Au Musée de Minéralogie de Paris, créé en 1794, au 60 boulevard Saint-Michel, on sera frappé, alors qu'on accède depuis le vestibule de l'hôtel du 18ème siècle, au premier étage, aux salles d'apparat et d'exposition permanente de la fantastique collection du musée, par les deux monumentales fresques peintes sur les murs de la cage de l'escalier. Une de celles-ci représente le Mont Blanc, vue du Cramont et l'autre le cirque de Gavarnie dans les Pyrénées. Ces fresques murales, sont des tableaux de Claude Sébastien Huguard de la Tour, peintre paysagiste savoyard formé à l'école de Genève dans les ateliers d'Alexandre Calame et François Diday, les deux grands maîtres du paysage suisse de la fin du 18è et du début du 19ème siècle. Ils représentent le "spectacle de la nature" et ont été réalisées en 1855. L'auteur en dix représentations souligne l'humilité dont doit faire preuve le peintre. Duffrenoy, directeur de l'école des Mines et auteur avec Elie de Beaumont de la première carte géologique de France, écrit au ministère en janvier1855 "Les tableaux ne pourraient avoir de l'intérêt qu'à condition de réunir une belle exécution artistique et une grande véracité géologique". L'auteur sera d'ailleurs envoyé sur place à cet effet entre 1852 et 1853 pour prendre la mesure des lieux, même s'il connait la vallée de Chamonix. Ces réalisations avaient aussi des vertus pédagogiques pour les étudiants qui pouvaient ainsi avoir des modèles sur place au sein de l'école. Ces deux fresques sont monumentales, et l'effet est renforcé par l'emplacement dans la cage d'escalier dont le volume, je trouve, accentue leur rayonnement. Il est évident que les étudiants pouvaient être impressionnés, à une époque où il n'y a pas encore de photographies, par ce que cette représentation pouvait rendre de la grandeur du site. Ces paysages offrent donc une vue commode pour l'observateur. Les personnages puis le village de Gavarnie au premier plan restent écrasés par la taille des parois, la hauteur des versants et le volume du cirque. On trouvera une version huile sur toile (53cmx69cm) au musée des Beaux Arts Salies de Bagnères de Bigorre dans les Hautes-Pyrénées. Pour celle du Mont-Blanc, le musée alpin de Chamonix-Mont-Blanc accueille une vue comparable (huile sur toile de 71x88cm), mais l'observateur averti aura bien vu les différences.
Photo 1 : Les deux fameuses fresques |
Avec une collection exceptionnelle d'environ 100 000 pièces, dont plus de 4000 sont exposées dans les vénérables vitrines (tables horizontales ou étagères murales), elles-mêmes classées au registre du patrimoine national, on peut évidement se dire que l'on trouvera quelque chose concernant les Pyrénées. Effectivement, des échantillons des différents marbres (avec aussi leurs vieilles étiquettes ce qui donne un charme indéniable) de Vielle Aure, Gèdre ou de Barèges dans les Hautes-Pyrénées sont exposés. Mais on dénichera également, en s'étonnant malgré tout de la diversité, de la Marialite de l'étang de Lers en Ariège, de l'Axinite du pic d'Arbizon, ou de la Chalchantite (bleue) de Canaveilles dans les Pyrénées Orientales. Mais si autant des cartes géologiques des principaux massifs montagneux français sont affichées aux murs des salles d'exposition, on ne trouve pas celle des Pyrénées.
Il reste que la collection est exceptionnelle et que chacun, en se promenant sur le parquet, le long des vitrines, pourra y trouver la beauté du monde et de la France ou des formes extravagantes, même des petits morceaux directement venus de la Lune ou de Mars, par des itinéraires qui peuvent apparaître insolites au novice. J'ai particulièrement apprécié la Lazurite, bien souvent extraite des montagnes afghanes, qui est un constituant du Lapis-Lazuli et qui donnait le si rare et exceptionnel à l'époque bleu outre-mer dont la valeur à certaines périodes était plus élevée que celle de l'or, tellement exorbitante qu'elle était réservée aux seules représentations des vêtements de la vierge ou du roi de France. Cette collection pourrait réveiller les plus blasés tant la variété des formes, des couleurs et des associations des deux est grande. On pourra alors retourner serein sur sa colline de Belleville, non loin de la rue des Pyrénées et refaire le voyage à travers la toponymie des rues (de la mare, des cascades ou des rigoles) et s'imaginer quelque part dans une vallée d'une montagne château d'eau. On repensera peut-être aussi à l'opale de Ménilmontant observée dans les vitrines du musée.
Photo 2: Petit échantillon de l'immense diversité de la collection |
Photo 3 : Le cirque dans toute sa splendeur |
"Nul besoin d’être géologue ni même scientifique pour oser franchir le seuil de cette prestigieuse école des mines et profiter de ce magnifique musée de minéralogie. Il suffit d’un peu de curiosité ou encore être sensible à l’esthétique pour être conquis : les formes symétriques de certains minéraux automorphes comme la halite ou la staurotide en macle en Saint André rassureront les plus cartésiens tandis que les plus fantaisistes pourront davantage apprécier les formes surprenantes d’autres comme l’opale de Ménilmontant ou encore la sépiolite de Turquie aux courbes sensuelles. Place à l’imagination face aux divers échantillons : les formes arrondies de la malachite nous rappellent les grands fonds marins, les couleurs vives du souffre ou de la lazurite nos peintures d’école, le granite orbiculaire un chapelet d’œufs de grenouille, l’opale du Mexique un tableau de Miro, une fluorite de Giromany ou une pyrite une sculpture de César ...
Nous voilà au détour d’une vitrine dans la cour de Napoléeon III, puisqu’on y trouve les joyaux d’émeraude de sa Couronne Impériale, au bord d’une plage paradisiaque à l’eau couleur de l’ hémimorphite (trouvée dans les Hautes-Pyrénées). Nous envisageons même un embarquement pour la lune voir mars en regardant les météorites…
En plus de ce voyage dans l’imaginaire, nous faisons un saut dans le temps grâce au mobilier 19e qui nous expose ses richesses comme un coffre aux trésors trouvé dans un vieux grenier.
Naturalistes, artistes, rêveurs… il y en a pour tous." (C.B.)
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