lundi 13 janvier 2025

Au musée de Minéralogie de Paris...

     Au Musée de Minéralogie de Paris, créé en 1794, au 60 boulevard Saint-Michel, on sera frappé, alors qu'on accède depuis le vestibule de l'hôtel du 18ème siècle, au premier étage, aux salles d'apparat et d'exposition permanente de la fantastique collection du musée, par les deux monumentales fresques peintes sur les murs de la cage de l'escalier. Une de celles-ci représente le Mont Blanc, vue du Cramont et l'autre le cirque de Gavarnie dans les Pyrénées. Ces fresques murales, sont des tableaux de Claude Sébastien Huguard de la Tour, peintre paysagiste savoyard formé à l'école de Genève dans les ateliers d'Alexandre Calame et François Diday, les deux grands maîtres du paysage suisse de la fin du 18è et du début du 19ème siècle. Ils représentent le "spectacle de la nature" et ont été réalisées en 1855. L'auteur en dix représentations souligne l'humilité dont doit faire preuve le peintre. Duffrenoy, directeur de l'école des Mines et auteur avec Elie de Beaumont de la première carte géologique de France, écrit au ministère en janvier1855 "Les tableaux ne pourraient avoir de l'intérêt qu'à condition de réunir une belle exécution artistique et une grande véracité géologique". L'auteur sera d'ailleurs envoyé sur place à cet effet entre 1852 et 1853 pour prendre la mesure des lieux, même s'il connait la vallée de Chamonix. Ces réalisations avaient aussi des vertus pédagogiques pour les étudiants qui pouvaient ainsi avoir des modèles sur place au sein de l'école. Ces deux fresques sont monumentales, et l'effet est renforcé par l'emplacement dans la cage d'escalier dont le volume, je trouve, accentue leur rayonnement. Il est évident que les étudiants pouvaient être impressionnés, à une époque où il n'y a pas encore de photographies, par ce que cette représentation pouvait rendre de la grandeur du site. Ces paysages offrent donc une vue commode pour l'observateur. Les personnages puis le village de Gavarnie au premier plan restent écrasés par la taille des parois, la hauteur des versants et le volume du cirque. On trouvera une version huile sur toile (53cmx69cm) au musée des Beaux Arts Salies de Bagnères de Bigorre dans les Hautes-Pyrénées. Pour celle du Mont-Blanc, le musée alpin de Chamonix-Mont-Blanc accueille une vue comparable (huile sur toile de 71x88cm), mais l'observateur averti aura bien vu les différences.

Photo 1 : Les deux fameuses fresques

    Avec une collection exceptionnelle d'environ 100 000 pièces, dont plus de 4000 sont exposées dans les vénérables vitrines (tables horizontales ou étagères murales), elles-mêmes classées au registre du patrimoine national, on peut évidement se dire que l'on trouvera quelque chose concernant les Pyrénées. Effectivement, des échantillons des différents marbres (avec aussi leurs vieilles étiquettes ce qui donne un charme indéniable) de Vielle Aure, Gèdre ou de Barèges dans les Hautes-Pyrénées sont exposés. Mais on dénichera également, en s'étonnant malgré tout de la diversité, de la Marialite de l'étang de Lers en Ariège, de l'Axinite du pic d'Arbizon, ou de la Chalchantite (bleue) de Canaveilles dans les Pyrénées Orientales. Mais si autant des cartes géologiques des principaux massifs montagneux français sont affichées aux murs des salles d'exposition, on ne trouve pas celle des Pyrénées.

    Il reste que la collection est exceptionnelle et que chacun, en se promenant sur le parquet, le long des vitrines, pourra y trouver la beauté du monde et de la France ou des formes extravagantes, même des petits morceaux directement venus de la Lune ou de Mars, par des itinéraires qui peuvent apparaître insolites au novice. J'ai particulièrement apprécié la Lazurite, bien souvent extraite des montagnes afghanes, qui est un constituant du Lapis-Lazuli et qui donnait le si rare et exceptionnel à l'époque bleu outre-mer dont la valeur à certaines périodes était plus élevée que celle de l'or, tellement exorbitante qu'elle était réservée aux seules représentations des vêtements de la vierge ou du roi de France. Cette collection pourrait réveiller les plus blasés tant la variété des formes, des couleurs et des associations des deux est grande. On pourra alors retourner serein sur sa colline de Belleville, non loin de la rue des Pyrénées et refaire le voyage à travers la toponymie des rues (de la mare, des cascades ou des rigoles) et s'imaginer quelque part dans une vallée d'une montagne château d'eau. On repensera peut-être aussi à l'opale de Ménilmontant observée dans les vitrines du musée.

Photo 2: Petit échantillon de l'immense diversité de la collection

Photo 3 : Le cirque dans toute sa splendeur

"Nul besoin d’être géologue ni même scientifique pour oser franchir le seuil de cette prestigieuse école des mines et profiter de ce magnifique musée de minéralogie. Il suffit d’un peu de curiosité ou encore être sensible à l’esthétique pour être conquis : les formes symétriques de certains minéraux automorphes comme la halite ou la staurotide en macle en Saint André rassureront les plus cartésiens tandis que les plus fantaisistes pourront davantage apprécier les formes surprenantes d’autres comme l’opale de Ménilmontant ou encore la sépiolite de Turquie aux courbes sensuelles. Place à l’imagination face aux divers échantillons : les formes arrondies de la malachite nous rappellent les grands fonds marins, les couleurs vives du souffre ou de la lazurite nos peintures d’école, le granite orbiculaire un chapelet d’œufs de grenouille, l’opale du Mexique un tableau de Miro, une fluorite de Giromany ou une pyrite une sculpture de César ...

Nous voilà au détour d’une vitrine dans la cour de Napoléeon III, puisqu’on y trouve les joyaux d’émeraude de sa Couronne Impériale, au bord d’une plage paradisiaque à l’eau couleur de l’ hémimorphite (trouvée dans les Hautes-Pyrénées). Nous envisageons même un embarquement pour la lune voir mars en regardant les météorites…

En plus de ce voyage dans l’imaginaire, nous faisons un saut dans le temps grâce au mobilier 19e qui nous expose ses richesses comme un coffre aux trésors trouvé dans un vieux grenier.

Naturalistes, artistes, rêveurs… il y en a pour tous." (C.B.)

mercredi 13 novembre 2024

Retour au Hohneck (1363m) depuis le pont de Blanchemer par le Rainkopf (1305m) et le Kastelberg (1350m)

     Depuis le Hohneck, deuxième sommet des Vosges (1360m), la vue, en ce dimanche 10 novembre, nous offrait un grand quart nord-est de la France sous les nuages. Les Vosges apparaissaient alors comme un arche de Noé sur lequel venait lécher la mer de nuages remontant les vallées périphériques jusqu'à une altitude de 700-800 mètres. Au loin, à l’est, clairement, la ligne de crête de la Forêt noire et au sud, plus lointaine encore celle du Jura, sont nettement visibles. Dire que l'on devinait les Alpes au-delà, serait quelque peu présomptueux. Des nuages donc, aussi sur toute la Lorraine, et comme accrochés sur la haute crête des Vosges et les principaux sommets qui la jalonnent, des grappes de marcheurs et touristes à la recherche de soleil et d'air frais, et de l'immense et exceptionnel panorama. L'affluence était vraiment très forte au sommet du Hohneck, montant presque à la queuleuleu après avoir laissé l'immense double-file de voitures garées le long de la célèbre route des crêtes. Ainsi effectivement il est facile de s'hasarder vers les sommets tout proches. Et on comprend donc d'autant plus l'affluence. 

Photo 1: Le lac de Blanchemer en fin de journée.

    

Photo 2 : Le téléski du Kastelberg qui monte au sommet du ...Kastelberg (1350m d'altitude)

    Nous sommes donc partis de plus bas, du pont de Blanchemer (860m), au bord de la route, en fonde vallée, qui monte de La Bresse vers la station de ski. Le réseau de sentiers balisés dans les Vosges étant dense et riche, il est facile de remonter en 25 minutes au lac de Blanchemer (995m) puis de là, passer en une petite heure sur la crête qui permet de faire rapidement l'ascension du Rainkopf, premier belvédère de la journée à 1305 mètres. La suite se poursuit sur la crête, vers le nord, et on atteint le Hohneck en une heure de temps, passant sur le doucement arrondi sommet du Kastelberg, point d'arrivée du téléski marquant le sommet de la station, puis le haut pâquis des fées. Le pâquis est une zone de pâturage sur des terres non labourées. La descente, alors que nous étions presque déçus de ne pas avoir pu prendre un chocolat au café du sommet du Hohneck, fermé, s'est offerte à nous de manière presque paisible, car la cohue s'était éloignée presque d’un coup. Nous avons pu avoir un aperçu des belles lumières de la fin d'après-midi sur le lac de Blanchemer, après avoir suivi dans un premier temps la route sinueuse qui se faufile dans la station de ski et ses pistes qui passent dans la forêt de feuillus, traversant la Moselotte. Elle prend sa source juste au-dessus, à la fontaine de la duchesse. Le lac de Blanchemer, profond de 18 mètres, et grand de 9 hectares amène son élégance, bien lové dans son cirque glaciaire et la moraine qui le termine et ses versants forestiers, ses tourbières flottantes (composées de sphaigne, qui peut absorber 40 fois son poids en eau et de canneberge) s’avançant lentement sur l'eau. L’eau viendrait de la glace qui la recouvre à la surface l’hiver et qui donnerait l’impression d’une mer blanche. Le lac a cependant été endigué pour pouvoir produire de l’électricité. Cette fois-ci, il y avait peu ou pas de faune, l'avancement de la saison, peut-être mais la montagne, hormis les touristes, et parmi eux les plus bruyants, les motards, restait silencieuse. J’avoue que c’est aussi cela que j’aime dans les Vosges, des lacs coincés dans des cirques glaciaires que la forêt a reconquis, comme le lac des Corbeaux dans une vallée  plus en aval.

Photo 2: Depuis le sommet du Kastelberg, vue sur le Hohneck (à gauche surmonté de son bar-restaurant et le petit Hohneck à droite 1289m d'altitude)

Photo 4 : Depuis le haut pâquis des fées, vue sur la vallée de Metzeral et plus loin la plaine d'Alsace et au loin les montagnes de la Forêt Noire

    Nous rentrons à la voiture à la tombée de la nuit, comme d'habitude. Nous ne sommes pas au courant de la légende qui conseillait alors, dans les temps anciens, de ne point trop s'approcher des rives du lac à la tombée de la nuit pour ne pas surprendre et déranger la fée du lac, appelée la dame du lac de Blanchemer, qui pouvait laver son linge et se baigner nue dans les eaux fraîches du lac. Si elle était surprise, jalouse de son intimité, elle pouvait vous jeter un sort et par exemple vous mener à la ruine. Voilà racontée quelque peu, cette légende que vous pouvez retrouver dans le livre de B. Fischbach Contes, légendes et récits du massif vosgien, "Le lac de Blanchemer", p.59 à 62.

    Ne l'ayant pas croisé, nous pouvons alors descendre à la Bresse prendre ce chocolat et acheter au passage une bouteille de Foin(g) de montagne que je découvre à l'occasion, issue d'une vinification en blanc et de la fermentation d'une infusion de foin floral sauvage ramassé dans les prairies entre 700 et 900 mètres d'altitude. En bouche, c'est aussi une explosion de saveurs.


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mardi 15 octobre 2024

Au 35ème festival international de Géographie à Saint-Dié-des-Vosges...

 Les 4, 5 et 6 octobre dernier se tenait à Saint-Dié-des-Vosges la trente cinquième édition du Festival International de Géographie dont le thème principal était "Terres" et où le territoire invité était les Alpes. On allait forcément parler de montagne. Le programme de conférences et de rencontres est dense pendant ces journées et il faut bien sûr choisir celles qui nous intéressent, situées dans quelques lieux de la ville, de la salle de réception de l'hôtel de ville au Café Thiers en passant par la Boussole (salle de la médiathèque) ou même la cathédrale. Cela permet de visiter la ville située dans la vallée de la Meurthe dans les premiers contreforts des Vosges. La ville est connue notamment parce qu'en 1507, c'est ici que le premier planisphère qui mentionnait l'Amérique (nommée America sur le document) fut publié sous la direction du cartographe Waldseemuller. Dès lors que l'on regardait au delà de la ville, la tête un peu en l'air on voyait les sapinières qui enveloppaient les petites montagnes environnantes et qui encadraient la ville, et puis, depuis la tour de la liberté, jusqu'aux crêtes du Gazon du Faing. 



    L'enthousiasme m'habitait donc peut-être autant que Xavier Bernier qui animait à 9h15, le samedi matin au café Thiers, dans la rue du même nom, la conférence, ou rencontre plutôt, intitulée Où commencent et où finissent les Alpes? Intéressante par l'approche dans l'échange avec des entrées par des verbes et une sortie pour répondre aux questions posées, mais on s'en doutait, disant que l'on ne pouvait pas donner de réponse. L'auteur, co-auteur de L'Atlas des montagnes chez Autrement mais aussi du récent numéro de la Documentation photographique sur les montagnes (n°8156) nous emmène avec lui, notamment lorsqu'il énonce le boire et manger et évoque le cas de l'eau minérale d'Evian dont la publicité est placardée sur les murs du métro parisien vantant les qualités naturelles et l'alpinité de son produit. L'eau est tirée de la source Gaveau à 800 mètres au dessus du lac Léman, tandis que sur la bouteille en plastique, l'Aiguille du Chardonnay (dans le massif du Mont Blanc) est sculptée afin de même faire l'expérience du relief. Le secteur d'activité reste un des plus gros consommateurs de plastique. Il en serait presque de même avec la fondue qui n'est pas alpine, mais qui permettrait d'affirmer son alpinité.

    La veille, Salomé Dehaut, Fahrid Benhamou, tous deux géographes et Daniel Thonon s'interrogeaient Les Alpes, terre sauvage? La première citée aborde le fait que pour elle, il reste des dynamiques sauvages, ce qui déborde, des franges mais ne parle pas de nature tandis que F.Benhamou, bien connu dans le débat pyrénéen sur la réintroduction ou le retour des grands prédateurs avec sa contribution  pour le notamment très intéressant et efficace L'ours des Pyrénées: les 4 vérités, va dans son sens et évoque en guise de réponse un gradient de naturalité. Ils rappellent tous le travail de film-documentaire de J.M. Bertrand sur le retour du loup. La peur du sauvage de D.Thonon est évoqué. Cette question du loup reste un cheval de Troie dans une logique de contestation des zones de protection, en sachant de toute façon que celui-ci ne peut pas proliférer. Une meute a besoin d'un espace vital et ne tolère aucun nouveau membre sur son territoire. Lorsqu'on parle de dynamique sauvage, il ne faut pas oublier, à force de ne parler que des grands prédateurs, des dynamiques sauvages de la flore, et du verdissement par exemple des hautes altitudes signe du changement climatique.

    En suivant, nous avions pu écouter dans un autre café de la ville, La parenthose, Alexis Metzger nous parler Sur les plans de stations de ski, illusions de neige et marketing blanc, c'était le titre. Là aussi, le personnage semblait passionné par ce qu'il nous racontait et il est bien vrai que cette illusion de la neige éternelle et abondante, des stations de ski pyrénéennes ou argentines et alpines possède un côté artistique qui me touche même si cela reste du marketing. Une très grande majorité de ces plans est signée par Pierre Novat et nous montre aussi finalement une pratique cartographique originale.

    En fin d'après-midi du deuxième jour, à l'agréable Cour des Arts, galerie d'art, le géographe et aquarelliste Simon Estrangin (Peindre, un terrain d'expérimentation pour la géographie?, La Géographie n°1572, pp.10/13) vint nous parler de ses oeuvres inspirées d'une vallée de l'Oisans mais qu'il se refuse à nommer sur ses peintures et qu'il "dégéographise" finalement, en ne leur donnant pas de titre. Ses aquarelles d'excellente facture montrent sa capacité à capter l'instant. Mais, finalement avec une certaine contradiction me semble t-il, ce qu'il apprécie, nous a-t-il confié c'est lorsque quelqu'un qui regarde le résultat de son travail reconnait le lieu qu'il est en train de peindre. J'ai réellement apprécié sur certaines de ses aquarelles, celles qui semblaient capter les fins de journée et leur lumière particulière qui finalement auraient pu être tirées d'autres montagnes. À ce titre, il a bien insisté sur une de ses principales sources d'inspiration, pyrénéenne, en l'occurrence Franz Schrader, géographe, qui a peint de manière si distinguée le cirque de Gavarnie. 

    Ce festival passionnant, et je ne développe pas les autres rencontres, en revoyant Raphaël Confiant, l'écrivain martiniquais, nous parler de la Montagne Pelée et de Saint-Pierre, s'est conclu au musée Pierre Noël par la visite de l'exposition temporaire La neige rend aveugle 7, derniers flocons. Antonio Guzman qui a signé le texte de présentation nous interroge sur le sens du sous-titre de cet épisode dont "l'énoncé semble pourtant ouvert et polyvalent, les derniers flocons d'une saison? Les derniers pour toujours du fait de l'écroulement climatique?" Dans cette logique toute blanche, qui nous brouillé la vue il est vrai, le cliché en couleur (et en argentique) du versant sud du pic du Midi d'Ossau, de T.Camus Herbuvaux, montraient les pâturages, qui semblaient usés en fin de saison... mais j'avoue de ne pas en avoir trouvé tout à fait la logique.

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samedi 12 octobre 2024

Par la Punta de Gabarro (3114m) et la pique d'Estats (3143m), une traversée de haut vol entre Soulcem et Artigue (09)

     La punta Gabarro (3114m) est cette cime secondaire de plus de 3000 mètres que l'on domine depuis la pique d'Estats en regardant vers le sud. L'itinéraire entre les deux est côté PD+ par Luis Alejos dans Pyrénées guide des 3000 mètres. Il est vrai que l'arrête est assez aérienne et que nous avons, avec N. et L., préféré nous encorder pour un itinéraire d'environ un gros quart d'heure (en fait je fais surtout ce qu'ils me conseillent...). Nous avons cherché alors celui-ci, depuis la punta, sur le versant espagnol qui semblait moins difficile, même s'il fallait bien sûr s'aider des mains, d'autant plus que le versant nord-oriental, bien plus raide, était, hier, gelé et quelque peu enneigé. Cela nous rappelait cette année les fins de saisons d'il y a encore dix ans où à cette altitude la neige était souvent présente et mettait la plupart du temps un terme à la saison estivale vers la mi-octobre. La croix au sommet marque le point culminant de l'Ariège mais aussi celui de Catalogne espagnole. La punta ou pointe Gabarro, qui est un point géodésique de l'Institut catalan de cartographie, a été nommée ainsi en hommage à Pere Gabarro i Garcia, médecin et excursionniste catalan, auteur de la voie qui porte son nom, en 1934, comme une nouvelle voie d'accès à la pique d'Estats par la crête orientale depuis la punta.

Photo 1: L'étang de Canalbone (2503m), juste au dessus du grand lac de la Gardelle.

    Je voulais aller visiter la punta Gabarro aussi parce que, malgré quelques lectures, je ne comprenais pas pourquoi celle-ci, dans la liste officielle des sommets de plus de 3000 mètres des Pyrénées, est "déclassée" par rapport au pic Verdaguer, tout près de la pique d'Estats, et considérée simplement comme un sommet secondaire tandis que le Verdaguer est considéré comme un sommet principal. Lorsqu'on est au sommet du Montcalm voisin, la pique d'Estats semble dominer de la même manière ses deux lieutenants. "Lors du recensement réalisé par "l'Equipe des 3000 des Pyrénées"," décrite dans le guide sus-mentionné, "celle-ci comptabilisa 329 côtes de plus de 3000 mètres qui furent soumises aux principes de base suivants." Tout d'abord, "ils doivent figurer dans une carte ou dans un guide de montagne". Ensuite, "ils doivent posséder un nom qui permet leur identification". Enfin, "entre la cime et la base de son arête il doit y avoir au moins dix mètres de dénivelé."  "Les 212 cotes qui ont rempli ces critères ont été classées dans le "Catalogue des 3000 " en deux catégories : 129 trois mille principaux et 83 secondaires. Ces deux niveaux sont différenciés en fonction des caractéristiques suivantes: les sommets principaux sont des cuspides de montagne ou éminence avec au moins trois arêtes, les sommets secondaires sont des antécime, tour, pointe ou aiguille sans les pré-requis antérieurs. " (Pyrénées, Guide des 3000 m, p.12 et 13). 

Photo 2: En alignement, au premier plan sous les pieds du photographe le Rodo de Canalbone (3004m), point de vue privilégié sur les 3000 du massif, puis la Punta Gabarro (3114m), puis la Pique d'Estats (3143m) et le pic Verdaguer (3131m) du nom du poète catalan Jacint Verdaguer i Santalo pour conclure.

    Enfin, et surtout je dirais, la possibilité d'une ascension par le versant sud donne une ouverture sur toutes ses vallées du val Ferrara catalan, parsemées de magnifiques lacs qui depuis les crêtes semblent innombrables. On peut alors admirer, en passant tout près, le plus haut lac des Pyrénées orientales (au sens partie est et non départementales), perché à 2860 mètres sous le col, le lac de la pique d'Estats (estany occidental de Canalbone pour les Espagnols), et qui avait éveillé ma curiosité depuis mon adolescence, avec cette photo prise de la rive sud du lac, dans le magnifique livre d'Alain Bourneton, Rivages pyrénéens, Mille lacs à découvrir chez Milan (1989), que mes parents m'avaient offert pour Noêl... Mais les étangs catalans d'Estats, de Sottlo, de Fonda (celui-ci en découvrant sa grande taille progressivement ...), d'Areste, sans compter les autres plus petits et discrets, avec le pic de Monteixo qui veille en face.

Photo 3: Autant pour moi et mon objectif pas très propre ou endommagé. Le lac de la pique d'Estats et au fond, le pic du Port de Sullo (Sottlo en version bilingue...). Peu avant la rencontre avec les deux lagopèdes.

Photo 4: Vue sur les lacs de la Gardelle, depuis le port de Canalbone.

    Ainsi le temps de parcours de cet itinéraire peut être long car la distance est bien supérieure à 15 km et surtout le dénivelé à la montée approche les 2000 mètres et les dépasse largement à la descente. Le départ se fait depuis les orris du Carla au bout du lac de retenue de Soulcem à 1620 mètres d'altitude et le sentier emprunte un parcours balisé, et assez raide, dans une vallée étroite et encaissée, jusqu'à s'ouvrir au grand étang de la Gardelle à 2420 m, permettant de visiter tous les autres lacs qui portent le même nom, dans un cadre assez sauvage, passant sous le pic de la Madelon, puis la pointe de Roumazet. Après le grand étang l'itinéraire se dirige vers des espaces plus escarpés et sauvage, après un dernier petit étang, pour parvenir sur la ligne de crête, aussi ligne de partage des eaux atlantique et méditerranée, au port de Canalbone vers 2720m. Il faut alors redescendre dans le val d'Arreste pour à nouveau reprendre l'ascension sur le versant en face et gravir en écharpe le versant occidental du pic de Canalbone avant de parvenir en contournant la cuvette de l'étang (le plus haut des Pyrénées orientales) au collet Franc de Riufret (2919m). La suite se passe donc sur la crête comme déjà mentionné et l'itinéraire de descente depuis la pique d'Estats est celui classiquement emprunté par les ascensionnistes qui passent par le refuge du Pinet depuis le parking d'Artigue.

    Enfin, il est clair que cet itinéraire se fait dans une ambiance sauvage et engagé, notamment à l'approche des crêtes, cette description n'est donc pas un guide et chacun prend ses responsabilités. Néanmoins, nous avons eu la chance d'observer lors de la descente une harde de bouquetins qui descendait eux tranquillement depuis le plateau sommital du Montcalm ainsi que deux magnifiques lagopèdes, dont le plumage était en train de prendre ses couleurs blanches d'hiver. Peut-être était-ce un couple car c'est une espèce monogame qui se met en couple au printemps. Ils ne nous avaient pas vu ni senti car le vent nous était favorable mais nous ne sommes pas restés longtemps au risque de les déranger. Le lagopède se déplace principalement en marchant et ne s'envole que face au danger.

Photo 5: Depuis la Pique d'Estats, vue sur la Punta Gabarro.