lundi 24 août 2020

Puig Pédros (2905m) ou Campcardos, déclinaison catalane...

 On trouvera deux noms, deux altitudes différentes pour ce sommet d'aspect presque débonnaire qui domine pourtant la Cerdagne et la vallée du Carol, dans les Pyrénées orientales, en remontant vers le col du Puymorens à plus de 2900 mètres d'altitude (2905 m d'après l'IGN et 2915 m d'après l'Institut Cartografic i Geologic de Catalunya) et offre un panorama magnifique à l'image de sa cousine la Tossa Plana de Lles. Puig signifie sommet arrondi dans les deux versions. Pedros signifiant pierreux, donc sommet pierreux. L'autre nom est puig de Campcardos. Cardos tire son origine du latin qui signifie chardon et renvoie à la zone légèrement plus au nord où on trouve de nombreux chardons probablement en rapport avec l'élevage important qui se trouve dans cette zone étonnement peu tourmentée... Les animaux viennent à l'évidence jusqu'au sommet... et camp signifie champ.

Photo 1 : La rue du Campcardos part du centre du village et mène à la route nationale 20 que vous traverserez devant l'Auberge du Campcardos passant sous la voie de chemin de fer. Vous emprunterez alors le chemin du Campcardos jusqu'au bout (le parking...)...

Le sommet se situe sur la frontière franco-espagnole et j'ai choisi d'en faire l'ascension et la visite par le versant nord français, depuis le petit village de Porta. Cet itinéraire est simplement plus raide dans sa partie intermédiaire dans l'ascension finale de la porteille de Meranges  (2633m). Il faudra d'abord sortir du village par une toponymie adaptée et réaliste et du coup belle et arpenter le large sentier de la vallée qui mène à la porteille Blanche, par où sont passés de nombreux réfugiés qui ont fuit le régime de Vichy et ses nombreuses mesures plus que discriminatoires. Peu de temps après avoir dépassé l'estany Gros (qui ressemble plutôt à une vaste mare presque asséchée à cette période de l'année) et au moment où le chemin va repasser en rive gauche, il faudra prendre à gauche par une sente bien balisée de cairns jusqu'à la fameuse porteille. Le reste jusqu'au sommet est une quasi-formalité.


Photo 2 : Depuis le sommet, vue sur la plaine cerdane, et au fond le sommet du Puigmal.

Photo 3 : La dernière partie de l'ascension depuis la porteille de Meranges.

L'empreinte des glaciers quaternaires est ainsi assez symbolique avec un versant nord (notre itinéraire) où ont été façonnés des cirques en fauteuil, dont les planchers sont toujours encombrés d'une quantité parfois considérable de blocs parfois imposants. Le versant sud (on peut faire l'ascension par le village de Meranges) est beaucoup plus doux, avec un modelé pré-glaciaire caractérisé par des surfaces planes, d'inclinaison plus ou moins importante. La prochaine fois, je reviendrai dans la zone par ce versant sud.

Je reviens sur le panorama qui m'a paru fantastique car le Cerdagne est dégagée et offre un contraste avec les montagnes plus à l'ouest. Mais le Canigo, le Puigmal, la Sierra del Cadi, le Carlit, la Haute Ariège, les montagnes andorranes jusqu'au Montcalm et plus loin encore étaient visibles

Photo 4 : Vue sur le pic Negre d'Envalira à droite et et la porteille blanche à gauche. Idéal pour le ski de randonnée alpin.

samedi 15 août 2020

Le tour de l'Andorre à pied, seul, par les grands sommets (et quelques fonds de vallées...)

Caminando solo para hacer la vuelta de Andorra por los altos cumbres 

On aura tôt fait d'oublier les files de voitures qui remontent la route nationale pour aller chercher au Pas de la Casa les cigarettes et l'alcool bon marché et filer par les crêtes afin de visiter à pied ce petit pays pyrénéen (465km2) et ses magnifiques montagnes, parsemées de lacs et de sommets. Chacun pourra y construire un itinéraire à sa mesure en se basant sur le GRP (ou autres itinéraires de grande randonnée) ou le formidable réseau de petites cabanes servant de refuge financé par le gouvernement (il y en 4 qui sont en plus gardés mais je les évite comme la peste...). On adaptera la durée là aussi à chacun. Mais ce qui est sûr c'est qu'on ne sera pas déçu.

Photo 1 : Au bord de l'étang de Montmalus, un des plus grand d'Andorre avec 11,2 hectares, lors de la dernière nuit. L'étang,du nom du hameau éponyme plus bas dans la vallée à 2470m d'altitude, se situe sur le versant du Sègre et de la Cerdagne. La frontière espagnole court tout proche de la berge sud.
Photo 1 : Au bord de l'étang de Montmalus, un des plus grand d'Andorre avec 11,2 hectares (et 21 mètres de profondeur d'après https://www.lacsdespyrenees.com/vallee-Andorra.html), lors de la dernière nuit. L'étang,du nom du hameau éponyme plus bas dans la vallée à 2470m d'altitude, se situe sur le versant du Sègre et de la Cerdagne. La frontière espagnole court tout proche de la berge sud.

En ce qui me concerne, j'ai choisi de faire le tour de l'Andorre en gravissant les principaux sommets du pays. 7 sommets dépassent les 2900 m d'altitude. J'avais aussi envie de visiter quelques églises romanes du sud du pays et certaines autres vallées et lacs. Et voilà comment on peut bâtir un itinéraire. Je voulais aussi me dépenser physiquement donc certaines étapes seront plutôt longues et finalement, avec l'ascension notamment de ces 7 sommets cités ci-dessus, et d'autres, j'aurais visité le pays en 7 étapes (mais peut-être que 10, ça aurait été bien) dont voici la liste ci-dessous. Je tenais absolument à partir de L'Hospitalet près l'Andorre, en Haute-Ariège, qui n'a jamais aussi bien porté son nom, la frontière se situant à à peine 3 kilomètres et ce qui permet de ne pas oublier la fameuse soulane d'Andorre.

- étape 1 : L'Hospitalet près l'Andorre - Pic de la Cabaneta (2818m) - Incles -  Pic de la Coume de Varilhes (2759m) - Refuge de Coms de Jan.

- étape 2 : Refugi de Coms de Jan - Pic de la Serrera (2913m) - Pic de l'Estanyo (2915m) -  Refuge de Sorteny - Refuge de Rialp.

- étape 3 : Refuge de Rialp - Pic de Font blanca (2903m) - Estany Elbalcat - Station de ski d'Arcalis -        Brèche d'Arcalis - Estany de Mes amunt - Collada de Montmantell - Refuge del Pla de l'Estany.                

- étape 4 : Refuge du Pla de l'Estany - Estanyo Forcats - Pic de Medacorba (2915m)- Estanyo Forcats -  Roca Entravessada (2925m) - Pic de Coma Pedrosa (2942m) - Portella de Sanfonts - Col de la Botella - Collada de Montaner - Os de Civis (Espagne)

- étape 5 : Os de Civis - Collada de Montaner - Pic d'Enclar (2388m) - Bony de la Pica (2402m) - Aixas - La Margineda - Sant Julia de Loria - Certes - Collada de la Calilla - Refuge de Prat Primer.

- étape 6 : Refuge de Prat Primer - Refuge de Claror - Estany de la Nou - Collada de la Maiana - Refugi de Riu dels Orris - Port de Setut - Pic de Setut (2868m) - Tossa Plana de Lles (2906m) - Tossets de Vallcivera (2848m) - Pla de Vallcivera - Estanyo de Montmalus.

- étape 7 : Estanyo de Montmalus - Collada de Montmalus - Pic de Montmalus (2781m) - Pic dels  Colells (2744m) - Pic de la Portella de Joan Antoni (2776m) - Pic d'Engaït (2776m) - Pic d'Envalira  (2825m) - Pas de la Casa - L'Hospitalet près l'Andorre.

Photo 2 : Mon itinéraire...

Les principaux sommets, ceux qui dépassent 2900 mètres d'altitude, sont d'une manière générale plutôt faciles d'accès même si parfois l'ascension se fait dans un terrain d'éboulis un peu croulant qu'il faut passer en sortant des sentiers de grande randonnée ou sur des passages où l'on posera un peu les mains. La Roca Entravessada fait exception car l'ascension depuis l'estanyo Forcats emprunte un itinéraire qui si elle suit la crête dans un premier temps facile, doit passer un ressaut rocheux que je n'ai pas trouvé simple et sur quelques pas un peu engagée. Ensuite, il faut redescendre dans un terrain à isard directement sous le sommet parfois raide et un peu instable. Six de ces 7 sommets se situent dans la partie nord de l'itinéraire.

Photo 3 : L'estany Esbalcet (environ 2300m d'altitude) sur le versant de la soulane, un peu en aval de la station de ski d'Arcalis. Au fond, le versant sud-ouest du pic de Font Blanca (2903m), adossé à la frontière française, permet une ascension facile et vous donne un magnifique panorama.

Photo 4 : Le versant sud du pic de l'Estanyo (2915m) à droite qui accueille l'estany gran de la Vall del Riu (celui du fond). Notre itinéraire arrive de la droite et monte au sommet en suivant.

Photo 5 : Au fond le pic de Medecorba (en version andorrane) et ses 2914m dominent l'Estanyo Forcats. Ce pic possède la particularité d'être un tripoint c'est à dire un noeud orographique entre trois frontières de pays (France, Espagne, Andorre).

Photo 6 : La Roca Entrevessada (2925m) depuis le collado del Forat deth Malhiverna sous la Coma Pedrossa. Il faut suivre la crête qui vient de la droite jusqu'au sommet et puis redescendre tout droit dans les éboulis...

Photo 7 : La Coma Pedrossa (2943m) est à droite. Vue depuis la crête du pic del Port Vell au dessus de la station de ski d'Arinsal.

Photo 8 : Le pic de la Serrera (2913m), avec un des plus beaux panoramas de cet itinéraire car il permet à la fois d'embrasser le versant nord français jusqu'à la Montagne noire et l'ensemble de la principauté d'Andorre. Il suffit d'y monter depuis le col dels meners à plus de 2700 m (sur le GRP) et de suivre la crête. 

Photo 9 : La Tossa Plana de Lles (2908m) ou pic de la Portelleta (version andorrane) reste le seul des grands sommets placé dans la partie sud.  Le versant andorran (à gauche) est beaucoup plus accusé avec des formes glaciaires que le versant cerdan beaucoup plus doux d'où le nom du sommet. Une tossa  désigne un sommet arrondi. Lles est une commune de Cerdagne (Espagne). Sur notre itinéraire, on y accède par le col puis le pic de Setut (2858m) d'où est prise la photo, et un terrain rempli de gispet, pas toujours agréable dans un premier temps.

Ce tour de l'Andorre permet aussi d'admirer un patrimoine intéressant tant dans la moyenne montagne que plus bas dans les vallées. En reprenant ce qui est écrit dans le Guide des Pyrénées romanes de J.Vivier et S. Laplique, on peut dire, comme il est souvent dit que "l'art roman est l'art national andorran. Et, de fait, la principauté compte une cinquantaine d'églises romanes, exceptionnellement bien conservées, qui forment un ensemble unique...". "Le patrimoine andorran est particulièrement homogène : des constructions de petites dimensions et une certaine sobriété dans l'ornementation...". Ainsi la partie sud de cet itinéraire permettra de venir admirer les petites églises d'Aixas (qui n'est pas décrite dans le guide...), et de Sant Marti (adossée au rocher) et Sant Cerni au dessus de Sant Julia de Loria. Elles ont chacune leur caractère mais j'avoue avoir eu un petit faible pour celle d'Aixas perchée au-dessus de la vallée.

Photo 10 : La chapelle d'Aixas dédiée à Sain Jean l'évangéliste. Le chemin qui descend jusqu'ici depuis le Bony de la Pica (2402m) comporte des passages équipés et reste peu fréquenté en parcourant la forêt de pins noirs. Un lieu d'hébergement ici m'aurait probablement convaincu d'y passer le reste de la journée pour y faire étape.

Ma petite escapade en Espagne à Os de Civis (à 1490m) propose aussi un intérêt patrimonial intéressant avec un village qui possède des édifices médiévaux avec son église dont la première mention date de 1312. Ce qui m'intriguait c'était que ce village est périclavé c'est à dire que la partie amont de la vallée appartient à l'Andorre tout comme la partie aval. Donc on est obligé de passer par l'Andorre pour y accéder avec la route et on vous y vendra probablement des timbres andorrans... L'intérêt était aussi de dormir à l'hôtel, de manger au restaurant (de digérer ensuite par une marche nocturne dans les ruelles du village ce qu'on avait mangé, puis ensuite une bonne partie de la nuit...), de laver l'unique paire de chaussettes qui me restait (j'avais oublié l'autre à sécher au matin de la troisième étape...). La vie quoi... Parce que bon, les bouquetins, les isards, les innombrables marmottes, les renards (à queue blanche...), les espaces pour les coqs de bruyère, ça va un moment... hahaha...

Photo 11 : Au coeur du village d'Os de Civis. L'origine du nom est discutée. La terminaison en -is fréquemment retrouvée dans les toponymes pré-romans bascoïdes andorrans comme Arcalis par exemple peut faire douter d'une origine latine du nom. Pour Os, il en est de même car le linguiste catalan Joan Coromines a quant à lui évoqué une origine pré-romane bascoïde sur oe/obe (cabane de berger). Cela est à mettre en relation avec le village de Civis dans le haut Urgell (dans une vallée voisine) dont la zone d'Os de Civis était utilisée comme zone de pâture par ses habitants. Mais sa partie supérieure disputée par les habitants du village andorran de Pal a été perdue au détriment de ces derniers. D'ailleurs d'une manière générale, le tracé de la frontière andorrane découle de l'usage ancestral des pâturages de montagne et des problèmes d'attribution aux bergers des environs.

Enfin, on trouvera en altitude une multitude de vestiges pastoraux comme ceux bien conservés et mis en valeur à la station de ski d'Arcalis où ceci-dit on pourra manger une txancat excellente, mais assez longue à digérer... Préférez alors en suivant une discussion allongée dans la pelouse plutôt qu'une double ascension... Dans la vallée du Madriu, classée au patrimoine mondial de l'humanité, celle qui permet l'accès au pic de la Portelleta, ceux-ci seront mis en valeur par des panneaux informatifs qui montrent la structure globale de ces aménagements que l'on peut retrouver partout, et d'une manière générale dans les Pyrénées. Mais cela rappelle que la montagne est exploitée et humanisée depuis la nuit des temps.

Photo 12 : À la station d'Arcalis, les aménagements pastoraux mis en valeur à deux pas des installations de ski.
Enfin on pourra rappeler le nombre importants d'étendues lacustres d'origine glaciaires rencontrées sur l'itinéraire comme si cela était nécessaire... Mais il est vrai que l'eau est d'une manière générale si claire que c'est un lieu de promenade pour de nombreux visiteurs. Vous en trouverez aussi des beaucoup moins fréquentés. Ce qui aura été un plaisir tout au long de ce petit périple reste le fait qu'à chaque sommet ou incursion vers les hauteurs, on peut avoir une vue globale sur ce qu'on vient de parcourir, et sur ce qu'il nous reste à faire. Et que cette vision évolue au fur et à mesure du cheminement, comme une introspection, donnant un aspect différent à chaque lieu. Lorsqu'on traverse une île, on est toujours tenté le long du chemin, de regarder vers l'extérieur et le littoral, ici c'est donc vers l'intérieur (sans exclure de regarder au-delà des montagnes...), au contraire.

Photo 13 : L'estany de la Nou, peut être mon préféré... dans la vallée de Perafita, dans la partie sud, qu'une longue pause matinale permettra peut-être d'apprécier davantage...

Photo 14 : Sur les crêtes de la Soulane d'Andorre, vue sur le Pas de la Casa au fond et le pic Negre d'Envalira qui le domine et par lequel on passera pour la dernière étape... Cette première partie de l'Andorre est sur le versant atlantique, là aussi une vielle histoire de pâturage. Au Pas de la Casa, on pourra aller manger, sous les arcades à La Braza une pizza et regarder les photos anciennes du lieu...


Photo 15: Les étangs de Siscaro en redescendant de la crête de la Soulane d'Andorre, non loin d'Incles.


Photo 16 : Sur le chemin, en arrivant, tardivement, au refuge de Prat Primer, au dessus d'Andorre la Vielhe, après une belle montée sur les pâtures de la Soulane au dessus de Sant Julia de Loria. Il fallait bien se ravitailler au fond de la vallée (descente à 930 m d'altitude) où à l'entrée nord de la ville on trouve une station Total Bonjour, où il y a tout (les pâtes lyophilisées Galina blanca...). Même, juste avant, un magasin d'équipement de sport au cas où... et même un pont roman (qui ressemble un peu aux génois de Corse). Mais tout ce bruit dans cette vallée encaissée ça va 5 minutes...


Photo 17 : C'est difficile de se perdre honnêtement. Ici les balises du GRP en descendant vers Aixas. Si en plus vous possédiez la carte Alpina Andorra au 1/40000°. Les chemins qui y sont mentionnés en pointillés rouges sont souvent balisés d'une manière ou d'une autre...