fond, à droite su sommet de l'ombre, le massif des Posets.

Alors bien sûr, même si, le chemin est long pour venir jusqu'ici (qu'on est vraiment pas les seuls...), et que la partie finale du couloir se relève un peu, que nous sommes dans un milieu de haute montagne, et que donc il faut se le gagner, relativisons un peu... Rondo et Laurens, les deux premiers vainqueurs officiels du sommet, le 6 août 1802, suivis le 10 du fameux Ramond de Carbonnières, furent menés là haut par les mêmes guides, bergers qui probablement connaissaient déjà l'itinéraire pour y être probablement montés auparavant, comme pour beaucoup d'autres sommets pyrénéens. Même si à l'époque, les glaciers, sur le versant sud, étaient beaucoup plus fringants qu'aujourd'hui.

Photo 3 : Le lac Glacé du Marboré au pied du refuge de Tuquerouye, dans sa brèche.
 Pour le chemin du retour, décidés, avec P. aussi qui fera un bout de chemin avec nous, nous redescendrons rapidement le couloir pour remonter en face quasiment le même au dessus du lac, celui qui monte à la hourquette supérieure (3184m). Car tout le reste du sommet du Cylindre est constitué de falaises infranchissables pour un homme normal!!! Là, se rencontre la première difficulté (et non des moindres) pour poursuivre jusqu'au sommet : on a le choix entre 2 couloirs qu'il faut franchir. Celui de droite est plus difficile (avec un point d'ancrage pour rappel) que celui de gauche (un cairn au pied), côté II. Nous emprunterons donc ce dernier sachant que la roche peut être lisse mais il est plus abordable. Alors je m'y engage, je monte 3 mètres, puis je redescends, pour voir si ... je peux redescendre. Et ainsi de suite, je reconduits l'opération jusqu'à passer les difficultés. Donc bien sûr, chacun prend ses responsabilités dans ce cas, car ceci n'est pas un guide. Et la corde pourra sembler bien utile. Une fois sur la crête, plutôt large, il reste une dernière difficulté, un petit escarpement, à franchir avant d'accéder au large plateau sommital. Elle ne sera pas à négliger car les prises n'y sont pas nombreuses, et j'ai trouvé qu'on y était assez engagé... J'y étais super concentré, ça va de soi. Mais la récompense est au bout.
Avant de rentrer enfin sur la brèche, on peut rendre visite au pic du Marboré (3248m) et aux pics de la Cascade (3161/3106/3095m) qui ne sont pas difficiles en soi. Mais il faudra être vigilant sur le choix de l'itinéraire avec les pics des Cascades en empruntant le bon gradin, en évitant celui qui reste directement sous l'Épaule, mais rejoint, un peu plus bas, la ligne de crête sur le cirque de Gavarnie.

Spéciale dédicace à Manu et Xipo, sans qui je ne serais peut-être pas monté au Cylindre ce jour-là.
(Autres photos plus tard)

samedi 30 juillet 2016

Pic du Seil de la Baque, 3110m, Haute Garonne, au bout de la vallée d'Oô.

Alors voilà, que devant mon écran, en ce mois de juillet 2016 pas terrible, on peut voir une fenêtre et prendre la voiture pour venir dans le Luchonais avec l'idée de parcourir une bonne partie de la crête du Seil de la Baque pour aboutir au pic du même nom (3110m), en passant par le gracieux Cap du Seil de la Baque occidental (3097m), après avoir laissé le glacier au dessus du col du pluviomètre (2900m) au dessus du lac du Portillon et avoir passé la nuit au si agréable refuge d'Espingo, 1967m. Car il fut un temps où l'on passait peu de temps (voir pas du tout) devant son ordinateur pour savoir si la météo allait être correcte et qu'on pourrait aller ainsi gambader dans la montagne. On était probablement moins stressé et plus patient...
Photo 1 : La pointe du Cap du Seil de la Baque occidental (3097m), à droite, puis en allant vers la gauche le Cap du Seil de la Baque oriental (3103m) pour finir par le pic de Seil de la Baque (3110m), au centre, le plus haut. D'après P.René (Glaciers des Pyrénées, Editions Cairn), "Seil de la Baque signifie littéralement "glacier de la vache". Ce toponyme reste énigmatique car il est difficile d'imaginer des troupeaux de bovins à une telle altitude. Peut-être qu'à une époque, depuis un point de vue précis, l'aspect du glacier rappelait la silhouette d'une vache?". La surface et le volume du glacier ont bien diminué depuis le 19ème siècle. Photo prise en montant à la Tusse de Montarqué.
 Alors pendant que la météo me disait que ce n'était pas le moment d'aller se promener, j'y suis allé virtuellement, en consultant tous les sites qui raconteraient l'itinéraire envisagé, des plus sécuritaires aux plus légers. Finalement, j'ai fini par me dire que la meilleure solution était encore d'aller voir sur place et que si vraiment ça nous paraissait dangereux, on s'arrêterait et on rebrousserai chemin... Simplement. On a juste appelé le refuge et le gardien nous a conseillé (aussi pour réserver la nuit et le repas...).
Donc jusqu'au lac du Portillon, on est sur un circuit hyper balisé. Puis de là, l'itinéraire, bien cairné, file à l'aller sur la Tusse de Montarqué, 2889m, (au retour on passera à flanc en dessous), pour aboutir au col du pluviomètre. La Tusse est au milieu et constitue un beau belvédère. On suit la crête qui monte sur le glacier (ce qu'il en reste et pour s'en rendre bien compte on peut regarder les photos de couverture du livre de P.René, évoqué ci-dessus) et aboutit au pied de la dernière partie, pyramidale, constituée de blocs. Le sommet du Cap du Seil de la Baque est là. Ensuite, il faudra suivre la ligne de crête, assez aérienne souvent, jusqu'au sommet principal. Franchement, ce qui était écrit dans le Guide des 3000 de L.Alejos, m'a paru le plus pertinent. C'est ici que la sagesse de chacun vous dictera ce que vous avez à faire. Elle vous dira peut-être aussi de ne pas laisser votre appareil photo dans le sac que vous aviez laissé au cap. Mais bon, là aussi franchement, les photos ne rendent pas toujours dans ces endroits-là. Et puis si c'est juste pour les mettre sur un blog... Ah ah ah.
Alors voilà que plus je parcours cette vallée d'Oô et plus je l'aime. Je trouvais cette pyramide du Cap du Seil de la Baque, au dessus de son glacier, particulièrement gracieuse mais nous y retrouver avec Manu là-haut fut un moment particulier, notamment au retour après avoir visité la crête. Et puis, faire une pause à la descente au refuge d'Espingo, prendre une bière (avec un sirop), regarder le sommet du Cap ou nous étions (et les autres), regarder aussi les randonneurs qui viennent jusqu'ici et semblent contents, certains semblant repousser leurs limites, avoir signalé également notre retour aux gardiens du refuge... Tout ça quoi...

Photo 2 : De bon matin, près du lac Saussat, non loin d'Espingo, oh une salamandre. Signe de propreté des eaux.
 Et puis dans l'euphorie du reste de la descente (ou la bière alors), je me suis dit que monter simplement ici, pour venir manger, passer la nuit, regarder les montagnes et redescendre le lendemain, pouvait contribuer grandement au bonheur. Et puis plus bas, au lac d'Oô, en regardant la profondeur du bleu de l'eau et les versants qui plongent dedans avec cette cascade, je me suis dit presque pareil, monter ici manger et regarder les montagnes jusqu'à ce qu'il n'y ait que les étoiles... Du coup, on s'est mis à courir, sans s'arrêter, jusqu'en bas, jusqu'aux granges d'Astau, où là aussi c'est bien. Courir avec les sacs chargés, et Manu avec ses crampons (dans le sac bien sûr...enfin sur le côté, pile sur ses côtes) tout neufs achetés la veille à Luchon, juste avant la fermeture et même pas utilisés... Aïe Aïe Aïe...