Dans les Hautes-Pyrénées, au dessus de Gavarnie, depuis le col des Tentes (2208m) où on laissera la voiture, l'ascension du pic du Taillon (3144m) par le refuge des Sarradets et la brèche de Roland est un des grands classiques du pyrénéisme et l'itinéraire, au coeur du Parc National des Pyrénées Occidentales, bien qu'en haute montagne, reste l'un des plus accessibles dans la catégorie et l'un des plus faciles. Si l'on y ajoute la beauté des panoramas et le passage par la toujours grandiose brèche de Roland (2807m), on comprendra très rapidement qu'on ne sera pas seul là-haut... Luis Alejos dans le Pyrénées, Guide des 3000m, annonce 3h30 de montée.
Le cheminement suit d'abord l'ancienne route qui partait au col de Boucharo sur la frontière franco-espagnole avant de prendre, une fois arrivé au col, le sentier qui sur la gauche passe à flanc sous la face nord du pic du Taillon et qui en montant progressivement traverse le ruisseau du-dit pic avant d'arriver après une succession de lacets vers le refuge. Juste avant celui-ci, au col des Sarradets (2584m) se trouve un des premiers beaux points de vue. Il parcourt en effet le haut du cirque de Gavarnie avec sa fameuse cascade et l'amphithéâtre qui le compose couronné de la kyrielle de sommets de plus de 3000 mètres qui aboutit au pic de Marboré (3248m) plein est, en formant ainsi comme une vaste muraille. De l'autre côté, vers le sud-ouest, le pic de Taillon et le doigt de la fausse brèche dominent alors le petit glacier du Taillon, qui se réduit de plus en plus. Enfin, vers le sud, on aura la première vision de cette brèche de Roland si attendue, au-dessus du refuge du même nom. À partir de là, le sentier monte directement et de manière assez pentue sur les matériaux morainiques qui aboutissent au premier gradin de l'amphithéâtre au pied de la brèche. Pour arriver jusqu'à celle-ci, sur l'ancien glacier, nous aurons cette fois-ci chaussé les crampons, pour ne pas prendre de risques. Mais la première partie de l'ascension s'est faite dans les débris morainiques, puisque la neige a déjà fondu. Une fois la brèche franchie, il suffit de prendre à droite en direction de l'ouest en suivant la base de la muraille par où passe le sentier et qui se poursuit en dépassant le fameux doigt de la fausse brèche après la pointe Bazillac (2973m) pour monter à l'assaut facilement du sommet. Lorsque vous dépasserez les 3000, ce sera inscrit sur une roche au sol sur le sentier. Ce passage entre la pointe Bazillac et le début de l'ascension finale permet d'avoir un nouveau regard, plus aérien, sur le glacier du Taillon en contre-bas.
Photo 2 : À l'approche de la célèbre brèche... qui joue le rôle d'un col de montagne. |
Un des intérêts de cet itinéraire est d'aller observer le recul des glaciers, pour ceux qui parcourent régulièrement depuis des années ces espaces. Le livre Glaciers des Pyrénées, le réchauffement climatique en images de Pierre René aux éditions Cairn, vous en donnera un bon aperçu. En effet, il a été édité en 2013 et déjà sur ce laps de temps, depuis, on peut observer la différence entre ce que l'on constate sur le terrain et les photos les plus récentes du livre. On peut y ajouter un passage du texte concernant le glacier du Taillon, aujourd'hui modeste :
"À cause de sa taille importante (35 hectares dans les années 1900, et encore une vingtaine en 1970), et sans doute aussi pour son accès facile et rapide, ce glacier a attiré à lui de nombreux observateurs, notamment l'abbé Gaurier, l'Administration des eaux et forêts et le groupe d'étude des glaciers pyrénéens". Grâce à eux, nous disposons de nombreuses archives (descriptions, cartes topographiques, photographies...)
En 1850, il prenait naissance au niveau de la Fausse Brèche, à 2900 mètres d'altitude, et descendait jusqu'à 2360 mètres. Il s'étendait sur plus d'un kilomètre de long. Traces de cette époque, les deux moraines latérales du petit âge glaciaire qui sont bien conservées en contrebas du verrou. Le col des Sarradets a été exhaussé par l'accumulation de débris. Il s'agit d'un lambeau de moraine latérale de la rive droite. (...) Depuis 1850, le glacier du Taillon a perdu 70% de sa surface et plus de la moitié de sa longueur. Aujourd'hui, morcelé et de petite taille, il n'est plus que succinctement étudié.
Pour les randonneurs se rendant à la célèbre brèche de Roland, un petit détour par ce glacier demeure riche en découvertes. Des marques de peintures signalent les positions anciennes du front. On peut y voir aussi des petits bassins d'eau, des roches moutonnées et striées - traces de son activité érosive -, des accumulations de farine glaciaire (roche réduite en poussière par l'action glaciaire), des cavités sous-glaciaires, des bédières (filets d'eau sculptant la surface du glacier)."
Photo 3: Le glacier du Taillon au fond du cirque. La Fausse Brèche sur la crête à gauche du doigt. Le pic du Taillon à droite. |
Un des autres points d'intérêt reste, comme souvent pour les hauts massifs, les magnifiques panoramas. Mais ici dès le départ on sera servi avec la magnifique face nord du Taillon qui s'oppose sur l'autre versant de la vallée à la route du col de Boucharo. À l'aube, puis au petit matin, l'explosion des couleurs avec le vert des pelouses alpines face aux couleurs plus froides de la haute montagne, et les teintes chaudes du soleil se laisse observer. D'ailleurs, le Conseil départemental des Hautes Pyrénées ne s'y est pas trompé en aménagement une partie de l'ancienne route en piste goudronnée accessible aux personnes handicapées sur une longueur de 800 mètres. Voilà me semble-t-il un aménagement intelligent. Le passage de la Brèche offre aussi un spectaculaire contraste entre le versant nord plus arrosé et celui du sud, plus aride, ouvert sur le piémont et dont la vallée profonde du canyon d'Ordesa est bien visible. Enfin, bien sûr depuis le sommet, la vue sur les principaux massifs depuis la Munia, le pic Long au Vignemale et aux pics d'Enfer est possible en y ajoutant les massifs plus périphériques comme le pic du Midi de Bigorre. Les principaux sommets du massif de Gavarnie-Mont Perdu sont bien visibles.
Photo 4: Juste avant le fameux refuge ... Premier refuge moderne édifié dans les Pyrénées après la Seconde Guerre mondiale, il fut inauguré en 1956 par Maurice Herzog, le co-vainqueur de l'Annapurna et président à l'époque du CAF, et sa capacité est de 90 places. |