En remontant la vallée de la Durance pour se rendre à Briançon dans les Hautes Alpes, cette vallée de Fressinières qui débouche sur la rive droite juste en amont de Mont Dauphin pourrait presque passer inaperçue. Alors la première fois que l'on m'y amena pour visiter le magnifique lac de Faravel par une fin de journée d'été, j'ai ressenti comme un véritable coup de foudre... Sur une longue partie de la remontée de la vallée en voiture pour se rendre au parking terminal (1432m) sous le village de Dormillouse (à 1730m), le sommet du Grand Pinier, à 3117 mètres d'altitude, est constamment visible et domine la vallée complètement boisée de ces formes peu agressives qui m'ont fait parfois penser à l'Aragon. En cette fin de journée, le contraste entre le sommet et le versant supérieur bien illuminés et le fond de la vallée plus sombre et frais était assez saisissant.
|
Photo 1 : Vue sur le lac Palluel sur l'itinéraire de la montée au Grand Pinier. Ainsi le lac Palluel (2472m) est un lac de surcreusement glaciaire, barré par un verrou rocheux. (Le creusement érosif dû à la glace laisse une cavité plus profonde (on parle de surcreusement) que s'il avait été causé par de l'eau liquide. Lorsqu'un verrou, constitué par des roches plus dures, plus résistantes à l'abrasion, tend à bloquer l'écoulement d'un glacier, la glace qui continue à s'accumuler en amont, creuse, affouille, érode dans les roches les plus tendres. |
|
Photo 2: Départ matinal donc...
|
|
Photo 3: L'itinéraire pour le Grand Pinier passe sur la crête au dessus des vestiges de glaciers depuis disparus... |
J'avais choisi pour la fois suivante, ce 17 août, d'aller dormir au lac Palluel à 2468 mètres d'altitude, directement sous le sommet du Grand Pinier dont l'ascension a été entreprise à une heure très matinale le lendemain pour être de retour à la tente avant 9 heures, heure fatidique de fin d'autorisation de bivouac par le parc. Nous sommes dans le périmètre du parc national des Écrins. Mais c'est ainsi parfait car la tente pourra un peu sécher en attendant, et si elle ne l'est pas totalement on pourra envisager de faire un plouf dans le lac. On aura de toute façon pas oublié la veille en montant d'être allé rendre visite en fin d'après midi à nouveau au lac Palluel un peu plus bas et distant d'une trentaine de minutes. Entre les deux vous trouverez un étonnant champ de cairns. Mais il faudra tout d'abord se sortir du parking très fréquenté et commencer la montée dans la forêt de mélèzes avant d'en sortir vers 2000 mètres d'altitude. Jusqu'aux lacs c'est balisé. La fréquentation peut être importante dans la journée mais une grande partie des visiteurs se contente d'aller visiter le village de Dormillouse (300 mètres au dessus du parking). Alors ce soir là, il n'y avait qu'une autre tente au bord du lac. On retrouvera les deux campeurs au sommet le lendemain matin. Il n'y avait d'ailleurs que nous. L'itinéraire d'ascension depuis le fond du lac est balisé de cairns et ne présente aucune difficulté technique (ça n'engage que moi). Le panorama était à proprement grandiose, notamment vers le sud, jusqu'aux massifs du Luberon, Ventoux, la Haute Provence, le Mont Viso, les montagnes du Queyras et Rochebrune en face. Vers le nord, le massif des Écrins, avec notamment le Pelvoux, imposant, cachait la suite. Et bien sûr, directement au pied l'écrin du lac Palluel. Enfin, le départ matinal aura permis de croiser la route d'un beau chamois qui est resté quelques minutes à une cinquantaine de moi tranquillement, et d'en apercevoir deux au dessus qui regardaient le versant depuis le haut de la crête qui domine par le sud le lac de Palluel.
|
Photo 4: Le lac de Palluel au retour de l'ascension, avec au premier plan les champs de linaigrettes de Scheuchzen (eriphorum schenchzen). Il y en avait autant au lac de Farafel.
|
|
Photo 5 : Le lac de Farafel, vu depuis le sentier montant au lac de Palluel |
On redescendra tranquillement sans manquer d'aller visiter le village de chalets de Dormillouse en arrivant aux Romans puis en descendant aux Escleyers en passant devant le temple (car ce sont des communautés vaudoises installées là depuis probablement le 13ème siècle) datant du milieu du 18ème siècle. On se sera même arrêté au gîte L'écrin de Violette, à l'accueil bien amical, pour prendre une bière locale (après avoir montré patte blanche bien sûr, ou plutôt le pass sanitaire...) et même s'il n'est que 11 heures du matin! De là, la vue plein sud, sur la vallée du torrent de Ruffy, les crêtes des Uvernaus, ou tout simplement la forêt en face sous la tête de Gramusat est admirable. On pensera plus tard en regardant les photos de l'exposition dans le temple que la forêt a bien repris de la vigueur (c'est un doux euphémisme...). Au 19ème siècle, la ressource en bois de ces communautés était devenue tellement rare (en gros il n'y avait plus de forêt), que les habitants du village faisaient cuire au four le pain une fois par an seulement. On peut voir la photo des étagères sur lesquelles étaient rangés les fameux pains. On aura bien compris simplement que ces communautés étaient devenues trop nombreuses pour vivre par rapport aux ressources possibles du secteur. C'est une problématique générale à tous les massifs montagneux européens quasiment. Parfois, les neiges précoces de septembre endommageaient ou anéantissaient les plans de seigle pas encore à maturité pour la récolte. Au maximum démographique, la population était de quasiment 300 habitants, avec son école bien sûr. Finalement à la fin de ce siècle seront organisées des migrations communautaires vers l'Algérie coloniale pour proposer une vie meilleure à tout le monde et à décharger ceux qui restent. Mais cela ne suffira pas à ces communautés, dont le village n'est pas joignable par route encore aujourd'hui. C'est le seul lieu habité du parc d'ailleurs. Il restera une trentaine d'habitants après la Seconde Guerre mondiale. Alors la visite de ce village fait partie intégrante de la ballade. On pourra même pour éviter la fréquentation indéniable de ce secteur descendre par le chemin d'hiver. Chemin qui sert bien sûr pour les randonneurs à raquettes ou ski qui viennent dormir aux gîtes l'hiver. J'avoue que je reviendrais bien avec la neige.
|
Photo 6 : Devant le gîte de L'écrin des violettes... |
On pourra lire pour aller plus loin de Philippe Massé, Dans les pas d'Émile Niel, La leçon de Dormillouse, aux éditions du Queyras. C'est le récit de l'expérience de cet instituteur qui resta de nombreuses années dans ce lieu.
|
Photo 7 : La photo de la carte de l'itinéraire à l'entrée du sentier sur le parking... |
|
Photo 8 : Au sommet avec une vue vers le nord. Le Pelvoux est à droite... |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire