dimanche 26 octobre 2014

La Frondella N-E 3071m (Aragon) et l'été indien.

Avec ce bel été indien qui n'en finissait pas, il fallait bien essayer de terminer par un dernier haut sommet. Alors, le choix s'est porté en cette fin du mois d'octobre sur le massif de la Frondella, dans l'ouest du haut Aragon, au dessus de Sallent de Gallego.

Photo 1: A ce moment-là, l'itinéraire n'a pas encore bifurqué sur la gauche pour remonter la vallée d'Ariel. On est toujours sur le chemin qui va au refuge de Respomouso.
 Je pensais honnêtement pouvoir enchaîner les deux pics, le plus haut le Frondella nord-est à 3071 mètres et le Frondella sud-ouest à 3001 mètres. Et puis, en commençant par ce dernier, après avoir gravi le grand versant, sans aucune difficulté, arrivant, en fin de matinée, devant la paroi finale qui s'est redressée, et minéralisée, je n'ai pu que constater que le soleil n'avait pas encore rendu visite à cette portion et qu'une fois engagé, la roche m'a paru bien lisse, un peu gelée par endroit et la vire, qu'il fallait passer pour atteindre le cairn sur la crête de l'autre côté du couloir, bien plus engagée que ce que j'avais pu lire. Alors, j'ai finalement renoncé et me suis dirigé vers l'autre sommet dont l'accès est plus aisé, côté lui aussi pourtant F+ sur le Guide des 3000.
Photo 2: A l'arrivée sur la Frondella central (3055m), pic secondaire, vue sur la droite de la Frondella NE et du Balaïtous à gauche, qui domine l'ensemble.
 Le chemin est bien balisé depuis le départ de l'embalse de la Sarra (vers 1460 mètres) jusqu'aux ibones d'Arriel, vers 2200m. Ensuite, un sentier cairné file à droite avant de traverser le torrent. Puis, on laisse le sentier qui va vers le Balaïtous pour prendre vers la droite sur le versant, là aussi un itinéraire cairné.

Photo 3 : Depuis le premier étang d'Ariel, une vue sur le versant des Frondella (là où il y a les 3 névés) qu'il faudra donc remonter. La Nord-est est à gauche et la sud-ouest à gauche, au niveau de la pointe. le versant est juste long.
Ce jour là, je n'ai croisé qu'une seule personne. Du sommet de la Frondella, je n'ai vu personne sur celui du Balaïtous. Alors je me suis dit qu'il valait mieux être prudent. La montagne m'avait laissé un petit bonus inespéré...
Photo 4 : Au cours de la montée sur le grand versant, vue sur, au premier plan, l'ibon d'Arriel, à droite l'embalse d'Arriel alto et à gauche, l'embalse d'Arriel bajo. Et devinez le nom du pic qui domine l'ensemble, un peu à gauche, du haut de ses 2824m.

mardi 21 octobre 2014

Refuge de Tuquerouye, 2660m, et pic de Pimené, 2801m (Hautes-Pyrénées), balcon 5 étoiles.

On va finir par penser que le réchauffement climatique a du bon. Pensez-y, pouvoir aller se promener par un temps stable et franchement doux en ce jour de fin octobre dans les Hautes-Pyrénées dans un secteur proche des hauts sommets par des chemins qui se méritent. Oui, (ceci n'est pas un guide) car n'importe qui n'ira pas au refuge de Tuquerouye, surtout par le versant français et le dernier couloir, assez raide, peu stable et encore encombré de névés pour aboutir à la porteille où a été construit (il y a quelque temps déjà) et récemment rénové le fantastique et confortable petit refuge de Tuquerouye. Car le confort n'est pas un vain mot dans ce refuge du CAF, dans cet endroit qui semble si improbable, quasiment sur la frontière franco-espagnole, à une très petite centaine de mètres au dessus du lac glacé (côté espagnol), dans lequel c'est sûr, on n'aura pas envie de faire trempette. La vue sur la face nord du Mont Perdu et ses glaciers étagés est une rareté dans les Pyrénées. On est proche de l'extase là appuyé sur la balustrade.
Une petite douzaine de places et ce soir-là, 3 ex allemands de l'est (...), un espagnol gardien de refuge, et 3 français (c'était nous) en train de cuisiner un boudin aux poires avant de faire fondre le camembert, après s'être réhydratés avec un peu de cidre et de bière. Le vin rouge, c'était uniquement pour la gastronomie.
- Ahh, die franzonen...

Photo 1 : La face nord du Mont Perdu, de bon matin, et forcément de bonne humeur, après une franchement bonne nuit (il faut quand même dire que personne ne ronflait...).
Alors comme nous étions venus pour en prendre plein les yeux, sur le chemin du retour, c'est à dire ce matin, nous sommes allés voir aussi si depuis le sommet du pic de Pimené, la vue sur le cirque de Gavarnie et tous les sommets était si belle que cela. Oui, effectivement, ce qu'on dit est vrai. Là aussi c'est du cinq étoiles.
Photo 2 : Sur la crête menant au Pimené, on se dit qu'il est dommage que la lumière ne soit pas au rendez-vous. Le pic du Taillon  3145m (le plus haut à droite de la Brèche de Rolland), le casque du Marboré (3006m, à gauche de la brèche). Tous les autres sommets en filant à gauche, donc vers l'est, sont à plus de 3000m.
  Il y avait encore étonnement un troupeau de chèvres tout juste sous le sommet. L'ambiance était donc encore quelque peu pastorale et il est vrai que cette montagne schisteuse ressemble à un immense pâturage et fait face à l'ensemble calcaire des sommets des deux cirques (et même trois Gavarnie, Estaubé et plus loin Troumouse). La limite entre les deux est vraiment visible. Ici, c'est plus accessible depuis Gavarnie, même s'il y a mille cinq cents mètres de dénivellation, en passant par le refuge des Espuguettes.

Photo 3 : Depuis non loin du refuge des Espuguettes, vue au fond sur le massif du Vignemale et le glacier d'Ossoue. Ce refuge bénéficie d'une situation de belvédère, elle aussi remarquable.
Pour résumer, nous sommes partis donc de Gavarnie, où nous avons laissé la voiture (un peu au dessus du village car nous n'avions pas eu envie de payer le parking pour deux jours : on est très loin des fréquentations estivales et cela nous parait être en ce jour, en cette saison, un peu du racket...). En passant par le refuge des Espuguettes, nous avons poursuivis vers la Hourquette d'Alans (2430m), indiquée à 3h30, puis nous avons rejoint le refuge de Tuquerouye. Le lendemain, donc retour avec l'ascension du Pimené, par un sentier qui file plein nord, peu après la hourquette.

Photo 4 : Même la petite pause à l'arrivée est dans un cadre grandiose. Et pour ne rien gâcher, l'accueil dans ce bar fut agréable.
Juste pour conclure, en disant que ce refuge de Tuquerouye est une merveille : on n'oubliera pas de laisser la participation de 6 euros demandée aux usagers et de laisser l'endroit propre et en état. Car vraiment, l'ensemble est propre, confortable et assure sa mission première, la sécurité des montagnards. Et en plus, on finit par trouver que malgré la fréquentation de ces contrés, la montagne est plutôt propre.

Pour ceux qui veulent un peu plus d'informations sur le refuge de Tuquerouye, on peut lire l'ouvrage de M.Bruneau et B.Genier Passages, les Pyrénées du nord au sud et réciproquement, aux éditions Cairn, avec un chapitre le concernant.

samedi 27 septembre 2014

Grand Eriste 3053m et Eriste sud 3045m (Aragon)

Ils sont les sommets de plus de 3000 mètres (vive la Révolution française) les plus méridionaux du massif des Posets dans les Pyrénées aragonaises. Et vu la longueur de leurs accès par le sud, en venant du puerto de Saunc, à 1999 mètres d'altitude (au bout d'une très longue piste depuis le village de Plan, mais elle est bétonnée depuis le village de Chia, versant Benasque) puis bien plus haut, sous les sommets, une mer d'éboulis (mais le paysage rencontré était bien indiqué dans le Guide des 3000 de L.Alejo), on se dit que le chemin sera fastidieux et qu'il n'y aura pas grand monde. A la limite, si ces sommets ne dépassaient pas la limite fatidique, irait-on se perdre par là?

Photo 1: Le versant est du puerto de Saunc ou Sahun (celui-ci est au bout de la piste, au fond à droite), avec ses pâturages encore bien exploités, et le pico de Chia (2517 m) au fond. la montagne ce jour là était encore parcourue par des troupeaux de vaches et de nombreuses brebis.
En fait, on a là un cheminement qui offre une grande variété de situations et de très beaux paysages. Une course qui nécessite un temps stable et une habitude de la pratique de la haute montagne pyrénéenne, même si pour le pic d'Eriste sud, il n'y a pas de réelles difficultés techniques. On peut envisager de gravir les deux sommets car vraiment le pic d'Eriste sud est très proche du chemin pour aller au pic central. Mais on peut se contenter d'une partie de l'itinéraire pour quand même voir de belles choses, voir même de simplement passer la fin de la journée au départ, au puerto de Saunc pour profiter des variations dans les tons d'une montagne pastorale décidément très belle et vivante. Ce fut une très belle surprise que les endroits visités. Alors le récit pour cette fois ressemblera davantage à un diaporama.
Photo 2 : Le fond de l'ibon de Barbarisa (vers 2310 m) et les ibonets de Barbarisa.
Photo 3 : Depuis le collado de Pardines (2538 m, 30 minutes au dessus de l'ibon de Barbarisa), plein est, vue sur le si joli ibon de la Ribareta (sur une autre carte, il est nommé ibon del paso de las bacas, ambiance pastorale garantie). Franchement, on aurait eu envie de poursuivre dans cette vallée. Le contre-jour de la photo ne permet pas de se rendre compte du bleu tropical de l'eau du lac. Le massif de l'Aneto est au fond.
Photo 4 : En ayant laissé le sentier qui descendait vers l'ibon de la Ribareta, on file vers le nord, à flanc, suivant les cairns et des sentiers de chèvres, on passe à proximité de deux premiers laquets vers 2586 m. Toujours avec le pic d'Aneto en fond d'écran.
Photo 5 : Le pic d'Eriste central est là couronnant le champ d'éboulis. Pour parvenir au sommet, il faudra rejoindre la porteille de droite, dans un terrain un peu instable. Le chemin passera ensuite derrière pour remonter un couloir qui donne sur le versant ouest, nettement plus raide... Les cairns ne sont pas toujours bien visibles sur la portion dans les éboulis.
Photo 6 : Avant d'attaquer l'ultime couloir qui mène au sommet de l'Eriste central, vue sur l'ibon Chelau (2805m) et la pica Sierra (2884m).
Photo 7 : Depuis le pic d'Eriste sud, 3045m, vers l'est (plus ou moins...), la mer d'éboulis et l'ibon de Bagueña (vers 2470 m). Le pic d'Aneto est au fond, à gauche.
Photo 8 : Sur la piste, qui rentre au puerto de Saunc depuis la cabane de Barbarisa. Le camion semblait amener des brebis et non pas les rechercher : ça m'a laissé perplexe, si tard dans la saison.
Je conclurai en disant que l'on peut venir pour visiter des sommets de plus de 3000 mètres mais qu'on y reviendra probablement pour visiter les nombreux lacs, la vie pastorale et les sommets moins hauts de la région. Ou simplement depuis le puerto de Saunc, regarder le paysage pastoral en fin de journée. On pourra poursuivre chez soi avec la lecture de la publication de la thèse de 3ème cycle du géographe Max Daumas La vie rurale dans le haut Aragon oriental (un peu ancienne, 1976, un peu longue plus de 700 pages mais on n'est pas obligé de tout lire...), Un géographe dans les Pyrénées aragonaises (Avec B.Bennassar) ou les ouvrages de Severino Pallaruelo (même si c'est pas tout à fait que cette même région), notamment le Pastores del Pirineo ou Tristes montagnes (mais c'est vraiment triste...).

lundi 15 septembre 2014

Balaïtous 3144m (Hautes-Pyrénées)


Photo 1 : Le départ, au bout de la route de la vallée du gave d'Arrens, vers 1450m d'altitude. Cela paraît difficile de se perdre!
On peut prendre des chemins balisés pour gravir un sommet important des Pyrénées, dont l'histoire de son ascension est bien sinueuse,  le Balaïtous, en passant la nuit d'abord dans un refuge gardé, le refuge de Larribet avec un accueil des plus chaleureux et agréable, se lever au petit matin (en cette saison un peu plus tard) après un petit déjeuner dans la salle où la veille on a pu lire des revues sur les Pyrénées et la montagne. Tiens, le voyage d'un peintre chinois, He Yifu, dans les Alpes, lors d'une exposition au musée de l'Ancien évêché de Grenoble. Et puis, en écoutant les conseils de la gardienne, qui vous aura montré tout cela sur une photo peut-être, après les lacs de Micoulaou (vers 2350m), éviter de filer directement vers le col noir, sur la frontière pour prendre celui un peu plus à droite, qui vous fera éviter des névés récalcitrants ou/et un terrain peu stable. Se rappeler pour le chemin du retour de l'itinéraire pour ne pas se tromper. De l'autre côté, sur le versant espagnol, on remontera ensuite, sur la gauche, vers l'abri Michaud (2700m) qui marque le point de départ de l'ascension de la dernière partie, en s'engouffrant dans une cheminée puis peu après le sommet de celle-ci, ne pas rater la fameuse grande diagonale, à nouveau sur le versant français. Le risque est de rester sur le versant aisé qui vous fera passer en traversée, au dessus d'elle, (car il y a quelques cairns) en pestant sur les auteurs du guide, en se disant qu'ils ont tout de même un peu sous-estimé la difficulté. Et puis non, c'est juste toi qui t'es trompé... Le Balaïtous, même s'il est côté F+ dans le Guide des 3000, m'a paru vraiment sérieux dans cette partie finale et peut impressionner les novices et le port du casque ne m'a pas paru un luxe sur la dernière partie. Bon, ...

Photo 2 : Une partie de la Grande Diagonale, vue prise à la descente.
Ensuite on débouche au sommet, et on découvre un panorama vaste vers le pays basque, le pic du Midi d'Ossau (pas sous son plus beau profil). Est-ce qu'on peut voir l'océan par temps clair? Et vers l'Aneto, au loin à l'est.
Photo 3 : Les pics d'Enfer (3076, 3083 et 3073m) à gauche au dessus du glacier,  puis le Garmo Negro (3051m), l'Argualas (3046m) et l'Algas (3036m). Au premier plan, le début de la crête des Frondella.

Photo 4 : les 3 Frondella : Nord-est (3071m), puis à droite la centrale (3055m) et la sud-ouest (3001m)
 On redescendra alors satisfait d'avoir gravi un beau sommet, remontant une vallée ponctuée par le bassin lacustre des lacs Batcrabère, par une belle journée de septembre sans avoir trop éprouvé de difficultés (on peut vite oublier) et puis se rappelant des éleveurs qui aussi avaient passé la nuit au refuge et qu'on entendait le matin sur le versant opposé, rameutant les dernières brebis (234) pour la descente finale. On aurait eu aussi envie d'aller avec eux. Voilà c'est vraiment la fin de l'été. Alors pour éviter d'être trop attristé, on pourra toujours s'arrêter acheter de la saucisse d'agneau au piment d'Espelette sur la place du Val d'Azun à Arrens Marsous, chez Serge Louey et repenser à la rencontre avec un montagnard qui redescendait quasiment en même temps que moi et me racontait les courses en montagne. Il avait participé aux premières courses du Vignemale, terminant 16ème à l'époque et me disait qu'avec le même temps aujourd'hui il serait 10ème. Les meilleurs voient bien sûr leur temps s'améliorer mais pour ceux qui suivent ce n'est pas forcément le cas. Peut-être parce que l'entraînement se fait en plaine sur plat et pas en montagne.

Pour poursuivre la ballade, on peut lire Flemattisime, Des Pyrénées aux Alpes de Robert Flematti, aux éditions Guérin. Il y raconte notamment son enfance dans la vallée d'Arrens et le lecteur/marcheur y trouvera forcément des lieux familiers, et un dénouement inattendu.

mercredi 10 septembre 2014

Yanick Lahens, littérature haïtienne, à Toulouse. (26 mars 2015)

Nouveau petit préambule  : Yanick Lahens devrait à nouveau être là le jeudi 26 mars à la médiathèque José Cabanis, à partir de 16h30, auréolée de son prix Fémina.

Pour les amateurs de littérature haïtienne, ou les amoureux d'Haïti, la librairie Ombres Blanches reçoit l'écrivaine haïtienne Yanick Lahens le jeudi 18 septembre 2014, à 18 heures, dans ses locaux pour la présentation de son dernier livre Bain de lune, aux éditions Sabine Wespieser. Les occasions de pouvoir rencontrer des écrivains de ce pays de la Caraïbe ne sont pas fréquentes alors qu'ici, il soit dans un premier temps, le moment d'apprécier la librairie Ombres Blanches, qui plus qu'une librairie, est un lieu culturel de premier ordre dans notre ville rose.

Yanick Lahens vit aujourd'hui en Haïti, après avoir fait des études de littérature à Paris. Lauréate du prix RFO 2009 pour La Couleur de l'aube, elle occupe aujourd'hui une place particulière dans la littérature en décrivant la réalité caribéenne.

Photo 1 : Couverture.
Quelques unes de ses publications :
- L'exil, Entre l'ancrage et la fuite, l'écrivain haïtien. (essais) 1990
- Tante Résia et les dieux. 1994
- La petite corruption. (nouvelles) 1999
- Dans la maison du père. (roman) 2004
- La couleur de l'aube. (roman) 2008
- Failles. (récit) 2010
- Guillaume et Nathalie. (roman) 2013
- Bain de lune. (roman) 2014

A titre personnel, c'est le recueil de nouvelles La Petite corruption  qui m'a le plus touché et qui m'a accompagné dans la découverte de ce pays. Un pays où la vie n'est pas facile bien sûr et où les petits arrangements avec le quotidien sont nombreux, mais que l'auteur décrit en toute pudeur. Ce livre avait été aussi l'occasion de vérifier l'intérêt des haïtiens pour la littérature et la culture en général, lors de sa venue à l'Alliance française de Jérémie, en Haïti, il y a quelques années de cela, à une époque où l'auteure n'avait pas la renommée actuelle. Un soir d'octobre 2000 donc, environ deux cents personnes, bien plus que ce qui avait été espéré, étaient venues la rencontrer et son ouvrage avait été en tête des ventes localement, à ce que m'avait raconté une amie libraire. Alors oui, une fois de plus, il est bon de rappeler qu'en Haïti, il n'y a pas que des catastrophes naturelles. Il y a aussi un vrai amour pour la littérature et des gens (souvent bien jeunes) qui se déplacent le soir, après le travail ou les études, pour écouter des gens de lettres.

 P.S.: J'aurais peut-être pu écrire ce billet un peu plus tôt, la date de la venue de Y.Lahens étant connue depuis quelques temps déjà!

P.S.2 (ajout): Ce soir après la rencontre, je peux dire que Y.Lahens a gardé le souffle de La petite Corruption en gagnant en épaisseur. Y.Lahens disait au cours de la rencontre que lorsqu'on parlait d'Haïti, c'était toujours pour annoncer de mauvaises nouvelles.
- Non, il n'y a pas que des mauvaises nouvelles en Haïti. Il y a aussi La petite corruption!

samedi 6 septembre 2014

Pic Belloc, 3008m, (Haute-Garonne) presque électrique.

Depuis la route qui monte aux granges d'Astau, en vallée d'Oô, avec le pic des Spigeoles (viendrait d'une francisation fautive de son nom gascon "eths picholes", les petites rigoles), c'est celui que l'on voit en premier. Deux possibilités s'offrent pour aller visiter le pic Belloc, du nom d'un pyrénéiste, depuis les granges, près de Bagnères de Luchon. Soit passer par le nord ouest, le cirque d'Espingo (sur la montagne des Spigeoles) et la brèche Belloc par un itinéraire non balisé. La deuxième possibilité vient du pic des Spigeoles, au sud est, que l'on gravira par la voie normale (F+, d'après le guide des 3000 m, de L.Alejos), puis en poursuivant par la crête (PD-). C'est ce que j'ai fait. D'autant plus qu'au cours d'une conversation avec le gardien du refuge d'Espingo, celui-ci m'avait conseillé, dans l'éventualité d'une ascension vers le Belloc, de poursuivre par la crête vers le pic des Spigeoles, plutôt que de revenir par le même chemin. Mais n'allez pas prendre ce récit pour un guide, c'est juste le récit de ma journée. Le récit sur le compte facebook du voyage sur les 212, avec la publication de quelques photos ont fini de me convaincre de la faisabilité de cette voie.


Photo 1: Au centre le pic des Spigeoles (3065m) et à gauche, les 3 Belloc (de droite à gauche Belloc sud 3007m, Belloc central 3006m et le pic Belloc 3008m), et à droite, le pic Gourdon (3034m). La photo a été prise un matin d'Août 2013 depuis le pic Camboué, me semble t-il! (cliquez sur l'image pour voir de plus près).
Photo 2 : En montant vers le pic des Spigeoles, au fond à gauche, le plus haut, c'est le pic de Perdiguère (3222m), puis de gauche à droite, le pic du Portillon d'Oô (3050m), le pic du Seil dera Baquo (3110m) puis au dessus du glacier le Cap dera Baquo (3103m). Cette année, l'enneigement est resté plus tardivement.

Photo 3 : A gauche, le pic des Spigeoles et, à droite, le Belloc sud. J'imagine que j'ai pris la photo du Belloc central. Depuis les Spigeoles, il faut bien compter une heure aller retour. Il faut dire que devant l'ambiance quelque peu électrique, enfin sur les sommets espagnols, je n'ai pas traîné. Mais bien sûr, il faut une certaine pratique de la haute montagne pour s'engager par ici. Je rappelle que cette page n'est pas un guide.
Photo 4 : Les 3 Belloc. Il s'agissait vraiment d'être prudent. Si on se rate, on viendra vous ramasser bien plus bas.
Photo 5 : Une assiette montagnarde à l'Auberge d'Astau, en guise de réconfort.


- Alors, vous avez choisi?
- Bon, j'hésite avec les truites de la vallée d'Oô dont vous m'avez parlé pour la suggestion du jour. Vous en avez souvent?
- On en a presque tous les jours, cela dépend des arrivages. On pourrait presque les mettre sur la carte.
- En fait, je suis complètement cuit, et j'ai très faim. Je reviendrai pour les truites.
- Vous êtes allé où aujourd'hui?
- Au Belloc. Je suis parti tard, à midi moins le quart. J'ai réussi à éviter l'orage (pour ma défense, j'avais consulté la météo le matin avant de partir, et aucun orage était prévu), mais j'ai eu un peu peur pour tout dire.
- Ah, la montagne, il faut partir tôt.
- Oui, je sais et je n'ai pas été prudent! Mais si je veux manger chez vous le soir!?

mercredi 27 août 2014

Pic des Jumeaux Ravier 3160m (Aragon)

Lui et son compère le pic des Vétérans (3125m) ne sont pas les sommets les plus prestigieux du massif des Posets dans le haut Aragon. Vus d'en bas, des granges de Viados, ils peuvent apparaître simplement comme le prolongement nord du point culminant le pic Posets et ses 3375 mètres. Le guide des 3000m de Luis Alejos en présente l'ascension de manière abordable pour quelqu'un qui pratique la haute montagne puisqu'ils sont côtés facile +.
Photo 1 : A gauche, le pic des Vétérans (3125m) et à droite le pic des Jumeaux Ravier (3160m). Derrière, qui domine, le pic des Posets (3375m)
 Leur altitude est donc un bon prétexte pour aller explorer cette partie du massif, en remontant le Val d'Añes Cruzes depuis les granges de Viados jusqu'au puerto de Chistau à 2577 mètres par l'itinéraire balisé du Gr11. On laissera le sentier peu après pour se diriger vers la droite en suivant des cairns qui passeront à proximité du lac Rouge de Posets (Ibon royo, c'est de l'aragonais, qui cette année n'avait de rouge que le nom, tout est vert!!!) poursuivant jusqu'à la collada negra à 2878 mètres. A partir de là, on s'engage sur la crête proprement dite qui se gravit, en posant les mains parfois, passant d'abord par le pico de los Veteranos (3125m) puis le pico de los Gemelos (3160m).  De ces derniers, la vue sur le glacier de la Paul est parfaite. Pour aller plus loin, et rejoindre le pic Posets, il faudrait franchir la brecha Carrivé, et là ce n'est plus de mon domaine.

Photo 2 : Depuis la crête menant aux sommets, l'Ibon Royo de Posets. Au fond, à droite, le pic des Gourgs Blancs et la ligne de crête frontière.
 Voilà la relation de l'ascension, qu'on pourra trouver probablement dans plein d'autres sites! Alors pour essayer de faire l'original (...), revenus à la collada, on peut toujours descendre directement dans la combe, dans la barranco d'els Millars. On aura l'impression de gagner du temps (c'est pas sûr), en évitant d'y aller avec des chaussures trop lisses, car une grande partie du versant est composée de gispet. Mais on gagnera peut-être la satisfaction de croiser une multitude de brebis qui remontent en file indienne, au-dessus du troupeau de vaches qui paissent tranquillement sur le pla au confluent des deux barrancas. On pourra alors rester sur la rive gauche du val d'Añes Cruzes, traversant alternativement des zones de pâtures, où les vaches semblent être les reines, et des pinèdes. Rien n'y est balisé mais  il est bien heureux de chercher son chemin, de suivre des sentes de troupeaux, plus ou moins à l'instinct (mais n'exagérons rien, la visibilité sur l'ensemble par beau temps, est impeccable), de se demander comment franchir le grillage tout neuf, sans l'abîmer, et de regarder les fleurs si nombreuses et colorées, ces champs de lys (si tard dans la saison me paraît exceptionnel), plutôt que de chercher des balises jaunes ou rouges et blanches. Voilà, regarder la montagne et pas le Gr. Alors avec tout ça, est-il utile de vous dire combien de temps j'ai mis? En partant tôt le matin, comme il se doit (...), pour voir peut-être des dizaines d'isards au dessus des lacs, la succession de lignes de crêtes bleues en direction de l'Aneto, les estives du versant sud de la Punta del Sabre, on rentrera en début d'après-midi.
Photo 3 : Un petit embouteillage de brebis remontant el Barranco d'els Millars (le ravin des milliers?).
Enfin, vu l'accessibilité des lieux, et on se gardera du souhait d'amélioration de la route, on pourra dormir au si agréable (et simple) camping El Forcalle, à 1550 mètres d'altitude. Y acheter peut-être des ustensiles de cuisine taillés dans le bois par le patron.

Photo 4 : Au retour, les granges de Viados. Au fond, la petite maison, est le refuge de Viados.

En attendant de revenir par là, vous pourrez lire le très beau livre que Jean François Labourie consacre aux jumeaux Ravier Jean et Pierre Ravier, 60 ans de Pyrénéisme.

dimanche 3 août 2014

Par Vaccaghia (et le GR 20), pour une traversée à pied de la Corse (De l'ïle-Rousse à Conca)

On pourrait traduire cela par le champ ou le prés des vaches. Et effectivement elles sont là en contre-bas de la bergerie de Vaccaghia, quand elles ne se promènent pas au milieu du campement de tente et que le chien de Noël, l'éleveur de la bergerie (mais les vaches ne sont pas à lui), ne les fait pas partir. (liste des étapes à la fin du texte)

Photo 1: Il suffira de lire la pancarte.
Les bergeries sont installées un petit peu au dessus du pla, fameux champ, sur le versant nord. Le sentier du Gr20 y chemine, rejoignant le refuge de Manganu de l'autre côté, à quasiment la même altitude, du col de l'Acqua Ciarnente (sur la ligne de partage des eaux), le tout entre 1500 et 1600 mètres d'altitude. C'est tout près et il ne faudrait qu'à peine une demi-heure à un randonneur au long court, donc chevronné (...), pour s'y rendre, un peu plus ou un peu moins au randonneur qui a fait une pause à la bergerie, en ingurgitant un fromage et quatre pietras (bière corse à la châtaigne), en se demandant s'il ne va pas en prendre une cinquième pour se donner un prétexte et rester là un petit peu plus longtemps. Faire le chemin en zigzagant risque de lui prendre un peu plus de temps et d'énergie. Mais bon, peu importe, il aura le temps d'admirer le paysage montagneux face à lui. Car au dessus du champ des vaches, s'élève un versant d'abord doux et moutonneux constitué de pâtures, lentement colonisé par des arbustes, le long des ruisseaux, puis au dessus, il aura le loisir de rechercher parmi les sommets granitiques et escarpés le Lombarduccio ou d'autres qui constituent le fil de la crête. Imaginer le lac de Goria qu'il sait juste derrière. Et puis vraiment, si tout cela ne suffit pas, il repensera au si beau lac de Nino qu'il avait laissé une heure et demi avant son arrivée aux bergeries. En cette fin de journée, comme très souvent dans ces montagnes maritimes, les nuages, lentement amoncelés depuis le début de l'après midi, auront peut-être commencé à se dissiper et laisseront passer les rayons de soleil qui à cette heure là, donnent la si douce clarté à tous les plans et lignes de relief de la montagne.

Photo 2 : Le lac de Nino (1743m) et la Punta Artica (2327m) à gauche. Le lac est entouré, en aval comme en amont des fameuses pozzines (pozza en italien veut dire flaque).
 Alors puisqu'il n'est pas possible de dormir aux bergeries en venant du nord, il faudra reprendre le sac pour traverser le champ des vaches et aller au refuge, planter la tente au milieu de la masse des randonneurs multicolores qui dorment tous à vingt et une heure. Mais il fallait vérifier que le champ des vaches portait bien son nom alors en guise de promesse d'une cinquième pietra, après le montage de la tente, la douche, le repas, une longue discussion en anglais avec une jolie hollandaise, il prendra le chemin en sens inverse au coucher de soleil. L'accueil à la bergerie sera toujours aussi chaleureux, la pietra toujours aussi bonne et la frontale indispensable pour rentrer dormir, à travers les étoiles. Noël fait la traite de ses chèvres tôt le matin, alors bien sûr on ne fera pas la fête trop tard tous les soirs, et l'endroit pour la nuit y est paisible. Le faisceau de la lampe éclaire le chemin et la loupiote du refuge de Manganu est en permanence en point de mire. Son gardien, bienveillant lui aussi, sera de toute façon attentif et viendra prendre des nouvelles à l'arrivée. Mais les vaches, ainsi que les chevaux, sont bien là au milieu du champ. Un dernier limoncello de fabrication locale aura donné la sérénité nécessaire. Oui, les vaches sont bien là pour la nuit, dans le champ. Il faut les contourner parfois, mais leurs yeux brillent dans le faisceau de la lampe qu'on pourra alors, un peu plus tard, éteindre pour regarder les étoiles, et profiter du calme de la montagne.

Photo 3 :  Les toilettes, bien encadrées du refuge de Tighiettu. En arrière plan, la vallée que l'on doit remonter pour atteindre le Monte Cinto.
 La veille, au refuge de Ciottulu di Mori où l'accueil avait été plus distant, on venait de changer de milieu : arrivait le temps des pâturages, même si la vallée de l'Asco... et même si ici on trouve des vaches dans des endroits si inattendues... Jusque là l'ensemble était assez minéral avec des pins laricios plantés sur des rochers dans des endroits improbables, sur des dalles de granit, avec des formes de troncs invraisemblables, modelées par les vents de la Méditerranée qui les frappent directement, tout en restant en forêt, en fond de vallée, tout autour du refuge de Carrozzu, depuis Calenzana. Cela avait des airs de représentation de paysage montagnards chinois ou japonais. Le vert en moins, en imaginant davantage de bleu pour l'Asie. Ju Zia Khe, un géographe chinois du 17ème siècle, en parlant des monts Taï Shan dans son pays, a dit "Que ceux qui contemplent ces monts, n'aillent pas plus loin. Ils ne verront rien de plus beau." Mais bien sûr il ne connaissait pas la Corse... Alors peut-être qu'avant de tenir ce genre de propos, chacun devrait aller visiter les montagnes corses. L'ensemble sur ces dalles de granit était vraiment harmonieux et gracieux.
Là, face à lui, en amont d'un petit promontoire rocheux, vers l'aval, plein sud, il peut observer une belle vallée pastorale, dont les courbes du cours d'eau chaloupent harmonieusement. Le carillon d'une vache, le bêlement des mouflons dans la montagne, les ruines d'une bergerie en contre bas près du torrent, tout y est ou presque. Le vert donne des teintes fluorescentes. Puis les pâturages, ici aussi, sont colonisés par les formations arbustives qui révèlent le fort déclin de l'emprise pastorale, comme le lui a confirmé, le gardien, un peu désabusé. La vallée du Haut Asco, la veille dans l'après midi, était un peu dans cette ambiance, sauf que la forêt de pins a nettement repris, effaçant presque l'ancienne piste de ski, où trônent les pylônes rouillés du teleski. Mais apparemment, le projet de ré-ouvrir serait pour l'année prochaine, d'après quelqu'un qu'on y a rencontré. Cela semble conforté par les travaux de réfection et d'amélioration des bâtiments. Le troupeau de brebis redescend de la ligne de crête (partage des eaux). Le site du refuge est vraiment beau, aux sources du Golo, sous les grès et conglomérats de la majestueuse Paglia Orba (le rocher nu? sans couvert végétal). Son ascension est d'une grande tentation pour le lendemain matin alors on s'enquiert au gardien :
- C'est facile de grimper à la Paglia Orba?
- Oh, il faut s'aider des mains, mais c'est pas trop difficile.
- Et le chemin est cairné?
- Non, sinon, tout le monde monterait là-haut. Et les gens font n'importe quoi.
- (sur un ton faussement provocateur) Et vous pensez que je peux y aller?
- Eh...Je ne sais pas!

Tant pis, je n'irai pas et ça n'enlèvera rien à l'harmonie du lieu, d'autant plus que toute la soirée, jusqu'à la nuit, une jeune allemande en short fuchsia, immobile, fort gracieuse, est là, sur un rocher à admirer le paysage. Et moi, c'est elle que j'admire alors, oubliant la montagne corse, ou plutôt rehaussant celle-ci d'une touche sensuelle. Ahhh... Je la regarde de temps en temps pour bien comprendre, qu'elle... ne me regarde pas.
- Ah ouais, c'est ça. Tu me regardes pas et bien tu vas voir, demain je double l'étape et tu ne me reverras plus.
Photo 4 : Le lac de Capitello (1930m) et ses 42 mètres de profondeur, au fond le Lombarduccio (2251m). Le sentier passe au dessus du lac après avoir franchi la brèche du même nom en venant du refuge de Manganu.
Donc j'ai bien fait le matin d'aller au Monte Cinto et de finalement changer mon itinéraire en suivant. Je suis revenu par le refuge de Tighiettu où j'avais passé la nuit. En allant commander un coca, le gardien très agréable, m'a reconnu car je lui avais demandé la veille des renseignements sur l'itinéraire vers le sommet, et m'a demandé des nouvelles. Il était entouré de deux personnes de son âge plus ou moins un peu plus de la cinquantaine, qui tous discutaient. L'ambiance était paisible et agréable et je ne crois pas les avoir dérangés car ils m'ont parlé de pêche, de truites et même d'anguilles qui apparemment remontent jusqu'ici. A un bon rythme, en cinq heures de marche environ, on peut donc gravir le point culminant de l'île en remontant le vallon de Crucetta. D'abord en suivant le tuyau d'alimentation en eau du refuge comme me l'a dit Jean Marc le muletier  et que j'ai retrouvé avec grand plaisir à Vaccaghia (où nous avons aussi discuté de Kilian Jornet, le prodige catalan de trail dont il avait lu le dernier livre), pour arriver au col du même nom, et qui, par un sentier cairné rejoint des balises jaunes de l'itinéraire de la face nord, pour atteindre le sommet. Le panorama est peut-être le plus beau de l'île même si les points de vue le long du Gr sont nombreux et remarquables, sur les deux versants et les deux mers, ou encore depuis le refuge d'Asinao, au pied du Monte Incudine face aux aiguilles de Bavella.

Car s'il est un fait que les étapes du Gr20 m'ont paru trop courtes, et pour beaucoup d'autres aussi, même s'il y a un certain engagement, entre randonneurs cela devient parfois le seul sujet de discussion : alors vous avez doublé aujourd'hui? Cela peut être pour le moins pénible. L'absence officielle de possibilités de camper en dehors des aires de bivouac aménagés près des refuges du Parc naturel régional oblige à ce genre de comportement. Une pratique de la montagne hyper encadrée, sécurisée (car c'est vrai qu'il y a des passages engagés dont les aménagements, comme dans le cirque de la solitude, ne sont pas un luxe si on veut attirer un public large) qui, certes, amène à la montagne des personnes qui n'y auraient pas eu accès comme cela mais, en même temps, est une entorse à la pratique libre de la montagne. Et puis, face au succès, il faut bien encadrer la grande fréquentation et ne pas laisser tout ce monde faire n'importe quoi, n'importe où.
Photo 5 : La chaise du gardien du refuge de Paliri, le dernier avant Conca.
 Donc, une fois sur ce chemin, hyper-balisé, on peut être aspiré par le rythme, le confort (sept euros pour bivouaquer avec douche froide, sanitaires, et gaz pour la cuisine mais la pension complète dans les refuges est désormais possible partout), les rencontres (une fois qu'on a trouvé les affinités...). On peut même louer des tentes que le parc a plus ou moins imposé aux gardiens de refuge. Alors même si on peut penser qu'on espère que toute la montagne ne sera pas encadrée au point d'en faire uniquement un espace récréatif, lorsqu'on arrive au bout, on est tout de même content. Le sentier est un réel outil de développement économique et sa fréquentation, forte, car le chemin est notamment un défi personnel pour beaucoup de randonneurs qui s'y lancent, permettent de garder une partie de la montagne vivante, d'aider à la survie de l'élevage à travers notamment les ventes de fromages et l'hébergement dans les bergeries, et donc en conséquence une certaine ouverture du paysage. Tout est donc dans le compromis : il est vrai qu'une chose m'a surprise, c'est qu'on ne voit pas tant que cela des troupeaux dans la montagne comme dans les Pyrénées. Et pourtant que ce soit dans le paysage ou sur les cartes topographiques (même si, cumulées, c'est plus lourd qu'un topo-guide, je les préfère), les mentions de bergeries abandonnées ou pas sont nombreuses.

Photo 6 : T'inquiètes pas, je ne viendrai pas te perturber. Je suis venu chercher la sérénité ici. Sous le sommet de la Pointe de Pinzi Corbini (2021m), sur la variante venant du refuge de Petra Piana.
 Du coup, on rencontre de tout sur le chemin. L'Europe (surtout du nord, et un peu plus) et la France entière s'y retrouvent : en couple, en famille, père et fils ou beau-fils, fils accompagnant sa mère, en groupe d'amis, en groupe de filles, en trailers (le record vient d'être battu par un corse, 32 heures...), en groupe organisé par une agence et mené par un guide, en solitaire (mais on n'est jamais seul), en scouts québécois, en touriste professionnel même avec six kilos de riz dans le sac car on ne savait pas qu'il était possible de se ravitailler en cours.
- Et en plus, on ne vous l'a pas dit, mais la douche est froide au refuge de l'Onda.
- Mais c'est partout pareil.
- Ah bon! Mais on me l'a pas dit!

Comme les rencontres, qui font que lorsqu'on arrive au bout, et que toutes les personnes que l'on a côtoyées et accompagnées, à Conca, après le dernier verre, à la terrasse du café, sur lequel est adossé la pancarte mentionnant l'arrivée du sentier, se séparent, on se retrouve un peu seul tout d'un coup. Le sentier a pris le dessus sur la montagne proprement-dite même si celle-ci est toujours présente. Je n'avais pas prévu de faire le Gr en entier d'un coup, et puis... Et puis forcément, je me suis trouvé à court d'argent juste avant d'arriver à Vizzavona où, finalement un peu déçu, je devais prendre le train pour le premier distributeur dans la vallée et y passer la nuit pour reprendre le lendemain le chemin. Mais la montagne sait être généreuse. Devant gravir le Monte d'Oru (le mont d'or bien nommé) juste avant de redescendre vers la gare, un peu avant le sommet, à une heure très matinale, après avoir traversé un troupeau de chèvres, sur lequel le bouc veillait, en baissant les yeux au sol, là devant moi, que je n'ai eu qu'à ramasser, deux billets de cinquante euros, pour poursuivre. Chacun trouvera donc sa formule, en gravissant des sommets importants au passage ou pas, et je ne mentionnerai pas le nombre de journées nécessaires à ce voyage (je crois qu'il y a une quinzaine d'étapes officiellement) mais une chose est certaine, c'est la beauté des paysages du début à la fin. Dans l'idéal, tous les refuges mériteraient une pause, comme celui des bergeries de Capanelle, à la station de ski de Ghisoni, où l'accueil a été particulièrement chaleureux.  Et la dernière étape, après le massif de Bavella, et l'arrêt au col du même nom pour déguster une part de fiadonu, reste vraiment une étape. Si on n'en a pas assez, il est toujours possible de marcher directement à partir du ferry à L'Île Rousse, en passant par les beaux villages de Balagne comme San Antoninu pour se rendre à Calenzana par des chemins balisés (un peu moins après Muro) ou de poursuivre jusqu'à Santa Lucia de Porto Vecchio. Au passage, on observera les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale, et on constatera à quel point la Corse a payé un lourd tribut.

Photo 7 : Départ matinal avant six heures (comme presque tous les jours) du refuge de Prati et vue sur la plaine orientale.
 Alors plutôt que de griller sur une plage, en ce mois de juillet à l'issue de la traversée, j'ai préféré remonter au champ des vaches pour passer l'avant dernière nuit en Corse, avec Noël et ses amis, manger le soir leur charcuterie, leur fromage et aussi à l'aide d'un bocal vide et d'un litre d'huile d'olive, en ramener un. Avant de revenir bientôt j'espère dans la montagne corse qui est un enchantement.

En attendant, la lecture du livre Montagnes de la Corse, 100 itinéraires vers les sommets, de J.P.Quilici, F.Thibaudeau et S.Pennequin, chez Milan, pourra faire patienter de manière agréable.

Et spéciale dédicace à Jean-Luc et Jonathan avec qui j'ai partagé une bonne partie du parcours.

Liste des étapes :
1- L'Île Rousse (0m) - San Antonino - Muro - Zilia - Calenzana (240m).
2- Calenzana - Refuge de l'Ortu di u Piobbu (1570m) - Refuge de Carozzu (1270m).
3- Refuge de Carozzu - Cirque de la solitude (2183m) - Refuge de Tighiettu (1700m).
4- Refuge de Tighiettu - Monte Cinto (2710m) - Refuge Ciuttulu di i Mori (1991m).
5- Refuge Ciuttulu di i Mori - Station de ski de Vergio (1420m) - Bergeries de Vaccagghia (1600m).
6- Bergeries de Vaccagghia - Punta alla Porte (2313m) - Pointe de Pinzi Corbini (2021m) - Refuge de l'Onda (1430m).
7- Refuge de l'Onda - Monte d'Oro (2389m) - Vizzavona (980m) - Bergeries de Capannelle (1590m).
8- Bergeries de Capannelle - Col de Verde (1289m) - Refuge de Prati (1820m).
9- Refuge de Prati - Punta Capella (2041m) - Monte Furmicula (1981m) - Monte Incudine (2134m) - Refuge d'Asinao (1536m)
10- Refuge d'Asinao - Col de Bavella (1218m) - Conca (210m)

samedi 2 août 2014

Pique d'Endron 2472m (Ariège)

Bien sûr, on ne peut pas ne pas la manquer la pique d'Endron (d'Andero, dieu protohistorique), en remontant le val d'Ariège. Située directement au-dessus des communes de Vicdessos et Goulier, le sommet apparait central, assez massif avec une belle face nord dans laquelle se trouve une voie d'alpinisme, le créneau d'Endron.
Le panorama est majestueux sur les montagnes du Sabarthès et les lacs environnants. C'est une bonne raison pour y monter d'autant plus que le cheminement est simple (et en plus balisé) depuis le stade de neige installé à 1450 mètres. Mille mètres à gravir sur les pistes, puis des croupes herbeuses parfois raides et la crête de Sarrasi, sur laquelle il faudra peut être parfois poser les mains. Comme ça m'a été gentiment suggéré, pas le temps d'épuiser tous les sujets de discussion... hum. Mais on pourra compenser, si le temps le permet, en restant des heures au sommet sans risque.

Photo 1 : Depuis le pic du Sarrasi, droit devant la crête du même nom et la pique au bout. A gauche, l'étang de Gnioure


On pourra ajouter que cette ballade se place dans un contexte de montagne depuis toujours exploitée et vécue par l'homme, et qu'à ce titre il est bon de garder cette liberté de visiter la montagne, sans en faire forcément un sanctuaire à la mode parc naturalo-national ou sauce anglo-saxonne (ou pire les deux mélangées). Les traces, de la station de ski aux vestiges protohistoriques, sont nombreuses. Il sera donc très intéressant de s'arrêter dans le village de Goulier, vraiment bien plus peuplé par le passé, pour le visiter et notamment boire à la fontaine aménagée à l'entrée amont avec deux menhirs à cupules, qui selon la pancarte d'information, proviennent d'un site en amont sur la route de la station et qui avaient été déplacés vers un pont sur le torrent, probablement lors de la christianisation de la contrée. Pour ceux qui veulent aller plus loin, lire le Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts de 1972.

Photo 2 : Vue depuis le pic de Sarrasi. Au premier plan le domaine skiable et au fond, le massif du pic des 3 seigneurs.
Photo 3 : La pique d'Endron et son versant nord. Vue simple depuis le pic de Sarrasi.
Une agréable surprise que cette montagne pourtant sans cesse côtoyée.

vendredi 27 juin 2014

Pic d'Albe 3118m (Aragon)

Effectivement, dans le haut Aragon, depuis le parking de la Rencluse vers 1900 mètres d'altitude (sous le refuge du même nom devant le quel il faut passer), où nous avons dormi, l'ascension pour le pic d'Albe ne paraît pas très compliquée (côté F+ dans le Guide des 3000 de J.Buyse). Avec le manteau neigeux de ce début d'été, le cheminement en est grandement facilité, surtout à la descente. Il suffit juste de monter au refuge sus mentionné, traverser avec la passerelle le torrent en contrebas en suivant des balises vertes jusqu'aux derniers méandres du torrent (photo 3) puis les cairns jusqu'au sommet.Il reste cependant quelques passages où l'attention est de mise, notamment dans la partie finale. Lorsque tout d'abord, on accède à la la ligne de crête, celle qui arrive au sommet, puis, sous le sommet directement, où il faut bien choisir son itinéraire. La neige est encore dure, il faudra passer dans les rochers. Mais, avec l'équipement adéquat (crampons...), l'opération est plus aisée. Il faudra là aussi revenir en ski... Cela reste de la haute montagne, et ceci n'est pas un guide.
Photo 1 : Le pic de l'Albe, dans la partie finale, qui est finalement un peu raide.
 Enfin, si l'itinéraire vous semble long, prenez avec vous une agréable bavarde. On sous estime souvent la capacité d'adaptation des êtres humains.
Photo 2 : Pas mal pour commencer la ballade.


Photo 3 : L'itinéraire remonte la combe enneigée au centre, puis rejoint le col à gauche de la pointe qui dépasse au centre avant de filer au sommet sur la gauche en passant la ligne de crête. Le passage de cette dernière peut se faire à de multiples endroits que vous repèrerez sur place.
Photo 4 : Le sommet est à gauche. Voilà la crête d'un peu plus près. C'est beaucoup moins compliqué que cela ne paraît. Il faut cependant rester sur ces gardes. Les névés sont durs et il y avait encore de la glace vive à certains endroits, notamment sous le sommet. Mais je préfère la neige ...
Photo 5 : Au premier plan, le sommet de pic d'Albe et derrière, les sommets de la Maladetta, à droite Le Bondidier et tout au fond la crête du Milieu (pic du Milieu, pic Maudit et pointe d'Astorg, dans le désordre...). La dent d'Albe est invisible derrière le pic d'Albe.
On vérifiera encore la courtoisie et la chaleur des montagnards espagnols : rencontre avec deux madrilènes qui étaient venues pour la fin de semaine et avaient enchaîné la veille, la pic d'Aneto et là, donc le pic d'Albe.

dimanche 22 juin 2014

Le Mont Valier 2838m, (Ariège) en rien un fait divers.

 Nous sommes montés au Mont Valier, dans le Couserans ariégeois, celui que l'on peut apercevoir depuis le Pont Neuf de Toulouse quand le temps est clair, en ce vendredi après avoir dormi au refuge des Estagnous. Il nous fallut presque 3 heures pour y arriver la veille, constater qu'il n'y avait que nous comme client, qu'on peut y regarder la télé (enfin le match Uruguay-Angleterre), qu'on y mange bien et que c'est très confortable et propre, et même que la vue sur la succession de crêtes et de vallées avec le Cagire en arrière plan est tout simplement magnifique au couché de soleil. Les 4 jeunes qui comptaient dormir au refuge des Caussis un peu plus bas avaient l'air bien heureux. Je ne sais pas si les loirs qui, semble t-il, y circulent toute la nuit, dixit le gardien, leur auront gâché le plaisir.

Photo 1 : Depuis le refuge. Au fond, à gauche du soleil, le sommet du Cagire.
Sonnés, du coup, le matin, nous ne sommes pas partis à l'aube, avons mis les crampons assez rapidement au-dessus du refuge car la neige était encore un peu dure notamment dans la combe sous le col de Faustin (nous pratiquons la haute montagne de manière assez modérée), et observé que le panorama, depuis le sommet, était vaste et beau. On s'en doutait un peu, c'est pour ça que des milliers de gens sont montés aussi là-haut... (depuis Valérius, premier évêque du Couserans, qui l'aurait escaladé vers 452). Il faisait chaud à la descente, la neige s'était transformée, et ce fut plus aisé. En passant au refuge pour signaler notre retour au gardien, celui-ci était en train de préparer une axoa (de boeuf, même si je la préfère de veau) pour les clients du soir, les veinards... On serait bien resté une soirée de plus. Nous sommes redescendus en regardant les lacs (en face le lac Rond et le Long au dessus, les sommets environnants, les cascades, les innombrables torrents qui dévalent de la Montagne d'Escausse comme un voile de mariée sous un soleil radieux et heureux...

Tout s'est donc très bien passé comme pour beaucoup, beaucoup de monde, ici ou ailleurs. Alors finalement on va peut-être arrêter de... de lire la Dépêche du midi.

Il sera alors plus intéressant de consulter le livre de P.René Glaciers des Pyrénées, (éditions Cairn) et d'y lire le passage réservé au coriace petit glacier du Valier qui résiste sur son versant.

dimanche 15 juin 2014

Pic d'Aneto 3404m (Aragon), sa majesté (retour par la Pointe d'Astorg 3355m).

Les images du pic d'Aneto sont nombreuses. Les textes également. Bien qu'on puisse en avoir vu beaucoup, et se dire qu'on va faire l'ascension de cette montagne parce que c'est la plus haute de la chaîne, la première vue au petit matin au débouché du portillon supérieur, après le refuge de la Rencluse, reste tout simplement belle et inoubliable. Peut-être la plus belle.

Photo 1: Depuis le Portillon supérieur, l'Aneto est au fond dans les nuages. Puis à droite, le pic de Coronas (3293m) puis le pic del Medio (3346m) et la pointe d'Astorg (3355m).
Si le cheminement aller est plutôt facile (pour de la haute montagne), le retour par les sommets de la crête du milieu (pic Coronas, pico del Medio, punta Astorg, et pico Maldito) à plus de 3200 mètres d'altitude nécessite beaucoup d'attention et surtout de technique (ce que je n'ai pas) du fait de son engagement et du terrain pas toujours de bonne qualité. Alors une fois de plus, avec grand plaisir, c'est Alain qui m'a guidé, et assuré, et parfois un peu tiré sur la corde lorsqu'on n'ose pas décrocher du rocher sur lequel on s'agrippe fermement (hum).

Photo 2 : Depuis un peu en dessous du pic d'Aneto, vue sur le pic Coronas (3293m), puis les trois sommets de la crête du milieu (pic du Milieu 3346m, pointe d'Astorg 3355m et son sommet si caractéristique et le pic Maudit 3350m) et à droite le pic de la Maladeta 3308m). 

Photo 3: Les deux derniers sommets de la crête du milieu, d'un peu plus près. Vue du pic du milieu.
Photo 4 : Juste avant le pic Maudit.

Sur la ligne de crête, les sommets ne sont pas si clairement individualisés car leur altitude est proche et la crête est un infini enchevêtrement de roches. Le sommet de la pointe d'Astorg, si caractéristique pourtant, ne dépasse pas les autres de manière si évidente. On peut passer à côté, le toucher et se demander s'il s'agit vraiment du sommet... Enfin, le mois de juin (et le printemps ou début de l'été en général) me semble le plus opportun pour venir. Sauf si on préfère marcher dans les rochers car la neige fond (et oui...) et trouver la descente interminable.