dimanche 15 janvier 2023

Même au Musée d'Orsay (exposition sur la peintre Rosa Bonheur) et sur Arte (Les Pyrénées secrètes)...

    L'exposition au musée d'Orsay à Paris des peintures de Rosa Bonheur qui se terminait aujourd'hui nous aura permis d'admirer quelques productions dont le dénominateur commun était les Pyrénées. Près de 200 oeuvres de l'artiste étaient donc rassemblées à l'occasion du bicentenaire de sa naissance (1822-1895), et même si elle a surpassé dans son domaine, la peinture animalière, bon nombre de ses confrères masculins, et qu'elle fut une femme libre et libérée (symbole notamment pour l'émancipation des lesbiennes) et que ce n'était pas facile à cette époque, je dois avouer que j'étais venu uniquement pour ces toiles-là et que je ne  connaissais pas l'artiste avant. 

Photo 1: On admirera autant le talent du photographe que celui de la peintre...

    Son talent de portraitiste animalier est évident car elle capte l'âme des animaux qu'elle peint et dont on peut sur beaucoup de ses productions voir le regard singulier et significatif de ceux-ci, en toute discrétion, ce qui donne à ses tableaux finalement beaucoup de vie. Ce que j'y ai trouvé d'intéressant aussi, notamment concernant ceux ayant pour cadre les Pyrénées, mais beaucoup d'autres aussi, c'est que cela rendait la montagne vivante, ne la cantonnant pas dans une image romantique et solitaire, autrement dit "sauvage". Il est vrai qu'elle fait un magnifique paysage du cirque de Gavarnie solitaire qu'elle intitule simplement Paysage de montagne (28x51,2 cm, Musée départemental des peintres de Barbizon), mais le Pyrénéiste averti l'y reconnaitra sans doute avec sa cascade. Dans le livre relatant l'exposition vendu à la boutique du musée, après le titre du tableau, il est d'ailleurs écrit "[Les Pyrénées]". Pour les autres, notamment Moutons au pâturage dans les Pyrénées (huile sur toile, exposée normalement au Dahesh Museum of Art de New York), le portrait des bêtes n'enlève en rien à la beauté des montagnes en arrière plan et la présence des humains aux alentours. Pour celui-ci le jeune berger est là, discret au second plan, assis et perché sur un rocher au soleil en train de surveiller les bêtes paisibles, dont certaines se reposent à l'ombre près d'autres rochers comme elles ont l'habitude de faire dans ces moments de chaleur-là. 

Photo 2 : Muletiers des Pyrénées... L'affluence à l'exposition était telle que ce ne fut pas toujours simple de prendre la photo comme il faut en étant seul bien devant...

    Enfin, dans le dernier Muletiers des Pyrénées (1879, huile sur toile, 66x82,3 cm, conservé au Aberdeen Archives, Gallery and Museums), on retrouvera au premier plan les deux mules chargées accompagnées d'un muletier assis à l'arrière ainsi que deux autres qui arrivent sur le sentier un peu plus loin, montrant une montagne vivante. À l'arrière plan toujours, légèrement enrobée de nuages, on retrouve la montagne majestueuse, qui personnellement m'a fait penser à une reproduction la face nord du Vignemale mais avec un caractère alpin et austère nettement moins accentué. Un autre tableau Muletiers espagnols traversant les Pyrénées (117x200 cm, huile sur toile, 1857), non présent dans l'exposition reprend le même thème, et nous fait dire que dans celui exposé au Musée d'Orsay, les muletiers représentés sont probablement espagnols, atténuant le côté barrière sauvage d'un massif qui a toujours été traversé. Au Musée Condé de Chantilly, on retrouvera aussi une scène pastorale avec le beau Berger des Pyrénées donnant du sel à ses moutons (1864, huile sur toile, 68x100 cm), ces derniers de race basco-béarnaise certainement. Le Sevrage des veaux (1879, 66x82m), prêté par le Metropolitan Muséum of Art de New York est aussi exposé sans que l'on sache si les montagnes représentées sont les Pyrénées. Un dernier Berger des Pyrénées est exposé (1888, huile sur toile, 60x81 cm) au Brigthon Museum and Art Gallery en Angleterre. Les Pyrénées restent visiblement donc une destination importante de ses voyages (principalement en France mais aussi en Écosse) dans laquelle elle semble ressentir la beauté grandiose des montagnes et où elle peut étudier à sa guise les animaux, notamment les ânes ou les moutons qu'elle affectionne tant et qu'elle a peint en beaucoup d'autres endroits. Elle vient dans le massif notamment en 1850 pour aller aux thermes de Luz Saint-Sauveur (65) et y retournera plusieurs fois.

Photo 3 : Ça ressemble au Cirque de Gavarnie tout de même! Qu'est-ce que vous en pensez?

    Cette idée de montagne humaine vivante, ce n'est pas tout à fait le créneau choisi par la réalisatrice du trytique documentaire, Alwa Deluze et son conseiller technique à la réalisation Gregory Ortet. Comme son nom l'indique Les Pyrénées secrètes (visible sur Arte jusqu'au 18 janvier 2023) insiste davantage sur la caractère sauvage de la montagne, dont la sauvagerie serait indéniablement abîmée par les humains, en proposant un découpage en trois épisodes donc : La genette, discrète du Piémont, L'ours le roi des forêts ancestrales et Le gypaète barbu, corsaire des cîmes

Photo 4: Une capture d'écran, Arte le 15 janvier 2023

    Plus qu'un documentaire animalier, il s'agit ici davantage peut-être d'un discours sur la nature avec forcément, puisqu'il s'agit d'un exercice d'écriture, un parti pris intellectuel. À la fin du premier épisode, on pourra entendre "Il est temps de rentrer, de rendre ce monde à lui-même. Vous repartez avec un savoir, un fragment des Pyrénées au fond de vous. La nature parle. Elle parle une langue universelle, une langue d'où nous venons et qui nous échappe. La nature est un monde, le monde sauvage où se confondent notre humanité, le monde premier où germe notre liberté. Et vous savez que demain à nouveau vous repartirez dans la montagne." Il est évident que le choix de l'animal totem de ce premier épisode, la genette, peut être discutable d'un point de vue "naturel" puisqu'il n'est pas dit dans le film qu'il n'est pas endémique aux Pyrénées. Il aurait été importé en effet par les romains ou les arabes d'abord comme animal de compagnie depuis le Maghreb. Il n'est pas dit également que sa présence est attestée sur quasiment tout le territoire français avec une présence permanente dans un grand quart sud ouest de la France. Qu'on soit d'accord avec ce discours ou pas, que l'on pense que la nature existe ou pas, il reste que ce film est attachant de par la mise en scène poétique de cette quête de la genette qu'on finit par trouver sur son arbre (car elle est arboricole), car c'est vrai qu'elle est discrète (et gracieuse), et que cette quête nous fait également découvrir les autres habitants qui cohabitent dans ce piémont (les renards, les sangliers, les chevreuils, les blaireaux, la petite belle ou belette et autres noms d'oiseaux...). De part l'origine des deux réalisateurs, on retrouvera également de nombreuses prises de vue du Comminges, de la région de Salies du Salat, avec notamment l'attachant lac de Touille et ses colverts ou poules d'eau, dominé par le pic de Cagire ou le massif de Paloumère. 
    Alors, lorsqu'une visite vous mènera au Musée national du Moyen-Âge de Cluny à Paris, pour admirer la fameuse série de tapisseries de La Dame à la licorne, vous ne pourrez peut-être pas vous empêcher, surpris, en observant celle intitulée le Goût, en observant le bestiaire, de vous exclamer heureux presque avec émotion: - Ahhh... une genette (en haut à gauche...)
    Pour aller plus loin concernant la genette vous pouvez lire l'article de Virginie Muxart, Essai sur la valeur symbolique de la genette dans la littérature et l'art médiéval occidental, tiré du livre L'animal symbole de Marianne Besseyre, Pierre-Yves Le Pogam, Florian Meunier.


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