samedi 25 novembre 2023

La rivière, au cinéma l'American Cosmograph

     


    Hier soir avait lieu au cinéma l'American Cosmograph, à Toulouse, juste après sa sortie nationale, une projection du film documentaire La Rivière de Dominique Marchais, suivie d'une discussion avec le réalisateur, présent, et bien agréable. Comme son titre l'indique, le film tente de suivre le cours d'une, ou dirons-nous, plusieurs rivières qui irriguent le sud-ouest de la France, de la source à l'embouchure. Comme l'a malicieusement suggéré un des spectateurs, et que n'a pas contredit Dominique Marchais, il aurait pu tout aussi bien s'appeler le bassin versant.

Photo 1: L'affiche du film dans la nouvelle entrée du plus ancien cinéma de Toulouse

    Les problématiques du changement climatique et des différentes atteintes aux rivières sont développées en faisant témoigner certains acteurs, non institutionnels, sans jamais les nommer directement, ou informer le spectateur par des sous-titres à visées informatives. Attachants, ils rendent ce film sur l'environnement finalement très humain. Même si les noms de lieux ne sont également pas précisés, et je trouve ça pas plus mal, même pour un géographe (...), ils sont forcément évoqués par les intervenants du film. C'est donc autour du gave de Pau, qui se jette dans l'Adour, 10 km en aval de Peyrehorade après avoir parcouru près de 190 km depuis sa source sur les hauteurs du cirque de Gavarnie que s'inscrit le récit du film. La fameuse cascade du cirque serait la source officielle, bien qu'un affluent venu de la vallée d'Ossoue et de Vignemale le rejoigne au niveau du village. Le gave de Pau ne prend en fait son nom qu'à hauteur de Villelongue (tout près de Pierrefite-Nestalas) lorsque le gave de Cauterets le rejoint. À la mi-octobre d'ailleurs, cette année, fait rarissime, la cascade du cirque était à sec comme le mentionne un article de presse du journal Sud Ouest, ce qui évidement nous permet d'illustrer un des thèmes de ce film. L'embouchure de l'Adour dans l'Océan Atlantique, comme déversoir ou entrée, tout dépend si on l'envisage comme un saumon qui rentre à la fin de sa vie vers le lieu qui l'a vu naître, ou qui part pour la découvrir, est aussi prise en compte, et c'est légitime. On notera la patience de tout ceux qui relèvent les laisses de crue et enlèvent les déchets de plastique qui vont avec.

    Le choix du réalisateur sur cette (ou ces) rivière s'est en effet porté sur ce gave de Pau, pour, nous a-t-il répondu, plusieurs raisons. La première c'est qu'il connaissait plusieurs des personnes intervenantes et filmées dans le film. Que deuxièmement, il permettait d'évoquer les problématiques qu'il voulait traiter et enfin, parce que cette rivière est belle. Effectivement, on ne le contredira pas ! Le fait que ni le titre, ni des indications géographiques ne soient clairement mentionnées, permet de donner au film un caractère universel ou tout au moins, on se dit que cela toucherait des gens n'importe où en France. Et à ce titre, on souhaitera vivement à ce film une destinée nationale. Une des scènes d'ailleurs du début du film lorsqu'un des intervenants, celui qui traversera plus tard le gave à pied sans avoir à nager..., entre dans la narration au cours d'un repas et que celui-ci discute avec un interlocuteur espagnol, ils abordent aussi la problématique des espèces animales en danger et celles qui de par leur prolifération, menacent les autres. Ils parlaient des sangliers qui mangeaient les oeufs des coqs de bruyère que l'on tente de sauver par l'élevage. On pensera alors à Michel Munier dans les Vosges et son Oiseau-forêt, et on pourra lire également Sanglier, Géographies d'un animal politique. Il reste que ces différents acteurs annoncent bien une simplification de la faune actuelle, et que l'on reste finalement surpris de la présence de ces saumons qui étaient bien plus nombreux avant la construction de ces nombreux barrages qui ferment les passages. On apprendra notamment que les premiers d'entre eux dataient du 16ème siècle. On ne sera pas surpris non plus de l'impact des cultures de maïs dont la production nécessite de grandes quantités d'eau puisées soit directement dans la rivière, soit dans la nappe phréatique. Et l'agriculteur qui se met à cultiver du maïs grand roux basque, nécessitant beaucoup moins d'eau, apparait de suite très sympathique. En fait, passionné par ce qu'il fait, et par l'idée de le transmettre, il a l'air vraiment de l'être !

    À plusieurs reprises, dans le déroulé du film, on peut donc apprécier que des situations de transmission fassent sens. Du chercheur en son laboratoire et son stagiaire au professeur qui amènent ses élèves de l'ENS dans une randonnée vers les sources du gave de Cauterets dans le glacier des Oulettes. Une séance pédagogique montre alors l'enseignant en train d'expliquer photo à l'appui, le recul des principaux glaciers pyrénéens, du glacier du Taillon à celui de Pays Baché... Les plans sur les discussions avec les étudiants sont entrecoupés de vues sur les paysages montagnards embrumés qui entourent le refuge des Oulettes, tel des paysages-drames en participant aux stratégies discursives déployées dans le film. En somme, ces brumes montagnardes restent en adéquation avec le constat alarmant, même si de certains de ces intervenants, de l'espoir nous est donné. 

    Simplement, ce film nous fait prendre conscience dans toute sa complexité de la fragilité de la rivière. On appréciera également la modestie mais aussi la rigueur intellectuelle du réalisateur, ancien critique de cinéma aux Inrockuptibles, passé depuis derrière la caméra avec déjà un parcours bien rempli de plusieurs films comme Le Temps des grâces, Nul homme n'est une île ou La Ligne de partage des eaux. Son choix de filmer en 1.37/1, comme il a pu le dire en répondant à une vraie question de cinéma posée durant le débat, permet de ne pas noyer les personnages dans un panoramique en les mettant au centre. 

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