On ne vient pas par hasard visiter le site gallo-romain de Grand, village de 350 habitants, aux confins du département des Vosges et aux limites de la Haute-Marne et de la Meuse. La route depuis les principales villes et axes de la région passe dans des régions boisées ou pastorales de faible densité de population et on peut bien se demander comment une ville romaine d'environ 20000 habitants a pu exister et prospérer ici, sur ce plateau calcaire, avant de disparaître à la fin du Haut Moyen-Âge, laissant enfouies sous deux mètres de sol des vestiges qu'on a fini de déblayer à la fin du 20ème siècle. Ces vestiges archéologiques se composent en particulier d'un immense amphithéâtre pouvant accueillir de 15 à 17000 spectateurs et datant de la fin du premier siècle de notre ère, construit en demi-ovale qui épouse le relief de colline, des kilomètres de galeries souterraines qui alimentaient en eau les thermes notamment, sa muraille tourelée, son épigraphie "anormalement" abondante et surtout la magnifique mosaïque de 224 mètres carrés de surface d'un seul tenant, la plus vaste qui ait été dégagée en France et l'une des mieux conservées du monde romain.
Cette mosaïque a été mise à l'abri à la fin du 19ème siècle dans un ensemble muséal qui lui donnerait presque l'aspect d'une église romane et permet au lieu finalement de dégager une dimension sacrée et intime, qui le protège des intempéries de l'extérieur. Cette mosaïque constituait la base et pavait le sol d'une basilique, encore que nous ne soyons pas si sûrs que cela qu'il s'agisse bien d'une basilique. Le nom de basilique évoque presque automatiquement la basilique du forum, édifice pouvant se présenter sous la forme d'un vaste hall portiqué dont un des longs côtés ouvre sur une place publique et qui renvoie à diverses fonctions (lieu de réunion pour l'administration locale, tribunal, temple...) "L'identification comme une basilica forensis n'a donc jamais vraiment emporté la conviction des chercheurs du XXè siècle, soit par manque d'indices archéologiques complémentaires allant dans ce sens, soit parce que cette hypothèse ne s'accordait pas avec la thèse retenue (le sanctuaire). Malgré l'impasse dans laquelle menait l'attachement au terme "basilique", cette appellation a toutefois été maintenue, sans doute faute de pouvoir proposer autre chose et parce que ce nom avait le mérite d'être éminemment romain." (cf La "Basilique de Grand (Vosges) : L'histoire d'un nom de Pascal Vipard dans Grand Archéologie et territoire, 2013)
Photo 2: Une des quatre figures animales qui entourent le tableau central... ici le sanglier (photo de Catherine)
Le site m'a paru absolument remarquable et il est peut-être dommage que sa renommée au près du grand public ne paraisse pas dépasser les limites de la région. Quelques 15 à 18 000 visiteurs y viennent chaque année et aujourd'hui en cette journée pluvieuse nous étions seuls (ce qui en soit n'était pas mal..). Sur la carte générale du guide Michelin de la Lorraine (2019), il n'est même pas mentionné et dans le guide, il n'est même pas pourvu d'une étoile... Quel rapport me diriez -vous avec les Pyrénées? Et bien cette mosaïque s'inscrit dans une salle à abside dont les murs sont particulièrement bien conservés. L'enduit de mortier rose encore présent servait de support aux plaques de marbre qui complétaient le décor de la salle. Les différents fragments de marbres exposés dans la vitrine dans la salle de la mosaïque proviennent du bâtiment original de la mosaïque et de sa périphérie. Le nombre de fragments et la très grande variété (plus de 60) illustrent le soin apporté à l'ornementation mais aussi à la facilité des échanges économiques entre les différentes parties de l'Empire romain car la plupart de ces marbres et autres matériaux ne proviennent pas de l'est de la France. Et même si certaines attributions de la vitrine (faite en 1965) sont remises en cause, on sera alors très étonné de retrouver une quasi carte géologique des marbres des Pyrénées, et pas seulement des marbres d'Italie finalement aussi près : de la brèche violette de Villefranche dans les Pyrénées orientales aux brèches romaines de Saint-Béat en Haute-Garonne en passant par la fleur de pêcher de Castelnau-Durban en Ariège, du blanc de Saint-Béat (à nouveau), du blanc rose de Balacet (près de Saint-Girons en Ariège), du rose de Rivenert (Ariège), du brèche de Sarrancolin (Hautes-Pyrénées). Voir photo ci-dessous.
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