Photo 1: Il suffira de lire la pancarte. |
Photo 2 : Le lac de Nino (1743m) et la Punta Artica (2327m) à gauche. Le lac est entouré, en aval comme en amont des fameuses pozzines (pozza en italien veut dire flaque). |
Photo 3 : Les toilettes, bien encadrées du refuge de Tighiettu. En arrière plan, la vallée que l'on doit remonter pour atteindre le Monte Cinto. |
Là, face à lui, en amont d'un petit promontoire rocheux, vers l'aval, plein sud, il peut observer une belle vallée pastorale, dont les courbes du cours d'eau chaloupent harmonieusement. Le carillon d'une vache, le bêlement des mouflons dans la montagne, les ruines d'une bergerie en contre bas près du torrent, tout y est ou presque. Le vert donne des teintes fluorescentes. Puis les pâturages, ici aussi, sont colonisés par les formations arbustives qui révèlent le fort déclin de l'emprise pastorale, comme le lui a confirmé, le gardien, un peu désabusé. La vallée du Haut Asco, la veille dans l'après midi, était un peu dans cette ambiance, sauf que la forêt de pins a nettement repris, effaçant presque l'ancienne piste de ski, où trônent les pylônes rouillés du teleski. Mais apparemment, le projet de ré-ouvrir serait pour l'année prochaine, d'après quelqu'un qu'on y a rencontré. Cela semble conforté par les travaux de réfection et d'amélioration des bâtiments. Le troupeau de brebis redescend de la ligne de crête (partage des eaux). Le site du refuge est vraiment beau, aux sources du Golo, sous les grès et conglomérats de la majestueuse Paglia Orba (le rocher nu? sans couvert végétal). Son ascension est d'une grande tentation pour le lendemain matin alors on s'enquiert au gardien :
- C'est facile de grimper à la Paglia Orba?
- Oh, il faut s'aider des mains, mais c'est pas trop difficile.
- Et le chemin est cairné?
- Non, sinon, tout le monde monterait là-haut. Et les gens font n'importe quoi.
- (sur un ton faussement provocateur) Et vous pensez que je peux y aller?
- Eh...Je ne sais pas!
Tant pis, je n'irai pas et ça n'enlèvera rien à l'harmonie du lieu, d'autant plus que toute la soirée, jusqu'à la nuit, une jeune allemande en short fuchsia, immobile, fort gracieuse, est là, sur un rocher à admirer le paysage. Et moi, c'est elle que j'admire alors, oubliant la montagne corse, ou plutôt rehaussant celle-ci d'une touche sensuelle. Ahhh... Je la regarde de temps en temps pour bien comprendre, qu'elle... ne me regarde pas.
- Ah ouais, c'est ça. Tu me regardes pas et bien tu vas voir, demain je double l'étape et tu ne me reverras plus.
Monte Cinto et de finalement changer mon itinéraire en suivant. Je suis revenu par le refuge de Tighiettu où j'avais passé la nuit. En allant commander un coca, le gardien très agréable, m'a reconnu car je lui avais demandé la veille des renseignements sur l'itinéraire vers le sommet, et m'a demandé des nouvelles. Il était entouré de deux personnes de son âge plus ou moins un peu plus de la cinquantaine, qui tous discutaient. L'ambiance était paisible et agréable et je ne crois pas les avoir dérangés car ils m'ont parlé de pêche, de truites et même d'anguilles qui apparemment remontent jusqu'ici. A un bon rythme, en cinq heures de marche environ, on peut donc gravir le point culminant de l'île en remontant le vallon de Crucetta. D'abord en suivant le tuyau d'alimentation en eau du refuge comme me l'a dit Jean Marc le muletier et que j'ai retrouvé avec grand plaisir à Vaccaghia (où nous avons aussi discuté de Kilian Jornet, le prodige catalan de trail dont il avait lu le dernier livre), pour arriver au col du même nom, et qui, par un sentier cairné rejoint des balises jaunes de l'itinéraire de la face nord, pour atteindre le sommet. Le panorama est peut-être le plus beau de l'île même si les points de vue le long du Gr sont nombreux et remarquables, sur les deux versants et les deux mers, ou encore depuis le refuge d'Asinao, au pied du Monte Incudine face aux aiguilles de Bavella.
Car s'il est un fait que les étapes du Gr20 m'ont paru trop courtes, et pour beaucoup d'autres aussi, même s'il y a un certain engagement, entre randonneurs cela devient parfois le seul sujet de discussion : alors vous avez doublé aujourd'hui? Cela peut être pour le moins pénible. L'absence officielle de possibilités de camper en dehors des aires de bivouac aménagés près des refuges du Parc naturel régional oblige à ce genre de comportement. Une pratique de la montagne hyper encadrée, sécurisée (car c'est vrai qu'il y a des passages engagés dont les aménagements, comme dans le cirque de la solitude, ne sont pas un luxe si on veut attirer un public large) qui, certes, amène à la montagne des personnes qui n'y auraient pas eu accès comme cela mais, en même temps, est une entorse à la pratique libre de la montagne. Et puis, face au succès, il faut bien encadrer la grande fréquentation et ne pas laisser tout ce monde faire n'importe quoi, n'importe où.
Photo 5 : La chaise du gardien du refuge de Paliri, le dernier avant Conca. |
Photo 6 : T'inquiètes pas, je ne viendrai pas te perturber. Je suis venu chercher la sérénité ici. Sous le sommet de la Pointe de Pinzi Corbini (2021m), sur la variante venant du refuge de Petra Piana. |
- Et en plus, on ne vous l'a pas dit, mais la douche est froide au refuge de l'Onda.
- Mais c'est partout pareil.
- Ah bon! Mais on me l'a pas dit!
Comme les rencontres, qui font que lorsqu'on arrive au bout, et que toutes les personnes que l'on a côtoyées et accompagnées, à Conca, après le dernier verre, à la terrasse du café, sur lequel est adossé la pancarte mentionnant l'arrivée du sentier, se séparent, on se retrouve un peu seul tout d'un coup. Le sentier a pris le dessus sur la montagne proprement-dite même si celle-ci est toujours présente. Je n'avais pas prévu de faire le Gr en entier d'un coup, et puis... Et puis forcément, je me suis trouvé à court d'argent juste avant d'arriver à Vizzavona où, finalement un peu déçu, je devais prendre le train pour le premier distributeur dans la vallée et y passer la nuit pour reprendre le lendemain le chemin. Mais la montagne sait être généreuse. Devant gravir le Monte d'Oru (le mont d'or bien nommé) juste avant de redescendre vers la gare, un peu avant le sommet, à une heure très matinale, après avoir traversé un troupeau de chèvres, sur lequel le bouc veillait, en baissant les yeux au sol, là devant moi, que je n'ai eu qu'à ramasser, deux billets de cinquante euros, pour poursuivre. Chacun trouvera donc sa formule, en gravissant des sommets importants au passage ou pas, et je ne mentionnerai pas le nombre de journées nécessaires à ce voyage (je crois qu'il y a une quinzaine d'étapes officiellement) mais une chose est certaine, c'est la beauté des paysages du début à la fin. Dans l'idéal, tous les refuges mériteraient une pause, comme celui des bergeries de Capanelle, à la station de ski de Ghisoni, où l'accueil a été particulièrement chaleureux. Et la dernière étape, après le massif de Bavella, et l'arrêt au col du même nom pour déguster une part de fiadonu, reste vraiment une étape. Si on n'en a pas assez, il est toujours possible de marcher directement à partir du ferry à L'Île Rousse, en passant par les beaux villages de Balagne comme San Antoninu pour se rendre à Calenzana par des chemins balisés (un peu moins après Muro) ou de poursuivre jusqu'à Santa Lucia de Porto Vecchio. Au passage, on observera les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale, et on constatera à quel point la Corse a payé un lourd tribut.
Photo 7 : Départ matinal avant six heures (comme presque tous les jours) du refuge de Prati et vue sur la plaine orientale. |
En attendant, la lecture du livre Montagnes de la Corse, 100 itinéraires vers les sommets, de J.P.Quilici, F.Thibaudeau et S.Pennequin, chez Milan, pourra faire patienter de manière agréable.
Et spéciale dédicace à Jean-Luc et Jonathan avec qui j'ai partagé une bonne partie du parcours.
Liste des étapes :
1- L'Île Rousse (0m) - San Antonino - Muro - Zilia - Calenzana (240m).
2- Calenzana - Refuge de l'Ortu di u Piobbu (1570m) - Refuge de Carozzu (1270m).
3- Refuge de Carozzu - Cirque de la solitude (2183m) - Refuge de Tighiettu (1700m).
4- Refuge de Tighiettu - Monte Cinto (2710m) - Refuge Ciuttulu di i Mori (1991m).
5- Refuge Ciuttulu di i Mori - Station de ski de Vergio (1420m) - Bergeries de Vaccagghia (1600m).
6- Bergeries de Vaccagghia - Punta alla Porte (2313m) - Pointe de Pinzi Corbini (2021m) - Refuge de l'Onda (1430m).
7- Refuge de l'Onda - Monte d'Oro (2389m) - Vizzavona (980m) - Bergeries de Capannelle (1590m).
8- Bergeries de Capannelle - Col de Verde (1289m) - Refuge de Prati (1820m).
9- Refuge de Prati - Punta Capella (2041m) - Monte Furmicula (1981m) - Monte Incudine (2134m) - Refuge d'Asinao (1536m)
10- Refuge d'Asinao - Col de Bavella (1218m) - Conca (210m)
Toujours de belles excursions bien racontées !
RépondreSupprimerSarah Marques
Merci Sarah, toujours un petit mot qui fait plaisir!!!
Supprimer