Le passage de la frontière à Malpasse, après Jimani, annonce clairement un changement et est une expérience à lui seul. Des déchets plastiques, de plus en plus nombreux, le long de la chaussée, balisent désormais le chemin jusqu'au poste frontière dominicain que l'on cherche à travers la foule bigarrée de marchands haïtiens et dominicains qui viennent se confronter là dans des joutes commerciales. C'est le principal poste de passage et le no man's land offre le spectacle des grossistes dominicains rangés perpendiculairement, en rangs serrés, à la route dans leurs camions, vendant aux petits commerçants haïtiens qui repartent diffuser leurs marchandises vers la capitale.
Photo 1: Je prends furtivement une photo depuis le bus sur les tractations commerciales des uns et des autres !
Le passage de la barrière symbolisant la frontière est aussi difficile à traverser que le périph à une heure de pointe. La partie haïtienne apparaît encore plus dans un enchevêtrement de véhicules en tout genre et les casques bleus péruviens qui sont là, semblent déconcertés. En somme, c'est le bordel.
Port au Prince est désormais toute proche et la route qui nous y mène ne nous montre pas encore trop les stigmates du tremblement de terre (Goudou-goudou comme ils disent, ce qui veut dire la chose: ils ne le nomment jamais par son vrai nom). On les cherche, pour être honnête mais jusqu'au terminus, on est davantage frappé par l'immense camp des casques bleus philippins, adossé à la non moins grande ambassade des USA, dans le quartier périphérique de Tabarre. On comprend vite où est le pouvoir.
Il nous en faut un peu plus néanmoins pour nous impressionner. Je dis nous, car je suis attendu par une amie, Marie, avec qui je vais partager les premiers jours ici dans la capitale.
On ne perd pas trop de temps et on se rend de suite à l'hôtel Oloffson, dans le bas de la ville, non loin de la partie qui a été la plus touchée par le tremblement de terre, en prenant les transports collectifs, les tap-taps (voiture pick-up dans lesquels la plate forme arrière est aménagée, de manière artisanale et très colorée, pour recevoir les passagers).
Photo 2: Merci Marie, pour la photo du tap-tap.
Les passagers nous y font spontanément une place. On débarque sur la place du Champs de Mars, là où il y a le Palais national écroulé (mais on ne le voit pas : normal, il fait déjà nuit!) pour prendre un taxi qui nous dépose devant l'hôtel.
Photo 3 : La façade de l'hôtel Oloffson, depuis le jardin. Le roman de G.Greene "Les comédiens", s'y déroule.
Le bâtiment est dans le style gingerbread et devrait quand même figurer dans la liste des 1000 lieux à avoir vu dans sa vie. On prend deux bières locales, Prestige (elles ont quand même gagné des récompenses internationales), un sandwich haïtien aux pickles (chou mariné et pimenté...) et on a attendu sagement que le concert de RAM commence. Pour ceux qui ne connaissent pas, allez voir la B.O. du film Philadelphia.
Photo 4 : L'intérieur de l'hôtel. On aurait pu prendre plusieurs photos par pièces, avec des tableaux de maître accrochés, tel Préfète Duffaut (bon, pas celui sur la photo!).
Le lieu se remplit d'Haïtiens et de coopérants, mélangés, et l'ambiance est vite chaleureuse. Je laisse Marie, restée attablée sous la galerie, car elle semble en très bonne compagnie: un bel hidalgo s'approche timidement.
-Je peux m'assoir?
-Oui
-Je peux vous offrir quelque chose à boire?
-heuuu, je ne veux pas d'alcool, alors de l'eau.
Il revient et :
-Voici ma carte. Je suis responsable du programme USAID (programme de coopération). Je touche 20000$ par mois. Bon, c'est sûr c'est difficile pour les pauvres Haïtiens, je les comprends.
-...
-Je viens d'acheter une maison aux Canaries, comptant (et content!).
-Ah bon...
Le concert est vraiment bon, mélangeant rythmes vaudous, rock et sortes de vuvuzelas locaux et on aimerait que cela dure plus longtemps. Il faut quand même rentrer, il est 1h30 du matin. On prend une moto taxi à trois, traversant les rues désertes de la ville. J'évite pour ma part de me percer le nez avec la baguette qui tient le chignon de Marie. On n'a toujours pas vu beaucoup des dégâts dans la ville.
Les décombres, je ne tiens pas à les voir de manière volontaire alors le lendemain, en visitant la ville, en nous rendant manger dans la famille d'un des amis haïtiens de Marie, on ne pourra pas faire autrement que de les voir tant la ville a souffert. Le seul édifice que nous irons regarder, de manière délibérée, sera le Palais national, où l'on prend une photo (Photo 5: ci-dessous) . Ce sera la seule. Mais c'est impressionnant.
En se promenant, l'après-midi, digérant le fantastique riz (cuit avec du lait de coco et des haricots) offert plus tôt par la très accueillante tante (Tante Elsa) de Jean Marie, l'ami de Marie, nous avons flâné, acheté quelques souvenirs autour du Champs de Mars. Aucun regard, aucune parole ou attitude inquiétante. Retour en taxi et tap-tap après un deuxième passage à l'Oloffson pour déguster un vrai jus de mangue et citron vert. Alors, je préfère entendre les mots des Haïtiens plutôt que d'écouter les consignes que donnent les ONG à leurs personnels : ne pas sortir seul, interdiction de marcher dans la rue... Deux mondes.
hello eric !
RépondreSupprimersuper ton blog , je ne te connaissais pas ces talents de conteurs .
ton "périple " est détaillé et ton écriture est agréable à suivre
RAM ne me dit rien pourtant je connais la BO du film par choeur ;)
dommage qu'il n' y pas de photos plus détaillées des photos, prends en pas mal si tu veux je pourrais te faire une repro à l'huile (bon de quelques chose de pas trop compliqué non plus , :))
bonnes vacances!
ps impressionnante ta photo du palais presidentiel..!
* je voulais dire "dommage qu'il n' y ait pas de photos plus détaillées des tableaux" (et non pas des photos off course)
RépondreSupprimerolivier-toulouse-21h48
Salut Olivio de la Mancha,
RépondreSupprimerpour RAM, je crois que c'est la première chanson de le B.O.. Quant aux photos, ne t'inquiète pas tu verras cela au retour car j'en ai pris plein, et des plus détaillées.
Le palais a demi effondré est en effet stupéfiant. Emotions ?
RépondreSupprimerBises,
Sylvain