mercredi 29 décembre 2010

Miranda de Sant Jeroni 1237m, Montserrat (Catalogne).

- Oh mais toi, tu embrasses tout le monde sur la bouche?
- Quand j'avais une femme, elle embrassait tout le monde sur la bouche. Au début, ça m'a choqué et puis ça m'a plus rien fait.
- Moi ça me donne mal aux dents.
- Arrêtes de dire des conneries. Passes-moi le vin rouge, fainéante.
- J'ai toujours travaillé, depuis que je suis jeune. J'ai commencé à cueillir les raisins...
- (en coupant son interlocutrice)... et maintenant tu es oenologue!
- Tu me gonfles les couilles. (C'est pratique, on a deux insultes en une...)

Les voyages forment la jeunesse mais je ne suis plus tout jeune, alors je me contente de prendre le train, en écoutant les autres voyageurs, pour aller me promener puisque je suis momentanément dépourvu de voiture. Mais aussi d'en revenir.
L'entrée en matière est poétique et clôt un petit périple entièrement en train, via Barcelone où j'ai passé deux agréables soirées et deux nuits...moins agréables (la chambre donnait sur la ruelle et les nuits sont plutôt agitées par ici). Comme toute escapade espagnole, j'en suis revenu content. En allant dans la cité catalane, via le tunnel de Cadi, la couronne du massif de Montserrat (de Monte Serrado, mont fermé) m'avait intrigué, avec ses grandes falaises vertigineuses, en guise de fleuron, surmontés de petits capuchons que sont les sommets. La vue générale du massif, dans les sierras littorales et non plus dans les Pyrénées, fait son effet, pas que sur moi d'ailleurs (mince, je ne serais pas seul au monde!) tant il a inspiré musiciens, poètes, géographes...

Sans se transformer en aigle, on prend la ligne de train pour La Tour de Carol (34 euros A/R avec la carte Midi Pyrénées loisir, en 3h) d'où la correspondance nous attend pour Barcelone (19 euros A/R, en 2h40), via Puigcerda, les belles montagnes de Cerdagne et la Haute vallée de Ripoll. Il faut aimer le train (mais moi, je l'aime!!! surtout en montagne). Je dois vous avouer que l'idéal finalement est de se rendre en voiture jusqu'à Puigcerda, surtout quand on est plusieurs, car la correspondance en général ne nous attend pas. C'est plutôt le contraire. Une petite pension à moins de 25 euros la nuit, en bas de La Rambla et le tour est joué. Le camp de base est organisé.

De Barcelone, c'est très simple de se rendre sur les lieux, au départ du téléphérique qui vous monte au sanctuaire et vous évite quelques cinq cents mètres de dénivelé et vous fait débuter à sept cent mètres d'altitude. Le parcours en téléphérique est une expérience en soi. On peut préférer le funiculaire à la station suivante. On se rend donc à la gare d'Espagne (du nom de la station de métro), on prend un billet combiné de train+téléphérique (pour 16euros A/R) à un des guichets automatiques (en 4 langues dont le français). Ils sont faciles à trouver, il y a toujours un japonais pas loin. On monte dans le wagon et environ un heure après, on descend à I Aeri de Montserrat. L'arrivée est pressentie depuis un moment car le massif se découpe et on cherche le grand bâtiment du sanctuaire.
Photo 1 : Alors, vous ne l'avez pas trouvé?


Amis des grands espaces de solitude, si vous ne supportez pas la foule, passez votre chemin. Ou alors tentez l'ascension par la face nord, telle une araignée suspendue à son fil. Ceci dit, à une heure matinale (l'hiver le téléphérique ouvre à 10h10, mais rien ne vous empêche d'accéder d'une autre manière au massif), en quinze minutes, vous y êtes. A ce moment là, il faut user de tactique : partir en courant, ou le plus rapidement possible, par les sentiers, préalablement étudiés sur la carte Montserrat E-25, aux Editions Alpina, pour semer les japonais, russes et autres espagnols de tout âge, et de toute tenue (et elles sont variées!). Vous y arriverez rapidement d'autant plus que la voie empruntée, dans sa toute première partie, est un peu raide. En fait, c'est indiqué et les passages difficiles sont aménagés en escalier.
L'itinéraire de la montée, lui aussi bien aménagé, après avoir franchi le pas des français (Pas dels Francesos), remonte le fond de la vallée, qu'on dirait suspendue au dessus du monastère (qui lui surplombe, de manière impressionnante, la vallée), parfois dans le torrent de Santa Maria (et oui, on est en Espagne), à ce moment asséché, avec quelques flaques encore gelées, à travers une forêt de chênes, qui laisse le regard courir sur les magnifiques et énormes roches et conglomérats, sculptés par l'érosion, depuis des temps immémoriaux (éocène pour être précis).
Photo 2 : Vue sur la Serrat de les Lluernes.

Photo 3 : Mais! Tu comprends bien que la mer est plus loin.


De là, on ne devine pas encore l'abrupte face nord. En attendant, les virtuoses chèvres sauvages (cabras ibericas...) se laissent admirées.

Le sommet, Miranda de Sant Jeroni, à 1237 mètres, est atteint en une heure vingt? Effectivement, la vue est magnifique car elle embrasse la moitié orientale des Pyrénées espagnoles (pas super enneigées) et tout le littoral.

Sur la table d'orientation, est également indiquée, la direction du Puig Major, point culminant de l'île de Majorque, qu'on ne voit pas aujourd'hui. Je ne sais pas si cela est autorisé, mais bivouaquer ici par une douce nuit de printemps doit être merveilleux. Je profite du sommet, car il n'y a pas encore grand monde, et surtout de la vue sur la crête vers l'est, où la succession de sommets-rochers (on dirait des trompes d'éléphants) nous offre un ensemble harmonieux. (voir photo 4 ci-dessous)


Enfin, le panorama tout au autour nous permet de constater à quel point la Catalogne est industrielle, et c'est pas plus mal. Il est temps de redescendre.
Le chemin du retour peut être différent bien sûr. Pour cela, il faut rester sur le chemin "pavé" qui suit les courbes de niveau en gardant de l'altitude et permet de dominer le chemin de l'aller, par le sud. La vue est intéressante d'autant plus que le soleil vient nous rendre visite. Il fait bon...Passant sous les lisses faces des Tisores, en direction du Pla de les Tarantules (971m) que nous laissons pour bifurquer et descendre rejoindre le chemin de l'aller au niveau de la chapelle de Santa Anna (et non, c'est pas Santa Maria) et rentrer au sanctuaire. Il y a de plus en plus de monde. Je m'en vais, sans même visiter le monastère qui n'offre pas de curiosité architecturale car il a été détruit en grande partie par les troupes napoléoniennes, (les collections d'objets religieux me laissent indifférent) et le téléphérique est presque désert (bon, n'exagérons rien). Mais le site du monastère reste vraiment magnifique, encastré dans la face. (Photo 5 ci-dessous)

Finalement, je rentre plus tôt que prévu à Barcelone: c'est pas plus mal. Je vais faire un tour à la Fnac pour repartir avec un cd de psychedelic cumbias from Peru (yeah), faire un tour au parc Güell (ohh), puis observer que la foule dans les rues est aussi gourmande que moi quand je constate le monde qui fait la queue pour avoir un siège à la Granja M.Viader (Xuclà, 4-6, à deux pas de La Rambla), honorable laiterie (humm) et pâtisserie de 1870 (en fait je ne sais pas quel nom donner à ce genre d'établissement traditionnel de la gastronomie catalane). Je n'aurai pas cette fois-ci ma crème catalane ou mon lait majorquin. Du coup, je suis parti boire un verre de vin (toujours de la Rioja) à une terrasse de café (ahh) dans le quartier proche de la station de métro Fontana (ligne 3), sur la Plaça Virreina, que m'avait indiqué une étudiante en Histoire de l'art, dans le train à l'aller. J'ai quitté sans regrets la foule des touristes (il n'y a pas que ça) de la Rambla. Un bon petit moment pour clore cette escapade.

Et comme on en a jamais assez, le chemin du retour vers la pension s'est fait à pied en descendant le majestueux Passeig de Gräcia. Je ne sais jamais quel prétexte me donner pour venir ici à Barcelone, ou en Espagne en général. En a-t-on vraiment besoin?