mardi 24 août 2010

Il faut bien rentrer... (Haïti)

Ce sera donc le dernier billet concernant ce voyage qui s'est avéré bien plus facile que sur le papier. Je ne mettrai les photos qu'à mon retour, en France, car je vais à l'aéroport à 13 heures. Il me reste que peu de temps pour profiter de Santo Domingo. Je dois reconnaître que tenir un blog prend du temps et de l'énergie mais c'était là aussi une belle expérience. Je suis un peu fatigué et les derniers moments seront vécus en égoïste.

J'ai quitté Jérémie, ce dimanche, à 5 heures du matin, en me disant que le temps passé ici avait été trop court. Je regrette de ne pas avoir pu voir Rolphe et Geneviève de Corail, mais c'est sûr, ce sera pour la prochaine fois, et pas dans 7 ans ! Parce qu'évidemment, aussi, la Grand'anse offre d'autres possibilités. On peut se rendre à Dame-Marie ou Anse d'Hainault, face à la Jamaïque.
Au départ, plusieurs possibilités pour joindre Port au Prince se présentaient mais le choix de la moto-taxi jusqu'aux Cayes puis le bus jusqu'à la capitale a été dicté par la nécessité et aussi par l'envie. J'aurais pu prendre l'avion (Compagnie Tortugair, 115$ aller simple) mais les vols de samedi et dimanche étaient complets. Alors je me suis rabattu sur le bus (500 gourdes) mais là, les horaires ne me convenaient pas : départ vers 16 heures pour une arrivée vers 3 heures du matin à Port au Prince. Je préfère arriver tout de même pas trop tard pour profiter d'une dernière soirée à Jérémie et d'une autre, avec Marie à Port au Prince. Le voyage peut s'avérer difficile, car long, (voir pages sur Carrefour) mais il me semble que lorsqu'on est jeune et en forme, il se fait, pour le moins! C'est aussi une bonne manière de connaître les Haïtiens. D'autant plus qu'on peut prendre une place dans la cabine du chauffeur. C'est plus cher mais plus confortable. Enfin, si quelqu'un vous trouve une rou lib, comme ils disent ici, c'est à dire une place dans une voiture qui fait le voyage.

Photo 1: Les bus Dieu qui décide vous porteront à la capitale.




J'ai donc pris la dernière option possible, que Geneviève et Jean-Bart m'avaient conseillée. J'avais, en plus envie, de revoir le paysage des mornes au petit matin, au pied du massif de Macaya, sur une route quasi-déserte, à la fraîche et ainsi avoir la possibilité d'attraper un bus qui me faisait arriver à destination, pour le début de l'après-midi. Le choix du pilote est important. Sur place, n´hésitez pas à demander. Pour 1250 gourdes, on vous porte aux Cayes, plus 200 gourdes de bus. Faites juste attention à vos bagages qui vont sur le toit. Je n'ai pas pu attraper le bus climatisé car nous sommes arrivés un peu trop tard aux Cayes. Sur le chemin, on s'est arrêté régulièrement. Le pilote a pas mal de connaissances (au sens féminin du terme) et peu avant Camp Perrin, une courte, mais intense, averse nous a obligés à nous mettre à l'abri. Je dois reconnaître que mes adducteurs ont un peu souffert sur le moment. Et pour plaisanter avec mon pilote, au moment de lui demander en urgence de stopper.
-Arrêtez, arrêtez...
-...
-Ouf, j'ai une petite douleur.
-Où ca ?
-Bon, c'est là (en m'étirant, une fois sur mes deux jambes).
-C'est les "graines"? (traduction "littérale" du créole, mais toute la conversation se fait en créole. Enfin, en ce qui me concerne, je mélange du français et un créole rudimentaire).
-Et vous savez que c'est une importante chose !

Reconnaissons, que dans un premier temps en suivant, il a fait preuve d'une réelle prévenance.

De retour, à Port au Prince, Marie m'attend. Le temps d'une petite pause, on se raconte nos péripéties. La semaine de cours qu'elle a donnée avec l'agence universitaire de la francophonie, s'est très bien passée. Les étudiants ravis, elle aussi. Elle reviendra dans peu de temps. Elle vient de publier sa thèse: Des îles en partage (aux Presses universitaires d'Haïti et Presses universitaires du Mirail), qui traite aussi du cas de Timor et de Saint-Martin. Je l'achète en rentrant car les exemplaires pour Haïti, ne sont pas encore arrivés. On repart à Pétionville pour acheter des peintures dans la rue. Là aussi, je n'ai pas eu (ou pris) le temps d'aller visiter les nombreuses galeries et, en ce jour de saint repos dominical, elles sont fermées pour la plupart. Marie fait un carton plein et nous enchaînons avec une soirée au Quartier latin, un resto-bar, place Boyer, qui s'adresse à une clientèle qui peut payer des tarifs de pays développés. Gros décalage d'autant plus, que de l'autre côté de la clôture se trouve un camp de tentes.
On pourrait dire beaucoup de choses sur l'aide humanitaire, qui submerge le pays, et pas forcément que des positives. Les prix, de location d'appartement ou maisons se sont envolés. L'arrivée de grosses ONG, au budget "illimité" met à mal le travail entrepris par des ONG plus modestes, qui travaillent sur le long terme. Surtout, on peut se demander comment le secteur médical national va sortir de cette crise (voir l'article "En Haïti, quand le remède peut tuer le médecin" dans Le Monde, du 23 Juillet 2010, d'Alain Deloche, chirurgien, Président de la Chaîne de l'espoir). C'était une partie du secteur privé, qui, à une certaine échelle, marchait dans le pays. J'espère que cela ne subira pas le même sort que la culture du riz, par exemple, dans les années 80-90. On peut s'interroger sur le rôle des politiques locaux mais aussi internationaux. Si tout le monde se précipite ici, c'est que les intérêts, au delà de l'urgence et de la solidarité indéniables, dépassent probablement le pays.
Les trois prestiges me font tourner la tête, pour Marie c'est le rhum, Barbancourt bien sûr (probablement un des meilleurs). Elle appelle un moto-taxi par téléphone (en arrivant le mieux est de s'acheter un portable, pour pas cher, et de se constituer un petit annuaire de gens sur qui on peut compter ) et on rentre. Je suis cuit.

On se sépare le lendemain matin (mais on se reverra ! merci Manu) et je file à la station de bus, non sans me rappeler les lambis (crustacés) de Jean-Bart et jeter des coups d'oeil furtifs (hum, le furtif peut être parfois plus long) sur les femmes d'ici. Elles sont si gracieuses !

Il faut bien partir. Je refais l'itinéraire de l'aller, en sens inverse (forcément...) et me voilà débarquant à Santo Domingo. J'attends quelques minutes Dolores, de la pension, au colmado du coin, avec une presidente et une dulce de leche... un petit tour nocturne en ville, très bref, et m'endors avec de la bachata en berceuse, tel... qui a fait un beau voyage.

Photo 2: Avouez! Vous vous demandiez bien ce que je pouvais faire tout seul, sans rien dire à personne, dans les rues de Santo Domingo.




Photo 3: J'ai trouvé la caverne d'Ali-Baba, remplie de dulce de leche. Certaines connaissent ma petite faiblesse.


samedi 21 août 2010

Jérémie, le retour (Haïti).

Effectivement, Jérémie, le retour, car je repasse pour une dernière soirée dans la ville et que demain, c'est le chemin du retour. Déjà...

J'ai laissé, avec regrets, Anaïs et Juliette à la fête des Abricots où j'ai passé une ultime nuit. Il y avait beaucoup d'animation sur la plage, sur la place de l'église hier soir pour une nuit de festivités, riche. Je n'ai malheureusement pas pu assister au concert de jazz, ni aux raras. Je ne sais si c'est le décalage horaire, la chaleur de la journée (qui me fait lever tôt) ou le régime alimentaire. Sûrement les trois, mais je sombre assez tôt le soir. A moins que ce ne soit le mélange de rhum-eau de coco. C'est ça, j'ai pas supporté le mélange. La courte durée du séjour a également des conséquences sur la capacité d'absorption, étonnement croissante, de mon estomac : je mange tout ce que j'aime. Et comme je suis entouré de gourmands, le griot de porc ne fait pas un pli. Encore à midi, on a fait un festin.

Photo 1: Il parait qu'Hemingway venait dans le secteur avant d'écrire son célèbre roman. Ce genre de prises n'est pas rare par ici. Mais je préfère le cochon, ici aux Abricots.



C'est toute une stratégie pour choisir son cochon : du pas de la porte de la maison, de bon matin, on observe les porcidés, en forme athlétique, tenus en laisse par leur propriétaire, passant d'un pas allègre, de gauche à droite, furetant dans le sol, cherchant ici une pelure d'avocat, là un reste de fruit. Oui, les cochons sont bios ici. Voyez que mon bilan carbone s'améliore. On les dirige donc vers un endroit plus reculé de la plage, sous la végétation. En même temps, les commerçants installent leur petite tonnelle le long de la plage. J'en profite quand même pour aller me baigner. Puis, une fois séché, je suis prêt pour la deuxième phase : le retour des cochons bios en pièces détachées. D'abord, une moitié du corps, puis la tête, puis le reste. La viande est donc fraîche. Enfin, quand les gargotes sont prêtes et que l'odeur nous vient aux narines (on a un peu résisté tout de même!), on se déplace pour aller choisir les pièces, coupées menues, tout en restant également attentif à la fraîcheur des bananes pesées (on coupe une banane verte en morceaux que l'on fait frire une première fois, qu'on écrase en second, avant une nouvelle friture). On les choisit quand la 2eme friture se fait devant nous.
Les Abricots est un village de pêcheur, on aurait pu prendre autre chose, de toute façon. Mais le cochon a un goût que je ne retrouve pas ailleurs, dans l'esprit, seulement en Corse.

Alors je viens de rentrer à Jérémie, encore en moto-taxi avant de repartir demain, à 5 heures du matin, à nouveau en moto-taxi (youhou) pour la ville des Cayes où je prendrai un nouveau service de bus climatisé, pour Port au Prince.

Je vais donc faire un dernier petit tour dans la ville pour constater à nouveau que certaines choses ont changé. Le pays n'est pas devenu un pays développé en dix ans mais il y a des transformations et le touriste peut venir par ici sans problèmes.

L'auberge de Juliette, l'Auberge'inn (Rue Bordes), est accueillante avec sa belle tonnelle fleurie devant et ses chambres à la décoration soignée.

Photo 2: La végétation a bien poussé depuis.



Le service est impeccable et c'est un délice de déguster chaque jour, au petit déjeuner, une confiture différente, abricots (attention c'est un fruit différent de chez nous et personnellement, en confiture, si la comparaison est pertinente, je préfère ceux d'ici!), goyave, papaye, chadèque, carambole... Je n'oublie pas le mamba maison (pâte d'arachides).

Photo 3: Un des principaux défis du séjour: rester suffisamment longtemps pour goûter à tout.



Juliette et ses employées s'occupent de tout et là aussi, c'est bio. Surtout c'est bon. Pour voir Juliette en action, allez sur youtube.

Quand on est bien installé, on peut aller faire un tour en ville. Pour cela, il faut choisir le bon moment, plutôt en fin d'après-midi ou à la tombée de la nuit quand les rues s'animent. Faites attention aux taxi-motos car le trafic s'est intensifié. Et éventuellement choisir un bon guide qui saura vous ouvrir quelques portes. J'ai Jean-Bart, mon ami.

On commence par le port et son quai (ici "wharf"), où le bateau de Port au Prince arrive le dimanche et repart chargé de charbon de bois et de bananes vertes, notamment, le mardi après-midi. Mais si on reste sur le pont pour le voyage, mieux vaut venir s'installer la veille.

Photo 4: Non, non, on n'est pas au Québec!



Depuis, le quai, quelques changements, pas forcement positifs, sont visibles dans l'aspect architectural de la ville. Sur la rue Stenio Vincent, qui longe le littoral, les grandes et belles maisons des familles de commerçants mulâtres (métis) qui tenaient la ville, sont dans un état de délabrement inquiétant. Ces bâtisses de bois, de briques et de ferronnerie sont souvent remplacées par du parpaing classique, peint de couleurs parfois criardes.

Photo 5: Exemple de changement dans la rue Stenio Vincent. C'est un des buts de promenade de la ville. Les matériaux venaient souvent directement de Paris ou de La Nouvelle-Orléans.



C'est vraiment dommage que ce patrimoine important de la Caraïbe parte comme cela. Pour résumer, le déclin a débuté avec la dictature Duvalier qui dans les 60's a envoyé ses sbires décimer physiquement une partie de ces familles (les autres ont émigré), en représailles (...) d'une certaine jeunesse contestataire. J'y reviendrai plus tard, avec davantage de détails. Mais la ville ne semble pas s'en être remise. Il y a là, c'est certain, un beau travail de recherche historique à faire.

Le centre du pouvoir de la ville semble, par conséquent, se déplacer doucement vers la place Dumas, au pied de la cathédrale Saint-Louis (dont le clocher a été fissuré par le tremblement de terre du 12 janvier), autour de laquelle se sont installées les boutiques des compagnies de téléphonie mobile, près de la mairie. La place a été aménagée et, pour l'instant, elle n'est pas détériorée. Quand les flamboyants fleurissent...

Photo 6: Jean-Bart me guide sur la place. A droite, le monument érigé en l'honneur des 3 Dumas, dont les origines familiales trouvent leur source dans l'union du "maitre et de l'esclave", sur un domaine colonial, à la sortie de la ville. L'Histoire de France n'est jamais très loin ici.




Photo 7: A la sortie de la ville, en direction de Port au Prince, la rivière de Grand'anse qui donne son nom à la région.



Photo 8: Sur la route des abricots et de l'aéroport, à la sortie de la ville, la plage d'Anse d'azur. Elle est presque devenue la plage des tuniques bleues.



Voila, je vais aller prendre une photo de la cathédrale car je viens de m'apercevoir que je n'en avais même pas une, malgré sa belle couleur bordeaux. Je remonte à l'auberge, passant devant le nouveau bâtiment qui regroupe les différents services des ministères, interpellé, de manière amicale, comme bien souvent
- He, blanc...
Là, je dois courir un peu, comme ca m'arrive, régulièrement, quand je suis content:
-He, monsieur, pourquoi vous courrez ? (en créole bien sûr)
-et pourquoi pas?
-(en écartant les bras) haïtien!
Les choses ne sont pas si simples.

vendredi 20 août 2010

Les Abricots, le paradis pour qui...

Imaginez à 32 kilomètres à l'ouest de Jérémie, après une heure de temps en 4x4, ce mardi 17, une belle anse, de près d'un kilomètre, avec un petit village de pêcheurs, posé pratiquement sur la plage, c'est Les Abricots. Bien sûr, la route pour y parvenir n'est pas encore parfaite mais au moins jusqu'à Trou-Bonbon, elle file. Ensuite, c'est vrai que c'est un peu plus compliqué. Il faut parfois s'arrêter pour rétrograder en première, et l'ultime partie, qui descend vers le village est un peu chaotique. Mais le temps de parcours a été réduit de moitié en quelques années. C'est de toute façon un plaisir de regarder le paysage parsemé de petites cases entourées de leur jardin. Ici, les jardins potagers sont constitués aussi d'arbres ! manguier, cocotier, bananier, arbre véritable...

Photo 1: Monsieur fait son potager, l'arbre véritable.


La récompense est au bout et la petite maison, sur la plage, sous les cocotiers et les amandiers, que Juliette a transformée en annexe de son auberge de Jérémie, est très accueillante avec ses volets rouges.

Photo 2: Vous aurez compris que je suis dans l'eau... et que dormirai cette nuit, là, en face!



Premier objectif, un bain et les 8 mètres qui me séparent de l'écume. On rentre évidemment sans difficultés (enfin, il y aura toujours des frileux pour se plaindre!) tant l'eau est chaude. Il y a peu de vagues, l'ensemble est calme en cette fin de journée. Des garçons du village nous abordent pour jouer et parler. Alors, bien sûr, je joue... à la balle avec eux, dans l'eau. On passe un moment et je leur propose, pour terminer, d'être mes guides pour une balade dans la campagne ou les mornes alentours. Ce sera pour le lendemain ou plus tard.
Le village semble l'objet d'une énergie croissante qui s'explique par la proximité, dimanche, le 22, de la fête du saint patron local.

Photo 3: Devant l'église des Abricots. Il fait déjà chaud, en cette fin de matinée et il faut bien que je trouve des raisons de me plaindre.


La veille y est journée de fête, la plus attendue et importante de l'année. Juliette nous fait rencontrer le maire qui est un ami à elle, Jean Claude Fignolé, à qui on doit une très grande partie des progrès réalisés dans le village et sur la route ces derniers temps. C'est quelqu'un de doux, gentil et attentionné. On prend le temps de discuter sous les amandiers : on évitera les cocotiers et surtout les noix qui peuvent s'en détacher !!! Forcément, la tête est la partie du corps à laquelle je tiens probablement le plus !

J'écoute le "magistrat", comme les Abricotins l'appellent, qui est aussi un écrivain internationalement connu (Les possédés de la pleine lune ou Aube tranquille pour les romans dont l'action se déroule aux Abricots.), notamment quand il raconte certains de ses souvenirs d'école. Son prof leurs demandait de traduire des poèmes en latin pour la semaine suivante, puis du latin, de traduire à nouveau en grec, pour la fois suivante. Il ne se gênait d'ailleurs pas pour discuter dans la langue d'Hérodote, avec son collègue devant les élèves. Pour la semaine, il a réussi à faire venir Amélia, la directrice du Centre culturel brésilien de Pétionville, pour une programmation de cinéma brésilien (naturellement). J'ai pu découvrir L'Orphée noir, de Camus, en compagnie des petits Abricotins, attentifs.
Mais il ne faudrait pas croire que tout est facile ici. La commune a subi elle aussi les conséquences du tremblement de terre en accueillant de nombreux réfugiés, triplant ainsi sa population, sur un territoire qui a déjà du mal à nourrir ses habitants. Pour cela voir l'association Solidarité internationale, et son blog . Thalassa sur France 3 avait fait également un beau reportage. Alors le paradis ici c'est peut être pas pour tout le monde.
Enfin, je suis heureux d'avoir revu Mica, qui habite aussi aux Abricots, depuis plus de 35 ans, dont l'action, au paradis des indiens, est également très importante, pour ne pas dire plus.
Toujours pleine d'énergie et de créativité, elle me montre les dernières nappes, et notamment, celles dans les tons bleus, que Patrick, son mari, aimait. J'en profite pour en acheter ainsi que des porte-clés qui sont fabriqués ici et qui sont le produit d'un travail soigné. Les ateliers font vivre de nombreuses familles.

Photo 4: Une des nappes de Mika.


Il faut bien quitter cet endroit mais hier en partant, j'ai dit à Juliette, qui y reste encore un peu, que je reviendrai ce soir pour une dernière soirée. Je ferai l'aller-retour en moto-taxi, encore...

Je ne serais pas complet si je ne parlais pas de la visite avec mes trois petits guides de la campagne en amont de la plage, remontant la vallée, au milieu des champs de canne à sucre et des petites cases que j'ai évoquées plus haut.

Photo 5: Sur le chemin, dans la campagne.



Photo 6: Un exemple de cases. Certaines sont plus colorées.


Ils m'ont emmené voir les restes d'une sucrerie de l'époque coloniale (début 18eme siècle). L'ensemble (ce qu'il en reste, pas grand chose) est envahi par la végétation. Ici, les restes de la colonisation ont toujours évoqué pour moi les restes antiques de nos contrées. Quelque chose de loin, mais de très conséquent dans nos identités.

Photo 7: Les trois petits guides devant les restes de la sucrerie. Je ne me rappelle pas de leurs prénoms, malheureusement et honteusement, mais celui de gauche portait un chasuble de Digicel car le téléphone portable passe jusqu'ici (finalement pas là!) et il se balade avec un portable que quiconque peut utiliser en payant... Au fond, l'éclairage public, alimenté par panneaux solaires.


Cette commune est un lieu propice pour faire d'innombrables photos, même si je n'ai pas toujours osé prendre ce que j'aurais aimé, notamment ces cases colorées parce que leurs galeries sont un lieu de vie et d'ouverture sur l'extérieur. Il y avait donc très souvent quelqu'un, posté. Peut être ai-je manqué d'un peu de panache ! Je n'en publierai pas plus, là.

mardi 17 août 2010

Jérémie, enfin (Haïti)

Enfin ! Pourrais-je dire. Certains auront probablement compris que c'était le but du voyage.
Ici, essayer de trouver un fil directeur pour la rédaction sera peut-être plus facile car cela faisait plusieurs années que je n'étais pas revenu dans la ville. En conséquence, on re-cherche, un peu-beaucoup..., ce qu'on y a vécu et en même temps, de manière plus désordonnée, on constate ce qui a pu changer. Déjà, une idée qui s'impose, forcément, c'est que beaucoup de choses sont bien éloignées. Tant mieux peut être. De la même manière, je suis satisfait de pouvoir venir en touriste, simplement en touriste. Je ne suis plus que ça ici, c'est parfait.

Dimanche soir, Juliette, nous a conduits aussitôt en arrivant, à la fête de Numéro 2, quartier sur la route de l'aéroport, vers l'ouest. Le temps est menaçant, il fait désormais nuit, mais la route est impeccable (pour ici) car elle aussi a été refaite.

La ville semble paisible, on est loin de Port au Prince. Et pourtant, la MINUSTAH (mission de l'ONU) a installé, en périphérie, un camp de plusieurs centaines de casques bleus, en créant deux "fortins" imprenables, avec des chars à l'intérieur (m'a t-on dit), complètement fermés sur l'extérieur, surveillés par les miradors (voir photo 1, ci-dessous).



Les tuniques bleues, Argentins, Uruguayens, Brésiliens, et autres, peuvent même y dépenser leurs milliers de dollars de traitement dans le restaurant à l'intérieur. Pas besoin de se mêler à la population. C'est trop dangereux... Ils sont ici en mission de pacification. Mais pacifier quoi ?

Alors on passe devant, on laisse et on fend la foule, jeune et nombreuse, de la fête, ou de nombreux kiosques, proposant de la nourriture (griot de porc...), au bord de la route, incitent à s'arrêter. Il y a les portes d'entrée des salles de bals ou les couples se font, dans la pénombre, corps à corps, sur des airs de kompa. On s'arrête dans un restaurant-bar tout près de l'église, elle même accompagnée d'un beau flamboyant. Malheureusement, l'orage éclate et la pluie, s'abattant et rafraîchissant l'atmosphère, disperse tout le monde. Je suis vite entouré de jeunes avides de discuter avec un blanc (au sens local, c'est un étranger : donc un Sénégalais est un blanc, même s'il existe des Sénégalais dits "blancs"), qui n'est pas un envoyé ni de dieu, ni de l'état-monde ou d'une quelconque association de bonne conscience : ça commence bien.
On rentre après avoir acheté un peu de griot et...
...je vous raconterai la suite et décrirai un peu Jérémie, jeudi prochain... car on part aux Abricots, dans 30 minutes et il faut que j'achète du vin blanc au Dépanneur (photo 2, ci-dessous), à deux pas du cybercafé.




Ce n'est plus la petite épicerie d'autrefois, bazar indescriptible et intime, mais un supermarché, avec ses caissières, et un bon choix de produit, même si les Twix y sont toujours aussi mous..

A plus tard

A Petit Goave, sur les traces de Da (Haïti).

Cet exercice d'écriture est nouveau pour moi et je dois reconnaître qu'en voyage, s'astreindre à écrire régulièrement est le plus difficile. Vous aurez donc la suite en différé. Aujourd'hui, je parlerai du voyage de dimanche (15 aout). Juliette est venu me chercher pour aller à Jérémie.

Si samedi, avec Marie, nous n'avons pas pu aboutir à Petit Goave, cela n'a été que partie remise. Juliette et son amie, Anaïs, qui l'accompagne, ont été d'accord à l'idée d'aller à la recherche de la maison de Da, la grand-mère de l'écrivain Dany Laferrière, dont il parle si chaleureusement dans ses romans Le charme des après-midi sans fin ou L'odeur du café et où il a passé une grande partie de son enfance. C'est sur notre itinéraire du jour. Après une heure de route, nous entrons donc dans la ville en quête de la rue Lamarre, et du numéro 88 que nous trouvons assez rapidement grâce aux relations de Juliette et un petit coup de fil opportun.
La maison est devant, enfin, nous descendons et pouvons observer le lieu. Anaïs, qui connait Dany, me rappelle un des épisodes des livres en regardant les briques du sol sous la galerie qui donne sur la rue : Dany, enfant, s'amusait avec les fourmis sur les joints entre les briques.

Photo 1: Anaïs et Juliette, devant la maison de Da.



Je repense aux ambiances du livre, notamment les fins de journée quand la chaleur retombe et que parallèlement la vie dans les rues, reprend, d'où le titre du livre peut-être. Le mieux est quand même de lire les deux livres (ce qui se fait très facilement, et on peut le faire chaque année au printemps...) plutôt que mes commentaires...

Tout va bien, on peut repartir, sur la route nationale, qui a aussi souffert du tremblement de terre. Nous empruntons une déviation construite peu avant, car le lac qu'elle longeait, a débordé. Le paysage est verdoyant, avec des rizières, des savanes, des cocotiers, manguiers, bananiers... et les petites cases colorées au milieu. On respire après la grande ville.
La route passe alors sur la côte sud de la mâchoire du crocodile (regardez bien la carte du pays!), longe non loin d'Aquin le genre de littoral qui fait se déplacer dans cette region : eau translucide, cocotiers.... Nous passons devant Cavaillon, enjambons des rivières dans lesquelles les gens se baignent, se lavent, nettoient avant la deuxième étape, la ville de Les Cayes (pour ceux que la toponymie intéresse l'équivalent en anglais serait keys, en espagnol cayos, c'est à dire des petites îles dépassant à peine le niveau de la mer, ou des haut-fonds souvent sur du calcaire corallien me semble-t-il...).

Le voyage est un réel plaisir. Je redécouvre Juliette en très agréable bavarde. Cela faisait sept ans que l'on ne s'était pas vu.

La dernière étape du voyage commence, celle qui lorsque j'étais ici, constituait la partie la plus contraignante. La piste y ressemblait parfois à un lit d'oued asséché et il fallait 4 heures pour rejoindre Jérémie, à 80 kilomètres de là, à travers le haut massif de Macaya. Aujourd'hui, une entreprise brésilienne a en charge les travaux de réhabilitation et on peut, plus tranquillement, observer le paysage sans être stressé pour la voiture.

Photo 2: Après Camp Perrin, la route s'annonce bien!



A l'époque, je n'avais pas remarqué les fougères arborescentes dans les premiers lacets, après Camp Perrin. Juliette a ses habitudes et elle s'arrête pour acheter une cargaison de carambols (bonne orthographe ?) pour en faire des confitures.

Photo 3: C'est pas compliqué, Juliette prendra tout!




Plus loin, c'est Anaïs qui a rendez-vous avec un dame qui lui remet des noix de coco prêtes à être consommées. Je bois et me désaltère.

On avance donc bien plus vite. La route est désormais plus fréquentée qu'avant et les bus en tout genre se croisent, ainsi que de motos-taxis. On note également des émetteurs relais pour la téléphonie mobile.

Photo 4 : C'est le genre de véhicules qui, avant les travaux, ne pouvait pas prendre la route. Sur le chemin avant Beaumont.



Tout est nouveau. C'est un progrès. J'espère seulement que les nombreux sacs de charbon de bois que l'on voit sur le bord de la chaussée ne sont pas un signe prémonitoire de la déforestation qui pourrait venir, comme ailleurs dans le pays auparavant. Ce serait désastreux car Jérémie est au coeur d'une région, la Grand'anse, dont la végétation apparaît encore luxuriante. C'est aussi son charme.

On passe Beaumont, au coeur d'une région caféière, puis Kafou Chal, pour arriver à Roseaux près de l'embouchure de la rivière du même nom, après une longue descente. Je ne reconnais plus la route et fantasme désormais de la faire en vélo... On voit maintenant Jérémie tout au bout sur la côte. Pour y parvenir, nous longerons l'interminable plage de galets, traverserons plusieurs rivières, dont la dernière a donné son nom à la région. Autrefois, quelques crocodiliens faisaient qu'on évitait de s'y baigner à certains endroits.

Photo 5: On vient d'arriver. Une petite Prestige nous fera du bien!


dimanche 15 août 2010

Carrefour (Haïti, fet pou viv lib.)

Je devais quitter Port au Prince ce jour, et bien finalement ce sera demain car Juliette, une amie haïtienne de Jérémie, qui devait me prendre en voiture, ne part que le dimanche. C'est pas très grave, on décide d'aller avec Marie à Petit Goave, à 70 km à l'ouest, pour essayer de trouver la maison de Da, la grand mère de l'écrivain D.Laferrière, mis en scène dans notamment Le charme des après-midi sans fin.

On est parti un peu tard et nous sommes d'abord allés en tap-tap à Petionville pour chercher de l'argent et un DAB qui marche. Cette commune est le faubourg riche de la capitale, moins touchée par le tremblement de terre, à quelques centaines de mètres d'altitude au dessus. Après quelques efforts, nous sommes arrivés à trouver car le premier ne marchait pas, le second ne prenait que les cartes haïtiennes, mais ici la poésie, la vraie, n'est jamais loin.

Photo 1: C'était calme et presque agréable de faire la queue au guichet.


On est donc prêt à prendre le bus mais pour cela, il faut descendre au bas de la ville de Port au Prince, en tap-tap puis moto-taxi. Les bus vides attendent au portail Léogane que les voyageurs s'installent. Il ne faut pas tergiverser longtemps au risque de se retrouver à cheval entre la travée centrale et le siège extérieur. Là où il devrait y avoir deux personnes, c'est à dire une par siège, et bien on est trois. On paye 75 gourdes (1,5 euros), on attend 45 minutes le remplissage. On a déjà chaud mais ça va. Marie discute philosophie avec son voisin et s'évente avec un bouquin de Sartre. J'écoute, transpire et regarde aussi par la fenêtre l'animation qui règne, les publicités qui dépassent... depuis notre bus qui doit être un ex-bus de ramassage scolaire américain jaune. (voir photo 2, ci-dessous)



Le bus démarre, s'extrait des embouteillages et de la concentration piétonne intense pour se lancer sur la route nationale et s'enfoncer plus loin (pas trop) dans un autre embouteillage. Ici, on les appelle blocus. Nous sommes encore dans la banlieue, on avance au pas, souvent, et on préfère retenir les couleurs et le ton des enseignes diverses qui sont un des charmes de ce pays, plutôt que les multiples camps de tentes qui jalonnent l'itinéraire. Un nous a particulièrement frappé, au milieu du terre plein central de l'avenue, au ras des voies de circulation.

Photo 3: Spéciale dédicace pour Cri cri.



Marie est imperturbable et s'est lancée dans la fin de la lecture de Saison de porcs, roman policier haïtien de G.Victor. En ce qui me concerne, mais je ne dis rien, je commence à bouillir : ça fait trois heures qu'on est là. Je transpire abondamment, comme si un top-model venait s'adresser à moi de manière franche et favorable !

On semble percevoir la fin du blocus à l'approche de la ville de banlieue de Carrefour. Et puis tout s'enchaîne : certains chauffeurs de bus qui doivent partager mon état d'esprit, veulent doubler par la droite. Une troisième file se créée alors que nos deux préalables se réduisaient à une, d'où l'embouteillage. Mais notre chauffeur ne veut pas se laisser faire. Il est en cela conforté par un bon nombre de voyageurs de notre bus qui, se levant, scandent avec force de persuasion : kole kole kole...(traduction évidente!) un bras de fer se met en place et aucun des chauffeurs ne cède. La chevauchée s'arrête. Le rétroviseur de notre bus a brisé une vitre de l'autre.

Bon, on fait quoi ? L'excitation monte. Les passagers de devant hurlent sur les passagers du bus d'à côté qui sont à cinquante centimètres de nous. Je me lève pour voir ce qui se passe : notre chauffeur n'a pas bougé de son siège, juste un peu plus adossé. Il regarde le chauffeur de l'autre bus qui lui est descendu, s'appuyant sur le rétro de son bus, de son bras gauche et téléphonant de son bras droit, probablement à la police. Mais les deux font la même chose : ils se défient du regard sans se laisser déconcentrer par une autre histoire. Là dessus, il ne manque plus que la musique d'un face à face de western, spaghetti ou pas.

C'est clair, on ne pourra pas revenir à Port au Prince à temps ce soir alors, on descend, on réfléchit deux secondes, (Marie a fini son bouquin) et on négocie un taxi-moto qui nous ramène à l'hôtel Oloffson, en virtuose, à travers les embouteillages et l'activité débordante des trottoirs, en sens inverse. Je fais l'erreur de complimenter le pilote, qui se sent pousser des ailes, et peu après, je suis obligé de lui rappeler que madame la, li fragil, (pardon Marie ! Je sais bien que c'est pas vrai) pour qu'il se calme un peu. On vient de laisser le bus et ses voyageurs à leur patience. Là aussi, on de la chance.
On boit un jus de citron vert et on plonge dans la piscine, couverts de poussière. Là aussi deux mondes.

Photo 4: Un exemple de bus assurant le transport collectif (avec peut-être 50 passagers, contre une quinzaine pour un tap-tap, et une centaine pour notre bus plus longue distance).


vendredi 13 août 2010

Port au Prince (Haïti)

Le passage de la frontière à Malpasse, après Jimani, annonce clairement un changement et est une expérience à lui seul. Des déchets plastiques, de plus en plus nombreux, le long de la chaussée, balisent désormais le chemin jusqu'au poste frontière dominicain que l'on cherche à travers la foule bigarrée de marchands haïtiens et dominicains qui viennent se confronter là dans des joutes commerciales. C'est le principal poste de passage et le no man's land offre le spectacle des grossistes dominicains rangés perpendiculairement, en rangs serrés, à la route dans leurs camions, vendant aux petits commerçants haïtiens qui repartent diffuser leurs marchandises vers la capitale.

Photo 1: Je prends furtivement une photo depuis le bus sur les tractations commerciales des uns et des autres !





Le passage de la barrière symbolisant la frontière est aussi difficile à traverser que le périph à une heure de pointe. La partie haïtienne apparaît encore plus dans un enchevêtrement de véhicules en tout genre et les casques bleus péruviens qui sont là, semblent déconcertés. En somme, c'est le bordel.

Port au Prince est désormais toute proche et la route qui nous y mène ne nous montre pas encore trop les stigmates du tremblement de terre (Goudou-goudou comme ils disent, ce qui veut dire la chose: ils ne le nomment jamais par son vrai nom). On les cherche, pour être honnête mais jusqu'au terminus, on est davantage frappé par l'immense camp des casques bleus philippins, adossé à la non moins grande ambassade des USA, dans le quartier périphérique de Tabarre. On comprend vite où est le pouvoir.

Il nous en faut un peu plus néanmoins pour nous impressionner. Je dis nous, car je suis attendu par une amie, Marie, avec qui je vais partager les premiers jours ici dans la capitale.
On ne perd pas trop de temps et on se rend de suite à l'hôtel Oloffson, dans le bas de la ville, non loin de la partie qui a été la plus touchée par le tremblement de terre, en prenant les transports collectifs, les tap-taps (voiture pick-up dans lesquels la plate forme arrière est aménagée, de manière artisanale et très colorée, pour recevoir les passagers).

Photo 2: Merci Marie, pour la photo du tap-tap.



Les passagers nous y font spontanément une place. On débarque sur la place du Champs de Mars, là où il y a le Palais national écroulé (mais on ne le voit pas : normal, il fait déjà nuit!) pour prendre un taxi qui nous dépose devant l'hôtel.

Photo 3 : La façade de l'hôtel Oloffson, depuis le jardin. Le roman de G.Greene "Les comédiens", s'y déroule.



Le bâtiment est dans le style gingerbread et devrait quand même figurer dans la liste des 1000 lieux à avoir vu dans sa vie. On prend deux bières locales, Prestige (elles ont quand même gagné des récompenses internationales), un sandwich haïtien aux pickles (chou mariné et pimenté...) et on a attendu sagement que le concert de RAM commence. Pour ceux qui ne connaissent pas, allez voir la B.O. du film Philadelphia.

Photo 4 : L'intérieur de l'hôtel. On aurait pu prendre plusieurs photos par pièces, avec des tableaux de maître accrochés, tel Préfète Duffaut (bon, pas celui sur la photo!).




Le lieu se remplit d'Haïtiens et de coopérants, mélangés, et l'ambiance est vite chaleureuse. Je laisse Marie, restée attablée sous la galerie, car elle semble en très bonne compagnie: un bel hidalgo s'approche timidement.
-Je peux m'assoir?
-Oui
-Je peux vous offrir quelque chose à boire?
-heuuu, je ne veux pas d'alcool, alors de l'eau.
Il revient et :
-Voici ma carte. Je suis responsable du programme USAID (programme de coopération). Je touche 20000$ par mois. Bon, c'est sûr c'est difficile pour les pauvres Haïtiens, je les comprends.
-...
-Je viens d'acheter une maison aux Canaries, comptant (et content!).
-Ah bon...

Le concert est vraiment bon, mélangeant rythmes vaudous, rock et sortes de vuvuzelas locaux et on aimerait que cela dure plus longtemps. Il faut quand même rentrer, il est 1h30 du matin. On prend une moto taxi à trois, traversant les rues désertes de la ville. J'évite pour ma part de me percer le nez avec la baguette qui tient le chignon de Marie. On n'a toujours pas vu beaucoup des dégâts dans la ville.

Les décombres, je ne tiens pas à les voir de manière volontaire alors le lendemain, en visitant la ville, en nous rendant manger dans la famille d'un des amis haïtiens de Marie, on ne pourra pas faire autrement que de les voir tant la ville a souffert. Le seul édifice que nous irons regarder, de manière délibérée, sera le Palais national, où l'on prend une photo (Photo 5: ci-dessous) . Ce sera la seule. Mais c'est impressionnant.



En se promenant, l'après-midi, digérant le fantastique riz (cuit avec du lait de coco et des haricots) offert plus tôt par la très accueillante tante (Tante Elsa) de Jean Marie, l'ami de Marie, nous avons flâné, acheté quelques souvenirs autour du Champs de Mars. Aucun regard, aucune parole ou attitude inquiétante. Retour en taxi et tap-tap après un deuxième passage à l'Oloffson pour déguster un vrai jus de mangue et citron vert. Alors, je préfère entendre les mots des Haïtiens plutôt que d'écouter les consignes que donnent les ONG à leurs personnels : ne pas sortir seul, interdiction de marcher dans la rue... Deux mondes.

mercredi 11 août 2010

Santo Domingo (Rép. dominicaine)

Cette fois-ci, les Pyrénées sont loin même si la ligne aérienne, entre Toulouse et Madrid, les survolent et permet d'observer clairement les principaux massifs. On passe par exemple, dans ce sens, à la verticale du glacier des Oulettes, au Vignemale...

Alors me voici dans les grandes Antilles, à Santo Domingo, en République dominicaine, d'où je pars demain, en bus pour Port au Prince, en Haïti. L'objectif de ce blog était clairement de partager l'expérience avec ceux ou celles que ce voyage en Haïti intéresse, et notamment certains de mes élèves avec qui on a travaillé cette année, pour ma part avec grand plaisir, sur ce pays et un de ses plus importants écrivains actuels, D. Laferrière. Alors nous y voilà !!!(enfin, je...)

Le voyage débute avant de mettre les pieds dans l'avion et le déplacement en lui-même, hormis le fait de constater que mon bilan carbone est très mauvais, est la mise en bouche. J'ai décidé de passer par la capitale dominicaine car le billet était nettement meilleur marché. Les immigrés dominicains qui rentrent en vacances, à la même occasion, mettent l'ambiance et d'autant plus que l'arrivée approche et que les réserves de vino tinto (vin rouge, vous aurez compris...) de la compagnie espagnole s'épuisent. C'est assez réducteur de dire que les Antillais n'aiment que le rhum !

Tout se passe très facilement dans cette destination du tourisme international, sans que cela lui enlève trop de charme. Un taxi vous emmène rapidement dans la pension que vous avez choisi soigneusement dans un guide quelques jours auparavant, le Routard pour ne pas le citer, et appelé. Le logement choisi est bon marché (600 pesos, env. 11.5 euros la nuit), suffisamment proche du centre colonial de la ville pour le visiter à pied (pension Miguel-José y Dolores, calle Abreu 7), et suffisamment loin pour éviter d'être avec nos amis grégaires, les touristes en short et en claquettes. L'accueil est vraiment chaleureux et on est presque en famille, avec les Dominicains, entre deux colmados.

Photo 1 : Un colmado, c'est à dire un mélange d'épicerie et de bar, à l'angle des rues. Ils sont repérables à la musique forte jusque tard dans la soirée. C'est pratique quand on aime la bachata et qu'il colle les murs de la chambre !



La ville est bruyante de circulation mais aussi de musique bachata ou meringue, polluée par les gaz d'échappement des voitures, mais colorée de mille enseignes, de vendeurs ambulants de fruits, et de visages. Ça me plaît. Le deuxième avantage de venir ici, avant d'aller en Haïti, est de constituer un sas de décompression. On a une première approche du sous-développement même si ici le tourisme a bien changé les choses. Le centre colonial, dont les plus vieux bâtiments datent du début du 16ème siècle, est propre et tranquille mais la pauvreté est vite présente depuis l'aéroport. On peut décider de passer par ici, aussi parce qu'on aime ce pays. C'est mon cas.

Photo 2: Une maison du centre colonial. Elles ne sont pas toutes en bois ou en calcaire coralien. Il y en a quelques unes de moches aussi.


Une des premières choses que j'ai faite ce matin, a été de visiter un supermarché puis un magasin spécialisé en dulce de leche ("douceur de lait", merveilleux) avant d'aller manger un peu plus tard à une terrasse un plat de viande de porc, sauce à l'ail (avec beaucoup d'ail), surtout avec le plat de bananes frites qui l'accompagne. Ça aussi j'aime.

Photo 3: On part aussi en voyage pour manger!



Imaginez donc mon bilan calorique après cette première journée et avec l'ail, mon bilan... sentimental. Comme le carbone, catastrophique. Oui, j'ai oublié de préciser que les femmes sont gracieuses. Le métissage a fait de beaux visages.

Vous imaginez bien qu'il reste peu de temps pour visiter les monuments. Pour être honnête, je les connais et en plus je ne fais pas de thèse de 3ème cycle sur le sujet, alors j'ai pris quelques photos seulement.

Photo 4 : La cathédrale Santa Maria la Menor, petite cathédrale de calcaire coralien, mais c'est la plus ancienne des Amériques (construite dans un style roman, entre 1512 et 1540). A droite, la statue de Colomb, indiquant le nord (?) sur le parque Colon, à Santo Domingo.




Photo 5 : Au fond, l'Alcazar de Colon (Colomb): l'édifice a été construit en 1510 pour le fils, Diego, qui devient gouverneur en 1508.



Voilà, il me reste la soirée, pour aller prendre un dernier verre sur le Malecon (avenue et promenade en bord de mer) et constater que la vie de touriste moderne est particulièrement semée d'embûches.

Pour les fans de bachata, il vous faudra aller sur youtube.

samedi 7 août 2010

Pic Badet 3160m et Pic Maou 3074m (Hautes-Pyrénées)

Pour la dernière sortie de l'été, avec Claire, nous avons choisi une escapade un peu plus difficile, pas trop loin de Toulouse. Le massif du Néouvielle, dans les Hautes-Pyrénées, offre une grande variété de possibilités. Depuis le barrage du Cap de Long (2175m), nous avons opté pour aller enchaîner les pic Maubic* (3058m), le pic Badet (3160m) et le pic Maou (3074m). L'itinéraire s'annonçait plutôt rude et il l'a été quand même.  Maou en occitan signifie mauvais... Je suis rentré cuit.

Le départ se fait du barrage, au bord duquel nous avons passé la nuit. Le parking est large et gratuit. Nous étions donc pas les seuls, mais c'était calme. Le lendemain, c'est à dire aujourd'hui, samedi 7 Août, nous avons débuté à 8h en longeant la retenue par un sentier bien fréquenté qui gagne progressivement de l'altitude.

Photo 1 : Pas besoin de pancartes le long du lac de Cap de Long, le chemin est indiqué naturellement! (photo de Claire)


A l'autre bout du lac, le sentier s'élève rapidement à travers la montagne de Cap de Long.

Photo 2 : Depuis le sentier, vers 2700m, vue sur le lac de Cap de Long, sous le pic de Néouvielle (3091m).


Vers 2800m d'altitude, on laisse le sentier pour s'engager dans la voie d'accès du glacier du Pays Baché (enfin ce qui l'en reste), puis on gagne sur la droite la crête qui nous mène directement au pic Maubic, à travers la caillasse mais sans aucune difficulté. Arrivés au sommet, nous nous sommes demandés néanmoins pourquoi celui-ci était considéré comme un sommet principal dans la liste officielle des 3000 pyrénéens. Ceci dit, le panorama sur la face du pic Long qui l'écrase, et sur le lac Tourrat, au nord, et plus généralement, l'ensemble du massif est vraiment intéressant. On peut voir que cette année, la voie normale d'ascension du pic Long, qui avant l'accentuation du retrait du glacier, passait par ce versant, est plus praticable. En effet, la rimaye semble encore comblée par la neige et n'offre apparemment pas trop de difficultés. Ce n'est pas le cas de la suite. On a pu observer deux hommes se lançant dans l'ascension et passer beaucoup de temps dans la deuxième partie au dessus du glacier. C'est de l'alpinisme et ce n'est pas encore pour moi.

Photo 3 : De gauche à droite, le pic Badet, le pic Long et le pic Maubic, avec en dessous le glacier du Pays Baché.



En redescendant, et observant la face du pic Badet qui est notre deuxième objectif, Claire ne se le sent pas et donc me laisse partir seul. Je dois la rejoindre au Gourg (trou, lac) de Cap de Long (2842m), un peu plus haut dans la vallée.

Photo 4 : Depuis la crête menant au pic Badet, vue sur le Gourg de Cap de Long, sous le pic Campbieil (3173m).



On descend donc un peu le versant et je traverse les névés, vers 2900m, pour gagner celui du pic Badet. Le début de l'ascension nous décale un peu à gauche du sommet, entre le talweg* et les contreforts orientaux du pic Maou pour aboutir facilement, même si la montée est rude, sur la crête. On la suit, à droite, jusqu'au sommet: la roche n'est pas bonne, souvent friable, c'est parfois exposé sur l'autre versant qui est nettement plus raide. Il faut passer une petite cheminée sans difficulté... c'est de la haute montagne et on a délaissé les ambiances pastorales.

Photo 5 : Sur la crête du pic Badet, en redescendant.



Le panorama depuis le sommet est vaste avec tous les grands massifs de la partie occidentale des Pyrénées et la vue sur le pic Long qui ne cesse de m'impressionner.

Le retour s'opère par le même chemin sur la crête que je prolonge sans aucune difficulté, et très rapidement, vers le pic Maou, même si je dois m'aider des mains souvent. Je dois avouer ne pas m'y être attardé et avoir enchaîné avec la descente. Celle-ci, directement sur le Gourg de Cap de long n'est pas si aisée que cela dans sa première partie. Le terrain est vraiment instable, parsemé de plaques pas toujours des plus faciles. Il faut vraiment être attentif.

Photo 6 : Le pic Maou, depuis la crête du pic Badet.



J'ai rejoint Claire qui avait fait en partie trempette dans le lac et, en deux heures, nous étions en bas. L'itinéraire complet a nécessité pour ma part environ 7h30.

Pour une description plus précise d'un itinéraire très proche:
http://castel.jl.free.fr/pagemodele/rando.php?hautespyrenees?num=8


*mot allemand signifiant en gros ligne formée par les points les plus bas des profils en travers successifs d'une vallée.
* Maubic : Patronyme d'un chasseur d'isards d'Aragnouet (fin de XIXe siecle), originaire d'un "mau-vic" ou mauvais quartier. (Robert Aymard)
Aussi selon L.Maury : Il rappelle le souvenir d'un chasseur d'isards, Carrère dit Maubic, de Tramezaygues, que fit en cet endroit une chasse particulièrement heureuse, puisqu'il abattit, s'il faut en croire les montagnards, trois isards d'un seul coup de fusil.

dimanche 1 août 2010

Batoua 3034m (Hautes-Pyrénées)

L'année dernière, la vallée du Rioumajou, dans les Hautes-Pyrénées, au dessus de Saint-Lary Soulan, m'avait laissé une impression agréable et apaisante. J'ai donc décidé d'y revenir ce vendredi 30 Juillet, pour faire l'ascension, le lendemain, de son plus haut sommet, le pic de Batoua (ou Cullfreda), 3034m, profitant d'une journée de beau temps annoncée.

L'ascension démarrera à 1390m, au parking de la zone de campement, à côté du pont de Frédançon, où je suis arrivé le soir vers 21 heures, me trouvant presque seul sur le parking (en tout cas entre humain). Je dors, dans ma voiture, à l'étroit, et pas à la belle étoile (même si c'est tentant) car je veux éviter, dans mon sommeil, d'être gentiment pris pour de la pelouse par nos amis les bovins qui paissent là. Mais l'endroit est calme, vert et la vue sur les sommets du Batoua qui nous dominent, belle. On a cependant la possibilité de dormir plus haut, à 1550m, au bout de la piste (interdite de 12 à 16h) qui démarre du parking où j'ai dormi. Il y a là aussi, en effet, comme je le verrai le lendemain, une zone de campement autorisé, près de l'Hospice de Rioumajou.

Photo 1: Depuis le port de Madera, vue sur, à gauche, le pic de Cauarère et, au centre, les Batoua: ça paraît bien loin, mais ce n'est qu'une illusion d'optique...

En fait, j'ai hésité et puis je me suis dit que si on pouvait y aller en voiture pour se rapprocher, il y aurait forcément du monde. Ce fut le cas. En plus, la piste, le long du torrent de Rioumajou, offre une alternance de forêt, clairière, petites cascades, bassins, fort agréable, même au retour au bout de plusieurs heures de marche.

Le samedi, je décolle donc à 6h30 et avale rapidement, en 3/4 d'heure, la piste qui sert de terrain d'échauffement. Le passage à l'hospice, marque le début de l'ascension, plus raide, mais pas difficile, par le vallée de Millarioux, vers le port de Madera (2560m) puis le port de Cauarère (2526m). On se trouve là dans un environnement plus minéral car la végétation disparaît au profit d'étendues schisteuses, qui font penser parfois à des résidus volcaniques. C'est beau car cela tranche avec le vert des pâturages. Au retour, je prendrai directement dans la pente depuis le port de Cauarère, par une sente plus raide mais très agréable à descendre à vive allure avec les bâtons de marche.
Photo 2: La fin de la piste, tout près de l'hospice de Rioumajou.



Une fois que l'on est sur la crête (frontière franco-espagnole), l'itinéraire ne la lâche plus jusqu'au pic de Cauarère (2901m) d'abord, puis le point culminant des Batoua (le sud-ouest) 3034m, et se prolonge au Batoua central (3028m) puis le Batoua NE (3032m).

Photo 3: Depuis le pic de Cauarère, vue sur le pic de Batoua SW. A gauche, le pic de Lustou (3023m).


Ces deux derniers n'étaient pas dans mes objectifs mais leur réelle proximité et facilité m'ont fait changer d'avis. J'ai mis 3 heures, depuis l'hospice pour parvenir au premier des Batoua. Il n'y a réellement aucune difficulté comme me le confirmera le nombre et la variété des personnes que je croiserai au retour. Ceci dit, le sommet se mérite car le chemin est long (c'est un 3000m!) mais le panorama depuis le sommet offre une vraiment belle récompense: des massifs du pic Posets (3375m) (Photo 4 ci-dessous) et du Schrader, à l'est, au Mont Perdu à l'ouest, et plus loin encore, la vue sur les deux piémonts.



L'ambiance est pastorale et l'heure matinale de mon départ m'a permis de croiser à nouveau une harde d'isards avec de nombreux petits qui m'ont coupé la route à 20 mètres avant de se réfugier à peine un peu plus loin.

Photo 5: Oui, oui, on les voit en face, là... les petits points marrons, chuttt!



Si à tout cela, on ajoute une dimension historique car la vallée et l'hospice de Rioumajou ont été de tout temps des voies de passage fréquemment empruntées (Pèlerins de Compostelle, trafiquants en tout genre à travers la frontière, réfugiés de la République espagnole...), on trouve là une vallée attachante. Attention, il n'y a pas de lacs dans les environs, peut-être dû à la composition schisteuse du massif.