En cette fin d'automne, alors que la neige a recouvert les pentes, on aura pu facilement trouver le temps pour aller découvrir trois films dont l'histoire se déroulait en montagne et qui étaient à l'affiche dans les salles obscures toulousaines. Deux se déroulaient dans les Alpes, Les huit montagnes (celui-ci en avant première en fait) et Les Engagés, et un dans les Pyrénées Pétaouchnok. Chacun dans un style et registre différents et au-delà des paysages montagnards mis en scène, faisant une belle vitrine pour les collectivités locales et offices du tourisme locaux qui ont bien compris l'intérêt de soutenir ces réalisations, un fil directeur pouvait être facilement trouvé, celui de valeurs aujourd'hui peut-être bousculées, la fraternité et la solidarité, valeurs que l'on trouvera facilement dans l'imaginaire collectif montagnard.
Photo 1 : Sur les remparts de la citadelle de Briançon réalisée par Vauban. En arrière plan, un peu flou, et menaçant, ce doit être le Pelvoux... |
Dans Les Huit montagnes de Félix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch, adapté du roman éponyme de Paolo Cognetti, il s'agit plutôt d'une histoire d'amitié profonde entre deux jeunes garçons qui évoluent jusqu'à l'âge adulte. Inspiré du roman, avec la participation technique de l'auteur, le film a pour cadre les magnifiques montagnes du Val d'Aoste italien, les Alpes pennines qui séparent ce dernier du Valais suisse et dans lequel se trouve donc le petit hameau de Graines du roman. Aujourd'hui Paolo Cognetti vit d'ailleurs dans le village de Brusson, commune dans laquelle se trouve le fameux hameau. Ce qui est intéressant dans cette histoire c'est ce que la montagne permet, c'est-à-dire l'histoire d'amitié entre deux enfants isolés car fils uniques, de deux milieux opposés (un petit citadin milanais et le dernier enfant du hameau) et également la découverte du père du narrateur ou héros principal sous un autre aspect en être beaucoup plus attentif avec son fils lorsqu'ils se trouvent ensemble dans les hauteurs. En cela, parce qu'elle agit sur les autres, elle est un personnage. Ce qui est intéressant aussi, et contrairement à ce qu'on peut lire abondamment dans la presse critique, il ne s'agit pas ici forcément de l'appel à la nature. L'histoire se déroule dans un contexte de déprise pastorale et rurale. Dans une scène où Bruno vient à la rencontre des amis citadins de Pietro et une discussion s'engage entre eux sur les beautés et bienfaits de la nature, Bruno rappelle alors que la nature il ne connaît pas et qu'il utilise d'autres mots pour décrire ce qu'il voit et pratique... des prés, des forêts... mais de nature point. On pourra alors reprendre l'article de Francesco Fedele dans le numéro 16 (2002) de la revue L'Alpe, dont le titre iconoclaste est sans équivoque La nature n'existe pas. À défaut d'interpréter cette scène ainsi, voici des réalisateurs qui ne se posent pas dans un paradigme réducteur d'opposition nature culture. En tout cas, je l'ai interprété ainsi, sans qu'il faille renoncer à être respectueux de ce milieu dit naturel. Enfin, bien sûr, l'auteur, héros du film, ... parcourt aussi l'Himalaya (et là aussi la montagne est belle..) mais surtout il en revient avec cette question des huit montagnes. Je préfère alors à ce niveau reprendre un extrait du texte original du roman, dont le passage est mis en scène à la fin du film:
"Il me demanda pourquoi je m'intéressais à l'Himalaya. J'avais déjà la réponse toute trouvée à cette question: je lui dis qu'il y avait une montagne sur laquelle j'avais grandi, à laquelle j'étais très attachée, et qu'elle m'avait donné envie de voir les plus belles, à l'autre bout du monde.
"Ah, dit-il. Je vois, tu fais le tour des huit montagnes.
- Quelles huit montagnes?"
L'homme ramassa un petit bâton avec lequel il fit un cercle dans la terre. Le motif était parfait, on voyait qu'il avait l'habitude de le dessiner. À l'intérieur, il traça un diamètre, puis un deuxième, perpendiculaire au premier, et puis un troisième et un quatrième le long des bissectrices, obtenant ainsi une roue à huit rayons. Je me dis que si j'avais voulu arriver à une figure comme celle-là, je serais parti d'une croix, mais c'était typiquement asiatique de partir d'un cercle.
"Tu as déjà vu ce dessin? me demande-t-il.
-Oui, lui répondis-je. Dans les mandalas.
-Exact, dit-il. Nous disons qu'au centre du monde, il y en a un autre, beaucoup plus haut: le Sumeru. Et autour du Sumeru, il y a huit montagnes et huit mers. C'est le monde pour nous."
Tout en disant ces mots, il traça à l'extérieur de la roue une petite pointe au dessus de chaque rayon, puis une vaguelette d'une pointe à l'autre. Huit montagnes et huit mers. À la fin, il entoura le centre de la roue d'une couronne qui devait, pensai-je, être le sommet enneigé du Sumeru. Il jaugea son travail un instant et secoua la tête, comme s'il avait déjà fait mille fois ce dessin mais avait un peu perdu la main dernièrement. Il planta quand même son bâton au centre, et conclut : "Et nous disons: lequel des deux aura le plus appris? Celui qui aura fait le tour des huit montagnes, ou celui qui sera arrivé au sommet du mont Sumeru?"
Nous n'irons pas jusqu'à dire que dans ces huit montagnes se trouveraient les Pyrénées... Dans la comédie Pétaouchnok, ce lieu imaginaire censé se trouver loin, Édouard Deluc nous emmène dans les Pyrénées donc, orientales pour être précis, à la suite d'une bande de randonneurs partie avec une agence de voyage nouvellement montée par deux amis un peu en nécessaire remise en cause... Pour arriver au bout de leur périple semé d'embûches il va falloir faire preuve là aussi de solidarité... Ça ferait un peu les randonneurs dans les Pyrénées, et si parfois, on pourrait avoir envie que nos promeneurs arrivent plus vite, il reste que les acteurs, et Pio Marmaï en tête, jouent bien et on se dit qu'ils ont dû passer de bons moments à tourner ce film et au final, on passe nous aussi un agréable moment. Car il s'agit bien sûr pour ces randonneurs en herbe lors d'un cheminement de plusieurs jours de se découvrir, au sens propre, en se baignant dans les lacs d'altitude (ici on devinera le pour moi si beau lac de Pradeilles...) comme au sens figuré surtout... À noter qu'en 2009 déjà, dans le film J'ai oublié de te dire, de L.Vinas-Raymond, avec O.Sharif, quelques scènes de l'histoire du film se déroulent au bord de ce lac. Mais comme toute histoire, ou presque, qui se déroule dans les Pyrénées, il faut que l'ours apparaisse à un moment donné même si on a pu oublier qu'il y en avait eu dans les Alpes aussi (et ailleurs), en Vanoise, jusqu'aux années 20 et que le dernier a été tué dans le Vercors en 1937. Ainsi notre plantigrade est encore le garant principal d'une place encore forte de la nature dans notre massif. D'ailleurs il est présent de manière amusante sur l'affiche du film. Là aussi, voici un formidable outil de communication alors que le film nous montre effectivement de beaux espaces montagnards, étages alpins et sub-alpins et que les connaisseurs reconnaitront forcément à un moment donné les sommets du Carlit, du Péric, les étangs évoqués ci-dessus déjà, les environs des stations de ski des Angles, du lac de retenue de Matemale dans ces Pyrénées catalanes bien mises en scène pour le tourisme.
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