jeudi 20 octobre 2022

Sur les chemins de la Retirada, en Catalogne, entre La Vajol et Las Illas.

     Il s'agissait aujourd'hui simplement de marcher dans les pas des milliers de réfugiés républicains espagnols qui ont fui par les montagnes catalanes à la fin de la guerre d'Espagne, entre le 27 janvier et le 9 février 1939, pendant l'épisode que l'on a appelé la Retirada. Ils étaient quasiment un demi million. Autrement dit, nous n'étions pas ici pour les grands sommets et les vastes panoramas, même si depuis La Vajol (à 540m d'altitude) par temps clair, la vue vers la plaine de Figueras et l'Alt Emporda est tout de même très vaste.

Photo 1: À La Vajol, on assume cet héritage. "En souvenir de tous les Républicains de la guerre..." Je ne comprends pas toujours pas qu'il n'y ait pas de musée concernant ce sujet à Toulouse. C'est un peu lamentable d'ailleurs...

    Voilà, on vient ici parce que ce chemin est chargé d'histoire et que tout au long de son itinéraire les monuments et les mémoriaux permettent la conservation collective du souvenir de ce fait de l'histoire. Ici donc, par ces anciens chemins de contrebande, sont passés des milliers de réfugiés (civils et militaires) fuyant l'armée de Franco qui acculait la zone car aussi l'itinéraire le plus emprunté, celui du Perthus plus à l'est, était encombré et bombardé. Ici donc, le passage le plus notoire fut celui du président Manuel Azana qui dans la nuit du 5 au 6 février traversa à pied clandestinement dans la neige la frontière en compagnie du chef du gouvernement Juan Negrin Lopezet du président des Corts Diego Martinez Barrio. Ils furent rejoints quelques heures plus tard par le président de la Generalitat de Catalogne Lluis Companys et le président du gouvernement basque José Antonio de Aguirre. Une plaque a été apposée au col le 18 avril 2009. Ils arrivèrent ainsi à Las Illas (Les Illes en catalan car dans cette langue les pluriels sont en -es) sur le versant français, en passant par le col de Lly (à 710m d'altitude, borne frontière 557) et trouvèrent refuge à l'Hostal dels Trabucayres, aujourd'hui sur la placeta de la libertat, où le président mangea une omelette avant de repasser la frontière pour faire son entrée officielle en France, qui lui donna le droit d'asile. Une plaque apposée le 14/04/1990 près de l'entrée de l'auberge rappelle bien que "Par ce lieu le 5/02/1939 passèrent, chassés d'Espagne par l'agression nazi(e) fasciste internationale les présidents...". C'était donc un chemin de l'exil car peu d'entre eux ne reviendront un jour dans leur pays. Le président Azana est enterré aujourd'hui à Montauban. Ce chemin servira également en sens inverse pendant la Seconde Guerre mondiale à fuir les persécutions nazies et vichystes par ce que l'on appellera les chemins de liberté.

Photo 2: À Las Illas, en haut du village au débouché du sentier qui descend du col de Lli...

    Au préalable, à La Vajol, au pied de la frontière que domine le pic des Salines (1333m d'altitude), dans les jours précédents, le président et le gouvernement Negrin s'étaient installés dans une grande demeure datant 19ème siècle à un kilomètre du village "Can barris". Autour de La Vajol, ils cachèrent dans une mine à l'écart les réserves d'or de la banque d'Espagne ainsi que des tableaux du fameux Musée du Prado de Madrid. On aura aussi pu voir, près du parking à gauche à l'entrée du village, un peu à l'écart, le monument dédié à l'exil avec les deux statues de deux réfugiés Mariano Gracia et sa fille unijambiste Alicia arrivant à Prats de Mollo (une autre vallée plus à l'ouest et plus haute en altitude par laquelle les réfugiés ont pu passer) et reprenant la célèbre photo de Roger Violler publiée dans l'hebdomadaire L'illustration.

Photo 3: On est quand même dans la montagne... Pour l'évocation de la montagne et cette guerre, on pourra lire le très beau roman de Irene Solà Je chante et la montagne danse. Vue en remontant vers le col de Manrell.

    Il est donc aujourd'hui possible de reprendre cet itinéraire finalement assez court puisque deux petites heures (en étant large mais cela n'engage que moi) seront suffisantes pour aller d'un village à l'autre. Au départ, hormis quelques pancartes le chemin n'est pas vraiment balisé ce qui d'ailleurs est très étonnant vu le nombre de sites internet qui parle de cet itinéraire... À partir du croisement d'avec une route qui vient de la gauche, un sentier dans la forêt de pins et de chênes, notamment de nombreux chênes lièges (il faut quand même aller le chercher ce sentier car ce n'est pas indiqué, en remontant sur 30 mètres la route croisée), au milieu des jolis affleurements de granit, permet d'éviter de marcher le long de l'assez large route (un bus pourrait y aller me semble t-il) qui monte vers le col de Manrell. Ce sentier (et la route) arrive sur le parking d'un restaurant et juste après, à gauche, une piste s'enfonce dans la forêt pour rejoindre le fameux col. C'est indiqué de toute façon sur des pancartes (Coll de Lly), ce serait compliqué de se perdre. En croisant des promeneurs avec des sacs remplis de châtaignes vous vous rendrez peut-être compte qu'effectivement on remonte une châtaigneraie et que parfois on se met à penser à la montagne corse. Lorsqu'on passe côté français, on est obligé de rentrer dans un enclos avec des vaches (même si c'est balisé désormais), d'en ressortir un peu plus loin en longeant le grillage d'un enclos qui semble servir de réserve de chasse, dans laquelle on voit bien le surpâturage des sols qui n'ont de sol que le nom tellement ils ont été retournés par les sangliers et autres bestioles. Tout cela pour aller se faire flinguer comme des lapins... Je ne suis pas contre la chasse mais celle pour laquelle on élève des bêtes dans des enclos juste pour qu'un public (urbain de manière générale en France aujourd'hui) vienne dézinguer ces bêtes sans défense, c'est un peu gênant... d'autant plus qu'on privatise, sans droit de passage, une bonne partie du territoire... Bon c'est un autre débat...

Photo 4: En redescendant vers Las Illas...

    Pour le chemin du retour, on aura choisi de passer par le col de Manrell, mais cette deuxième partie de l'itinéraire reste assez décevante malgré le monument au sommet, car il s'agit de remonter d'abord une petite route qui passe dans une sorte de lotissement très peu dense (en passant devant un enclos dans lequel des chèvres et autres biches se promènent). Du col, il n'y a plus aucun sentier qui redescend (malgré ce que peut mentionner la carte sur les panneaux à La Vajol, il a été privatisé) et on est obligé de se farcir la route et ses 3,5 kilomètres pour retourner au village, en bénéficiant toutefois de quelques jolis points de vue. sur la vallée. On pourra tout de même prendre un verre dans le bar près de la mairie et constater encore que les espagnols sont chaleureux avant de traverser le vieux village et d'admirer la jolie et vieille église romane (San Martin de La Vajol), son clocher mur, et ses entrées sur la façade sud coincée entre deux habitations; ce qui lui donne un charme certain.

Photo 5 : La fameuse carte sur laquelle il est possible de localiser les principaux sites évoqués dans le texte (Mina Canta, Can Barris, Monument a la retirada, Col de Lli et col de Manrella avec son monument catalanisant Lluis Companys...)

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lundi 10 octobre 2022

Le pic Posets (3375m), champagne en la "puta cima"...

    C'était lors d'une longue et belle descente assez minérale dans sa première partie, depuis le sommet du pic Posets, dans l'Aragon, pendant la dernière pause à côté du refuge belvédère Angel Orus, sous la menace de l'orage encore un peu lointain, au-dessus de la forêt de tous les dégradés de vert, du plus foncé au plus clair, même en cette fin de saison, parsemée aussi de sorbiers des oiseleurs qui ne faisaient pas qu'enflammer la forêt. La sensation grisante du sac allégé après avoir éliminé tous ensemble les deux kilos de fromage, le champagne bu au sommet sous les échos chantants des basques et des catalans présents (bien sûr je n'ai pas balancé la bouteille vide par-dessus bord), la charcuterie et tout le reste (tente, duvet, matelas...) ... Oui nous étions bien et l'ivresse des sommets n'était pas un vain mot... Un groupe de randonneurs espagnols, visiblement content de terminer la descente, et amené par un accompagnateur de montagne réellement chaleureux, s'est alors approché de nous. 

(Bon qu'est-ce qu'ils veulent encore???) (intérieurement)

- Nous avons trouvé une polaire et un cortaviento (coupe-vent). Ça ne serait pas à vous par hasard?

-Ben... (en se regardant tous) non! Non non...

- Je demande comme ça!

Et puis l'ombre d'un doute... On ouvre le sac... Et on court pour les rattraper... La polaire n'est-elle pas noire?? Le coupe-vent n'est-il pas de la marque ...?

- Et oui! Et oui...

- Muchas gracias muchas muchas gracias (j'avais acheté le coupe-vent trois jours auparavant)... Mais quand même (tout ça en espagnol), vous les avez trouvé où ?

- En la puta cima...

Photo 1 : Depuis le col (vers 3010m) sous la Diente de Llardana, vue en direction du sommet des Posets que l'on devine avec la petite pointe blanche qui dépasse de l'ultime ligne de crête.

Photo 2 : Depuis le sommet, vue sur le versant nord et la crête des pics de la Paul (3078m) et le pic de Bardamine (3079m) juste au-dessus de l'étang de ... (il n'est pas présent sur la carte Alpina au 1/25000). Si le photographe se retourne il verra la ligne de crête qui court par Las Espadas (3328m). En dessous, il trouvera les restes du glacier des Posets sous un monticule de débris minéraux le faisant ressembler davantage à un glacier noir. Sur le versant opposé le glacier de Llardana fait de la résistance.

Photo 4: L'ultime partie de la voie par le canal Fonda. Les parois de droite sont celles de la Diente de Llardana. Celle-ci était vraiment tentante mais la montée soudaine du mauvais temps nous a fait préférer y renoncer. Ce n'est que partie remise. 

   
 Alors effectivement, voici une bonne idée que de boire du champagne à fines bulles au sommet de la deuxième plus haute montagne des Pyrénées! Qu'en plus ce pic Posets est en Espagne et qu'en Espagne souvent les hauts sommets ressemblent à des bodegas car les Espagnols aiment la montagne et qu'ils expriment souvent leur joie d'être là de manière chaleureuse et que cette fois-ci avant que le groupe n'arrive, il y avait quatre jeunes catalans et basques (et nos amis basques et commingeois à nous et G. ) à qui on a offert de partager notre champagne et qui ont donc entonné en cœur un joyeux anniversaire à Guillaume, en basque puis en catalan (ou l'inverse). 

    Alors voilà encore que finalement, la description de l'itinéraire peut apparaître secondaire, que malgré tout le panorama depuis ce sommet en particulier me parait être un des plus beaux des Pyrénées car depuis là, en position centrale, et bien au-dessus de la plupart, presque tous les principaux sommets du Balaïtous au Montcalm, en passant par le Cagire ou le pic du Midi de Bigorre, sont visibles. 

    Monter là-haut prend du temps de toute façon, surtout si vous décidez d'aller bivouaquer au bord du très beau lac de Llardaneta (Llardana signifierait terre brulée) vers 2650 mètres d'altitude en s'écartant de peu de la voie normale en direction des granges de Viados (sur l'autre versant), pour y revenir ensuite le lendemain. Au bout du lac, des aires de bivouac informels ont été aménagés et de là on suivra facilement l'itinéraire pour gravir les pics de la Forqueta en guise de bonus, par l'itinéraire du GR11. Le départ se fait depuis le dernier parking de la cascade d'Espigantosa dans la vallée du rio Eriste au-dessus du village éponyme juste avant Benasque, à 1500 mètres d'altitude (jusqu'au 30 septembre normalement un bus vous y emmène). Tout est indiqué (balises et pancartes et cairns) jusqu'au bout et vous passerez devant le refuge d'Angel Orus déjà cité à 2100 mètres, le canal Fonda qui peut-être enneigé tardivement et sujet à avalanche puis le col sous la Diente de Llardana impressionnante avec ses parois vertigineuses... et enfin le sommet à 3375m (ou 3369m fréquemment sur les cartes espagnoles ou sur la borne du sommet). Voilà si vous le faites d'un seul trait c'est minimum entre cinq et six heures qu'il faudra pour monter seulement même s'il n'y a aucune difficulté technique (ça n'engage que moi...). C'est presque sûr que les bergers et chasseurs ont dû gravir la cime avant les premiers pyrénéistes officiels qu'il n'est pas du coup nécessaire de mentionner (bon allez si quand même H.Halkett avec P.Redonnet et P.Barrau le 6 août 1856). Mais je citerai aussi Patrice de Bellefon dans son classique et beau et éternel Pyrénées, les 100 plus belles courses et randonnées : "Son ascension est longue et monotone. Pourtant on aime à le faire et à pénétrer lentement dans l'intimité de ce grand solitaire. Des glaciers poussiéreux et de vastes éboulis engendrent cette monotonie qui, comme celle des déserts, inspire parfois même une mélancolie qui n'est pas dénuée de douceur."

Photo 5: Une douce mélancolie...

    Les géologues en herbe y trouveront majoritairement sur un socle granitique du schiste et du calcaire d'où peut-être la signification du nom du sommet qui voudrait dire gouffre, puit. C'est vrai qu'au bout du lac où nous avions campé, un petit phénomène endoréique empêchait l'écoulement de l'eau du déversoir du lac d'aller directement dans une mer lointaine. L'ensemble fait partie du parc naturel de Posets-Maladeta.

Photo: Au fond de l'ibon (lac) de Llardaneta, tout le monde (merci à tous) est là... Le pic Posets est au fond quelque part dans les nuages, mais pas de regrets car même par beau temps, on ne le verrai pas...  Pour bivouaquer dans le parc naturel de Posets-Maladeta, il faut être à plus de 2300 mètres d'altitude, planter la tente après 19h et l'enlever avant 8h...



mercredi 5 octobre 2022

Le restaurant haïtien à Toulouse Casa Natachou réouvre...

 Voilà qu'en promenant aujourd'hui rue des Polinaires, j'ai pu croiser à l'entrée de la salle du restaurant haïtien Casa Natachou, Natacha qui m'a bien confirmé que le restaurant allait ré-ouvrir ce vendredi 7 octobre 2022, après une trop longue absence. 

Désormais il ne devrait fonctionner que les fins de semaine (vendredi et samedi soir), mais on est déjà bien content de ça!!!

Voici le numéro pour réserver.  05 62 88 04 26 (j'espère qu'il n'a pas changé...)