jeudi 23 juillet 2020

Quelques jours à pied, dans les Hautes-Alpes, entre le Queyras et le Briançonnais...

           Le col de l'Isoard (2362m) et le sommet de Rochebrune (3321m) séparent le Queyras et le Briançonnais par une longue ligne de crête assez élevée, d'aspect plutôt austère mais que de nombreux cols permettent de franchir et jalonnée de plusieurs lacs. De nombreux itinéraires sont possibles. Les panoramas sont ouverts et à ce moment-là de l'année, les champs de fleurs restent innombrables et véritablement merveilleusement beaux.

Photo 1: Le lac de l'Étoile au-dessus du lac des Cordes...

Photo 2: Au bord du lac des Cordes...
              Ce qui n'a cessé de m'étonner c'est justement ces champs de pelouses vertes et fleuries alors que l'aspect global reste plutôt minéral et aride, même si la forêt de conifères est bien présente à l'étage inférieur. Nous sommes dans une montagne méditerranéenne. Ceci-dit la haute vallée de Cervières qui sera notre point de départ offre de vastes versants pastoraux plutôt débonnaires et apaisants autour du pic de Rochebrune (point culminant du Briançonnais mais pas du Queyras!) énorme bastion de calcaire dolomitique, d'où le nombre relativement faible de lacs.
Nous avons donc choisi de partir du parking de Le Bourgea après le hameau d'altitude des Chalps dans la vallée de Cervières et de revenir à Briançon par le col des Ayes au dessus de Brunissard en trois jours et demi de marche. L'ensemble est hyper bien balisé sans que cela soit ostentatoire car la plupart de l'itinéraire repose sur les GR58 (Tour du Queyras) et GR5 (Traversée des Alpes) au coeur du Parc Naturel Régional du Queyras.


Photo 3 : Vue sur le pic du Béal Traversier au loin à droite depuis la proximité des lacs de Cogour...
Photo 4: En montant au col de Péas..
              En voici les étapes qui n'excédèrent jamais 6 heures de marche :
   - Le Bourgea (1965m) - lac des Cordes (2448m)
   - Lac des Cordes - Col de Péas (2629m) - Hameau de Souliers (1820m) - lac de Souliers (2492m)
   - Lac de Souliers - Brunissard (1840m)- Col du Lauzon (2576m) - lacs du Cogour (2476m)
   - Lacs du Cogour - Chalets de Clapeyto (2221m) - Col des Ayes (2477m) - Chalets des Ayes (1740m) -Briançon (1240m)

              Les merveilleux petits lacs, même s'ils m'ont paru moins nombreux que dans les Pyrénées, constituent un des attraits essentiels de cet itinéraire. Le lac de Souliers mais surtout les nombreux petits lacs autour du col de Néal le troisième jour, même si certains sont en voie de comblement avancée, sont un véritable enchantement. Ils le sont d'autant plus que le passage du col de Lauzon marque un contraste assez fort entre une montée dans un cadre assez minéral (d'autant plus dans la dernière partie) avec un lac de Lauzon dont l'étiage en aout doit le faire ressembler davantage à une mare, et un autre versant, pastoral et franchement verdoyant. La vue depuis ces lacs vers la face nord-ouest érodée du pic du Béal Traversier plus au sud est spectaculaire. L'ensemble s'inscrit dans un remarquable complexe de zones humides, avec de nombreuses tourbières en formation, qui donne son originalité et sa beauté au secteur. On pourra également grimper sur la très facile crête de Terre Blanche (2587m) pour bénéficier d'un panorama grandiose sur le pic sus-mentionné, une partie du massif des Écrins, le pic de Rochebrune et tout ce lacis de petits lacs... Le lac des Cordes (et son petit frère le lac de l'étoile plus haut à 2535m), perchés sur leur vallon suspendu au dessus de la vallée de Cervières, permettront aussi une vue intéressante sur le versant nord est de Rochebrune et sa petite soeur du charmant nom L'Escalinade (3086m).

Photo 5 : Lac de Souliers au matin après une soirée orageuse et la neige sur le pic de Rochebrune à l'arrière plan...
Photo 6: Lac de Néal             
                   Les chalets de Clapeyto et d'une manière générale les hameaux d'altitude ou villages d'estive constituent un deuxième attrait. Certains, au delà de leur architecture typique, comme celui de Clapeyto racontent une histoire originale puisqu'après la Révolution française et le retour de la liberté de culte, une répartition des habitants selon leurs croyances s’est opérée dans la vallée. Les Arvidans, les habitants du bourg d’Arvieux, majoritairement catholiques et dont les alpages se situaient sur le secteur de Furfande, se distinguaient de ceux de Brunissard, que l’on nommait familièrement les Barots, protestants depuis le milieu du XVIe siècle. La fête traditionnelle des chalets de Clapeyto, qui se déroule chaque année dès les premiers jours de juillet, respecte encore ce clivage. On retiendra aussi le gîte d'étape Le Grand Rochebrune à Souliers et l'arrêt obligatoire qui permet de déguster les plats traditionnels faits à partir de produits locaux, car il fait également auberge, et agrémentés de fleurs sauvages comestibles... Après c'est sûr que c'est un peu plus compliqué de faire l'ascension jusqu'au lac de Souliers (700m de dénivellation sans trop de répit)... On trouvera une ambiance chaleureuse également à la buvette aux chalets des Ayes avant d'aller faire peut-être une prière à la chapelle Sainte Elisabeth...

Photo 7 : Depuis la crête de Terre Blanche, au fond le pic de Rochebrune.
Photo 8 : Depuis la crête de Terre Blanche, le col de l'isoard est à droite dans l'ombre... Ce panorama est le prolongement vers le nord de la photo précédente...
          Étonnement, nous n'avons croisé que très peu de troupeaux d'animaux sur les prairies d'altitude, car à l'exception de la redescente sur les Chalets d'Ayes, nous n'avons rien vu... Seules les très nombreuses marmottes peu farouches... On nous aura tout expliqué en discutant avec les locaux dans le bar chez Marius à Brunissard. Même qu'au moins une fois par an, on peut manger une marmotte, après l'avoir bien dégraissé et fait mariner dans le vin pour lui enlever le goût de la terre...
           Les forêts de pins à crochet et de mélèze apportent de la variété dans le contexte paysager et une matière première pour les constructions traditionnelles. Les sous bois souvent constitués de pelouses grasses n'ont cessé de m'étonner et lorsqu'on arrive au lac de Souliers après une longue montée, on reste séduit par les imposantes falaises calcaires dolomitiques et les vastes zones d'éboulis (les fameuses casses comme la Casse déserte sur le versant sud du col de l'Isoard) sous les pics de Côte Belle, qui donnent un aspect minéral sur le paysage verdoyant et gracieux du lac. Lorsque vous vous réveillez de bon matin, après avoir essuyé de belles averses orageuses tout au long de la soirée précédente dans une tente (qui prend un peu l'eau... hum hum), et que vous constatez qu'il a neigé sur le sommet de Rochebrune tout près, alors le paysage prend une toute autre ampleur. Il n'y a plus qu'à se jeter à l'eau pour se revigorer un peu... ce n'était pas si froid d'ailleurs...
            Enfin une belle surprise, presque à l'arrivée, au dessus de Briançon, vient ponctuer le parcours avec la visite de l'harmonieux domaine du Lauzin et de sa petite chapelle au coeur d'une forêt de Méleze avant de plonger dans la vallée urbanisée. Ce domaine a été construit visiblement pendant la période de la révolution française et le début du 19ème siècle pour développer l'élevage suite au blocus continental anglais.


Photo 9 : L'itinéraire sur fond de carte IGN Top 100

samedi 4 juillet 2020

Le pic du Canigo ou Canigou (2784m), incontestable...

On comprendra vite pourquoi ce sommet, dans une ambiance méditerranéenne, est si fréquenté. Le panorama comme le montre la table d'orientation du sommet, est proprement fantastique, des confins de la haute Ariège au littoral méditerranéen du Languedoc qu'il domine directement ou de Catalogne. Son orthographe a quelque peu été maltraitée par les campagnes de francisation successives des noms, et il semblerait bien que son vrai nom soit le Canigo, donc celui que je garderai. Le chemin vers son sommet permet de visiter des vallées glaciaires que l'on remontera depuis les lieux où l'on aura passé la nuit. Nous avions choisi de monter par le sud au départ du col de Jou (1125m), passant par Mariailles (1700m) et dormant au charmant petit refuge Arago à 2120 mètres d'altitude, point de départ idéal pour aller au sommet. De là, 2h30 sont, d'après les pancartes, nécessaires pour terminer l'ascension par un chemin bien marqué sans difficulté jusqu'au couloir final où quelques petits pas d'escalade seront peut être nécessaires.

Photo 1: Même Marseille serait visible depuis le sommet... Je le crois bien volontiers... Barcelone de l'autre côté...
L'arrivée au sommet, au débouché du couloir, permet de prendre conscience de l'ampleur du versant nord et surtout de son accessibilité. On peut donc relativiser l'importance des premières ascensions officielles avec Vincent de Chausenque ou Henri Russel au 19ème siècle, ou même la première relatée par le moine italien Fra Salimbene au 13ème siècle, celle du comte Pierre III d'Aragon vers 1280, sachant que celui-ci s'est probablement arrêté au clot dels estanyols, proche de l'actuel refuge des Cortalets. Le récit mentionne en effet pour le sommet un dragon sortant des eaux d'un lac. Mais on peut imaginer que depuis des temps immémoriaux les chasseurs d'isards et autres bergers avaient parcouru ces endroits. L'ensemble n'en est pas moins beau et propre.

Photo 2: Avec la fameuse croix du sommet, vue en direction du sud... La vue vers l'ouest en ce jour était bouchée par une mer de nuage... À gauche de la croix, le puig dels tres vents (2737m) et directement derrière la croix le Puig Roja (2724m).
Photo 3: Le fameux couloir du versant sud, plus impressionnant vu d'en dessous que lorsqu'on y est ... Ça n'engage que moi...
Alors j'ai beaucoup apprécié de dormir à cette cabane. Ce n'est pas uniquement parce que j'y étais seul et que comme elle a été réhabilitée, elle est propre et confortable. C'est aussi l'idée que je me fais de l'aménagement de la montagne qui devrait selon moi rester humble et discret, loin des aménagements lourds qui ressemblent à de l'hôtellerie comme sur le versant nord... J'ai d'ailleurs renoncé à ma carte du Club Alpin Français pour éviter de contribuer au financement de ce type de structure. Ce refuge Arago, à la sortie de la forêt et à l'entrée de la zone des prairies d'altitude, possède des banquettes en bois sans matelas (ça évitera les puces de lits) et sa situation en bord de sentier ainsi que la proximité idéale d'un petit ruisseau ont conforté le choix. La biche qui est venue grignoter en bordure à la tombée de la nuit a dû trouver l'ambiance apaisée...

Photo 4: Le fameux petit refuge Arago. Le chemin pour monter au sommet passe juste devant... Le financement de sa réhabilitation a été assuré par la DREAL et le département des Pyrénées Orientales. Bien à eux...

Photo 5: Au centre la face sud du Canigo et à sa droite la crête du Barbet (2733m).

Photo 6 : Depuis le refuge de Mariailles (1710m), vue sur la vallée qui remonte vers la face sud du Canigo et le refuge Arago... D'ici aussi c'est beau. La montée se fait essentiellement dans la forêt (principalement des résineux sauf en bas) jusqu'à la cabane, en suivant souvent des rigoles qui viennent capter l'eau des montagnes pour l'emmener plus bas dans les vallées irriguées. Peut-être aurez-vous l'occasion d'y croiser un isard.... Cette majestueuse forêt a été classée grande site national en 2012 est composée essentiellement de résineux, et notamment le sapin pectiné (35%), le pin à crochets (17%) ou sylvestre (13%) et de hêtres à 20%.
Pour être honnête, j'ai adoré monter là-haut...
Spéciale dédicace à Sylvain...

Aimer Toulouse... Déconfinement jour x...


Photo 1 : Une toulousaine protégée...


Photo 2: En face de la toulousaine...