jeudi 20 juin 2024

Le Chasseron 1608m dans le Jura vaudois. Un belvédère exceptionnel sur les Alpes et le Jura

     Le belvédère exceptionnel que constitue le Chasseron (1608m) sur les Alpes, le plateau suisse, les Vosges et le Jura a depuis longtemps attiré d'illustres et moins illustres visiteurs sur cette montagne d'altitude modeste et d'accès facile depuis la petite ville de Sainte-Croix, vers 1050 mètres d'altitude, en Suisse. Ce crêt au milieu d'une chaîne calcaire sur un axe sud-ouest nord-est, surplombe de plus de 1000 mètres le plateau suisse et le lac de Neuchâtel vers l'est, tandis qu'à l'ouest les différents plateaux et chaînons du Jura rendent la montagne plus douce et moins dominante, laissant entrevoir les différents étages du massif jusqu'au lointain Mont Poupet (en direction de Dôle). Dans la direction opposée, celle des Alpes, le panorama est encore plus clairement spectaculaire, même si en ce jour les nuages bouchaient quelque peu l'horizon. En effet, suspendus à la petite table d'orientation du sommet, ou attablés confortablement à l'hôtel du Chasseron, quelques mètres en dessous, dégustant une délicieuse part de tarte à la raisinée faite maison, nous pourrions admirer les sommets de l'Eiger au Mont Blanc, à 115 km,  (et même au loin La Meije d'après la table d'orientation) qui sont bien visibles normalement. En ce jour, on ne pouvait simplement observer que les contreforts alpins et le débouché de la vallée du Valais suisse sur l'immense lac Léman lui aussi très clairement identifiable. Enfin, vers le nord, la ligne de crête du massif des Vosges était bien visible du Ballon d'Alsace au Grand Ballon. Là aussi, d'après les textes et autres témoignages, le massif de la Forêt Noire est lui aussi visible. Au sommet, une plaque a été posée en l'honneur de Louis Jaccard-Lenoir, accordeur de clavier de pièces à musique, mais aussi passionné de montagne, qui décida en 1894 de dessiner une vue panoramique à 360° dans laquelle apparaissent plus de 1000 noms sur 2,6 mètres et dont une reproduction est présente au sommet également. Comme souvent, et comme il le dit pour un panorama plus limpide il faudra revenir en hiver ou l'automne. "Si l'ascension du Chasseron est agréable au mois de juin, c'est en automne ou en hiver qu'elle offre aux montagnards ses charmes les plus vifs. C'est le moment des ciels purs, des vues idéales." (cité dans le très intéressant Sur le Balcon du Jura, Club Alpin Suisse, 2013-03)

Photo 1 : À l'approche du sommet... Sur ce dernier, on retrouvera la station métérologique, le signal géodésique en pointe noire, l'hôtel du Chasseron, accessible été comme hiver et un bunker semi-enterré pour accueillir des antennes de communication et inutilisé depuis 1995. Tout autour, les équipements pour l'activité pastorale sont présents.

Photo 2 : À l'approche du sommet des petites Roches, en se retournant vers le sud... Au fond, on peut voir le lac Léman. (Photo de Catherine B.)

    C'est probablement ce panorama exceptionnel qui a fait de ce sommet un site religieux avec un temple gallo-romain (d'une surface de 10 mètres sur 10) qui a été mis à jour lors de fouilles archéologiques en 2005, ces recherches, relatées dans un article du quotidien Le Temps, ayant permis de mettre fin à la contre-verse. Depuis le 18ème siècle en effet, le site était connu pour cette fonction votive car de nombreuses pièces de monnaie au pied des falaises avaient été trouvées entrainant un pillage du site par les populations locales à la recherche de médailles ou autres pièces. Un article de la gazette de Lausanne de 1850 témoigne bien de ceci " Il y a quelque semaines, un jeune homme occupé à herboriser au pied du chasseron trouva une médaille romaine en arrachant une plante. Ce fut bientôt connu à Fleurier et à Sainte-Croix. Dès lors, un grand nombre de personnes de ces localités ont fait des fouilles sur les lieux et ont trouvé, jusqu'à présent, environ deux cents médailles romaines, la plupart bien conservées et portant des empreintes très variées.  On a trouvé aussi des briques, des fragments de vases, des clochettes presque intactes d'une forme particulière, des instruments en fer, etc."(http://oldlatinistes.ch/Balades-archeologiques/fouilles-du-chasseron.htm.). Vers 1850, le docteur Campiche, érudit de la région avait trouvé un torque en bronze (aujourd'hui au Musée de Lausanne). 

    Cette montagne est donc depuis longtemps parcourue et un paysage pastoral  doit être en place depuis l'Antiquité déjà. C'est un site bien connu des herboristes et botanistes depuis au moins le 18ème siècle et Jean-Jacques Rousseau qui s'y est promené le 23 et 24 juillet 1764 depuis Moutiers relate son excursion dans la 7ème promenade dans Les rêveries du promeneur solitaire. Depuis Sainte-Croix, l'itinéraire, dès le temple protestant du centre-ville, est indiqué par une pancarte sur laquelle est inscrit "Le Chasseron" de manière simple et efficace. Nous n'avons pas eu d'ailleurs besoin d'utiliser de carte finalement car tout est balisé sur place avec d'autres pancartes sur le chemin. Celui-ci se poursuit en direction des Praises, et par une piste forestière en travers rejoint le domaine skiable de la petite station pour filer vers les Avattes et le Sommet des Petites Roches (1583 mètres d'altitude), par une large ligne de crête vers le sommet final. Celui-ci domine par des falaises assez hautes le versant occidental, dans la vallée de la Dénériaz par lequel on rentrera formant un itinéraire en boucle d'environ 4 heures de marche bien heureuses.

Photo 3 : Le sommet depuis le chemin du retour sur le versant occidental. À gauche la ferme de la Merlaz et à droite le sentier qui descend du sommet est visible. (photo de Catherine B.)

Photo 4: Depuis le sommet, vue sur l'itinéraire du retour avec en contre bas la ferme de Merlaz et au fond, au bout de la piste le chalet du Sollier (1350 mètres d'altitude environ)

    "La seconde partie de la descente au milieu des pâturages fleuris que le soleil déjà couchant éclaire, s’apprécie comme une douceur. L’herbe d’un vert lumineux que la pluie récente a ravivé est parsemée d’une kyrielle de petites taches multicolores : des trolls, renoncules mais aussi des trèfles, anémones pulsatiles ou encore des campanules donnent au paysage un air pastoral des années 1900 d’autant plus que les espaces ne sont pas toujours clôturés.

Et l’on s’émeut du spectacle de ces vaches -des montbéliardes essentiellement- qui paissent tranquillement au milieu des grandes herbes, choisissant soigneusement avec gourmandise telle ombellifère plutôt qu’une autre, et de leurs petits veaux maladroits encore qui, malgré leur curiosité, n’osent pas s’approcher.

On ne peut alors s’empêcher de penser aux délicieux fromages - forcément! - qui seront produits grâce à ce bon lait (le déjeuner frugal est déjà loin) mais également au peintre Charigny dont les tableaux illustrent si bien ce genre d’environnement simple et extra ordinaire (dans le sens littéral du terme) à la fois." (Catherine B.)

Photo 5: Celle-ci, nous n'irons pas trop l'embêter... Au fond, les Auges... (Photo de Catherine B.)


Photo 6 : Voilà c'était la fin du printemps, champêtre et beau... Dans les près autour des Praises. 

    En ce 15 juin ayant quitté en début d'après-midi l'hyper-concentration de coureurs du début de parcours de la course en montagne locale car bien sûr nous avions choisi la journée qu'il fallait... nous étions enfin en fin de journée et comme d'habitude en ces heureux moments-là que tous les deux.

Pour se replonger dans l'ambiance du Jura vaudois, on pourra se procurer le très bel album photographique de Neil Villard Héritage chez Mokkö éditions

Pour suivre votre itinéraire, il est intéressant d'aller directement sur le site https://map.geo.admin.ch de l'efficace service géographique suisse (qui ne saurait être tenu responsable del'exactitude des données sur la capture d'écran ci-dessous photo 7). Les informations sont juste là à titre indicatif et les utilisateurs sont pleinement et personnellement responsables. Cette page n'est pas un guide.

Photo 7...





mercredi 12 juin 2024

Le sommet de Cornudère (1561m), en boucle depuis la fontaine de l'Ours

               En ce printemps très humide et quelque peu frais, une belle fin d'après-midi est l'occasion rêvée pour entreprendre cette boucle d'environ 3 heures qui permet de grimper sur la crête de Cornudère depuis le parking de la Fontaine de l'Ours à 1190 mètres d'altitude, au dessus d'Arbas (31). Le début de l'itinéraire est raide dans la hêtraie mais permet rapidement de se rendre sur le sommet (en 1h15 indiqué par les pancartes) par des chemins entièrement balisés. L'ambiance sera clairement verdoyante et le cheminement sur la crête permettra d'observer longuement le panorama sur les montagnes du Couserans, mais d'une manière générale sur un vaste ensemble qui court du massif de la Tabe jusqu'au pic du Midi de Bigorre, en passant par la Maladetta et les Monts du Luchonais, ainsi que le Cagire tout près. Clairement aussi ce petit massif est un belvédère étonnant et remarquable. Par temps de brouillard, par contre, l'itinéraire peut s'avérer plus aventureux, malgré l'absence de difficultés techniques.

Photo 1: Au premier plan, le fameux trou de l'Église, la cabane de Cornudère juste au dessus, au second plan les montagnes du Mourtis et tout au fond à gauche, la Maladetta.

               Pendant une petite heure ensuite, après s'être rendu au sommet de Cornudère, on suivra la ligne de crête passant par le Tuc de Tucol (1579m)  et le caps des Tèches (1564m) avant de redescendre vers la cabane de Roque Pi (1400m) et regagner le parking par la longue piste forestière. En cette fin d'après-midi du  vendredi 7 juin, je n'aurai rencontré quasiment personne aussitôt le parking délaissé, et c'est aussi ce que j'étais venu chercher sur ce parcours qui sur les belles journées de fin de semaine printanières peut être assez fréquenté. On se fera discret pour avoir peut-être la chance d'observer la faune sauvage, ici un chevreuil qui s'enfuit. Une fois sorti de la forêt, on se pense alors facilement au dessus du monde en parcourant la large ligne de crête à l'ambiance pastorale, avec la vue sur le massif pyrénéen au sud et le piémont et la vallée de la Garonne, au-delà du raide versant nord. On constatera aussi, avec une certaine surprise qu'au pied du sommet de Cornudère, à proximité de l'imposant trou de l'église, la cabane pastorale de Cornudère semble attendre tranquillement la montée des troupeaux et des patous pour l'estive annuelle. Le nom de Cornudère (de corne) pour la cabane et le sommet (un doux mamelon) semble attester de l'activité pastorale ancienne, entre Comminges et Couserans, pour les bêtes à corne. En comparant avec de vieilles photos aériennes des années 50, on se rendra aussi bien compte d'à quel point ces estives sommitales étaient bien plus étendues et les forêts clairsemées. Ce trou de l'église est une large doline c'est à dire une dépression circulaire formée dans un substrat calcaire à cause de l'érosion ou de l'effondrement d'une cavité souterraine. Le mot est d'origine slave puisqu'en polonais, croate ou russe dolina signifie vallée. Donc cette formation, si elle peut ressembler à un cratère n'est en rien volcanique.

Photo 2 : Le sommet de Cornudère, vue depuis le haut du trou de l'Église et le sentier qui file vers le Tuc de Tucoul (dans le dos du photographe). Au fond à droite, le Cap de Bouirex (vallée de Bethmale).