samedi 12 octobre 2024

Par la Punta de Gabarro (3114m) et la pique d'Estats (3143m), une traversée de haut vol entre Soulcem et Artigue (09)

     La punta Gabarro (3114m) est cette cime secondaire de plus de 3000 mètres que l'on domine depuis la pique d'Estats en regardant vers le sud. L'itinéraire entre les deux est côté PD+ par Luis Alejos dans Pyrénées guide des 3000 mètres. Il est vrai que l'arrête est assez aérienne et que nous avons, avec N. et L., préféré nous encorder pour un itinéraire d'environ un gros quart d'heure (en fait je fais surtout ce qu'ils me conseillent...). Nous avons cherché alors celui-ci, depuis la punta, sur le versant espagnol qui semblait moins difficile, même s'il fallait bien sûr s'aider des mains, d'autant plus que le versant nord-oriental, bien plus raide, était, hier, gelé et quelque peu enneigé. Cela nous rappelait cette année les fins de saisons d'il y a encore dix ans où à cette altitude la neige était souvent présente et mettait la plupart du temps un terme à la saison estivale vers la mi-octobre. La croix au sommet marque le point culminant de l'Ariège mais aussi celui de Catalogne espagnole. La punta ou pointe Gabarro, qui est un point géodésique de l'Institut catalan de cartographie, a été nommée ainsi en hommage à Pere Gabarro i Garcia, médecin et excursionniste catalan, auteur de la voie qui porte son nom, en 1934, comme une nouvelle voie d'accès à la pique d'Estats par la crête orientale depuis la punta.

Photo 1: L'étang de Canalbone (2503m), juste au dessus du grand lac de la Gardelle.

    Je voulais aller visiter la punta Gabarro aussi parce que, malgré quelques lectures, je ne comprenais pas pourquoi celle-ci, dans la liste officielle des sommets de plus de 3000 mètres des Pyrénées, est "déclassée" par rapport au pic Verdaguer, tout près de la pique d'Estats, et considérée simplement comme un sommet secondaire tandis que le Verdaguer est considéré comme un sommet principal. Lorsqu'on est au sommet du Montcalm voisin, la pique d'Estats semble dominer de la même manière ses deux lieutenants. "Lors du recensement réalisé par "l'Equipe des 3000 des Pyrénées"," décrite dans le guide sus-mentionné, "celle-ci comptabilisa 329 côtes de plus de 3000 mètres qui furent soumises aux principes de base suivants." Tout d'abord, "ils doivent figurer dans une carte ou dans un guide de montagne". Ensuite, "ils doivent posséder un nom qui permet leur identification". Enfin, "entre la cime et la base de son arête il doit y avoir au moins dix mètres de dénivelé."  "Les 212 cotes qui ont rempli ces critères ont été classées dans le "Catalogue des 3000 " en deux catégories : 129 trois mille principaux et 83 secondaires. Ces deux niveaux sont différenciés en fonction des caractéristiques suivantes: les sommets principaux sont des cuspides de montagne ou éminence avec au moins trois arêtes, les sommets secondaires sont des antécime, tour, pointe ou aiguille sans les pré-requis antérieurs. " (Pyrénées, Guide des 3000 m, p.12 et 13). 

Photo 2: En alignement, au premier plan sous les pieds du photographe le Rodo de Canalbone (3004m), point de vue privilégié sur les 3000 du massif, puis la Punta Gabarro (3114m), puis la Pique d'Estats (3143m) et le pic Verdaguer (3131m) du nom du poète catalan Jacint Verdaguer i Santalo pour conclure.

    Enfin, et surtout je dirais, la possibilité d'une ascension par le versant sud donne une ouverture sur toutes ses vallées du val Ferrara catalan, parsemées de magnifiques lacs qui depuis les crêtes semblent innombrables. On peut alors admirer, en passant tout près, le plus haut lac des Pyrénées orientales (au sens partie ouest et non départementales), perché à 2860 mètres sous le col, le lac de la pique d'Estats (estany occidental de Canalbone pour les Espagnols), et qui avait éveillé ma curiosité depuis mon adolescence, avec cette photo prise de la rive sud du lac, dans le magnifique livre d'Alain Bourneton, Rivages pyrénéens, Mille lacs à découvrir chez Milan (1989), que mes parents m'avaient offert pour Noêl... Mais les étangs catalans d'Estats, de Sottlo, de Fonda (celui-ci en découvrant sa grande taille progressivement ...), d'Areste, sans compter les autres plus petits et discrets, avec le pic de Monteixo qui veille en face.

Photo 3: Autant pour moi et mon objectif pas très propre ou endommagé. Le lac de la pique d'Estats et au fond, le pic du Port de Sullo (Sottlo en version bilingue...). Peu avant la rencontre avec les deux lagopèdes.

Photo 4: Vue sur les lacs de la Gardelle, depuis le port de Canalbone.

    Ainsi le temps de parcours de cet itinéraire peut être long car la distance est bien supérieure à 15 km et surtout le dénivelé à la montée approche les 2000 mètres et les dépasse largement à la descente. Le départ se fait depuis les orris du Carla au bout du lac de retenue de Soulcem à 1620 mètres d'altitude et le sentier emprunte un parcours balisé, et assez raide, dans une vallée étroite et encaissée, jusqu'à s'ouvrir au grand étang de la Gardelle à 2420 m, permettant de visiter tous les autres lacs qui portent le même nom, dans un cadre assez sauvage, passant sous le pic de la Madelon, puis la pointe de Roumazet. Après le grand étang l'itinéraire se dirige vers des espaces plus escarpés et sauvage, après un dernier petit étang, pour parvenir sur la ligne de crête, aussi ligne de partage des eaux atlantique et méditerranée, au port de Canalbone vers 2720m. Il faut alors redescendre dans le val d'Arreste pour à nouveau reprendre l'ascension sur le versant en face et gravir en écharpe le versant occidental du pic de Canalbone avant de parvenir en contournant la cuvette de l'étang (le plus haut des Pyrénées orientales) au collet Franc de Riufret (2919m). La suite se passe donc sur la crête comme déjà mentionné et l'itinéraire de descente depuis la pique d'Estats est celui classiquement emprunté par les ascensionnistes qui passent par le refuge du Pinet depuis le parking d'Artigue.

    Enfin, il est clair que cet itinéraire se fait dans une ambiance sauvage et engagé, notamment à l'approche des crêtes, cette description n'est donc pas un guide et chacun prend ses responsabilités. Néanmoins, nous avons eu la chance d'observer lors de la descente une harde de bouquetins qui descendait tranquillement depuis le plateau sommital du Montcalm ainsi que deux magnifiques lagopèdes, dont le plumage était en train de prendre ses couleurs blanches d'hiver. Peut-être était-ce un couple car c'est une espèce monogame qui se met en couple au printemps. Ils ne nous avaient pas vu ni senti car le vent nous était favorable mais nous ne sommes pas restés longtemps au risque de les déranger. Le lagopède se déplace principalement en marchant et ne s'envole que face au danger.

Photo 5: Depuis la Pique d'Estats, vue sur la Punta Gabarro.

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