De prime abord, Cuba n'apparaît pas comme une destination de choix pour marcher en montagne. Et pourtant, le pico Turquino, point culminant du pays, du haut de ses 1974m, au delà de son statut de plus haute montagne du pays, saura offrir une exigence sportive et des paysages magnifiques. J'ai choisi de faire l'ascension en un jour par le versant sud, depuis le hameau de Las Cuevas, directement sur la côte, et qui est l'entrée du parc national de la
Sierra Maestra (chaîne maîtresse en espagnol), qui tombe brutalement dans la mer, dans le sud de l'île. L'ascension de onze kilomètres est sérieuse car il s'agit donc de presque 2000 mètres de dénivellation sur le versant sud. Mais une très grande partie de celle-ci se fait dans la magnifique forêt tropicale humide, peuplée de nombreuses fougères arborescentes notamment et que le sentier est très bien aménagé. On est donc très souvent à l'ombre. Il n'y a que peu de balisage car de toute façon, les itinéraires dans la forêt sont très peu nombreux. Mais vous ne pourrez pas faire autrement que de passer par un guide...
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Photo 1 : Sur le chemin de la montée. Honnêtement, je ne me rappelle pas exactement où c'était car il m'a semblé en voir souvent des fougères arborescente. A partir du kilomètre 7, lorsque le sentier monte brutalement, la végétation commence à changer. A l'approche du sommet du pico Cuba (voir photo ci-dessous), des immenses cyprès (importés d'Asie, d'après les guides) témoignent du changement de la végétation. |
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Photo 2 : Vue sur la crête du pico Turquino, depuis la Esmajagua, une petite ferme étape vers 600 mètres d'altitude, au bout de 3,5 km. Sur la crête finale, le pico Cuba, deuxième sommet du pays par son altitude (1872m) précède le point culminant et c'est lui qu'on voit. Le sentier passe à deux pas du sommet, sans y accéder directement. |
Sans tomber dans l'analyse géopolitique pompeuse du pays, on peut dire que cette pratique de la montagne se fait aussi dans le cadre d'une économie socialiste à bout de souffle qui s'arrîme comme elle peut aux ressources touristiques et parfois vous aurez l'impression d'être pris pour une vache à lait. On peut regarder pour quelques jours encore un bon documentaire sur
Arte traitant de la problématique tourisme/protection de l'environnement.Et même si le régime peut s'enorgueillir de réelles réussites en terme d'éducation et de santé (il ne faut surtout pas oublier d'où ils viennent et que les cubains sont un peuple éduqué et cultivé) notamment, on reste partagé sur tout ça. Mais Cuba ne peut laisser indifférent, en
étant un peu moins connecté c'est pas plus mal. Tout ça pour dire que cela a des conséquences sur votre pratique de la montagne, qui, en France, est totalement libre (et c'est bien ainsi). Donc de toutes les manières, vous serez obligés de prendre un guide pour un itinéraire qui chez nous, n'en mériterait pas (on n'est pas obligé d'être dans un pays socialiste pour cela ceci-dit...) et probablement de passer par une agence. C'est ce que j'ai fait. Cela m'a coûté 130 CUC (pesos convertibles, soit un peu plus de 100 euros). L'agence basée à
Santiago de Cuba (tout près de la cathédrale) propose deux autres possibilités d'itinéraires, par le versant nord, moins difficile car on part de 900 mètres d'altitude, par Santo Domingo. On peut alors monter au pic en deux jours, en dormant en chemin, et en redescendant soit par le même itinéraire, soit par le versant sud (à ce moment-là, vous changez de guide au sommet du pico Turquino), que j'ai emprunté. On peut même ajouter une nuit pour aller visiter la
Comandancia La Plata, lieu de retraite et de lutte des
irréductibles troupes de Fidel Castro avant la chute du régime de Batista en 1959, qui est vraiment toute proche. Au départ, c'est ce que j'avais envisagé, traversée intégrale avec visite de la comandancia, avec deux nuits. Le tarif était de 210 CUC. Mais le problème est que même en étant là (à Santiago) une bonne semaine avant, en ayant quelqu'un sur place qui pouvait même réserver pour moi, j'étais le seul à vouloir le faire. L'agence s'engage qu'à partir de deux personnes. C'est donc toujours un peu compliqué d'attendre pour trouver un (ou une) éventuel compagnon. Et finalement, c'est arrivé deux jours avant mon départ. Deux étudiantes, séparément, s'étant présentées. HOUHOUHOU, joyeuse euphorie car ce n'était pas carnaval (d'ailleurs on peut aussi visiter l'intéressant
musée du Carnaval de Santiago de Cuba, avec une guide francophone) mais pour moi pratiquement. En tout cas, merci à elles, d'autant plus qu'elles étaient très agréables.
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Photo 3 : La Esmajagua. Le lieu m'a fait fortement penser aux ambiances du film colombien de Carlos Cesar Arbelaez Les couleurs de la montagne. (les mines en moins... mais avec les cochons...) |
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Photo 4 : Ouh une bête sauvage... Bon, en fait, elle part le matin de la petite ferme (photo ci-dessus) pour aller se nourrir dans la forêt, et revient le soir où elle rejoint sa fille, aussi grosse qu'elle... C'est ce que nous a dit l'homme qui s'occupe de la petite exploitation. Mais de voir ces deux-là (les deux truies) ensemble, se reposant tranquillement côte à côte dans l'herbe près des bâtiments, à l'heure du retour fut un moment charmant. Mais bien sûr je n'avais plus de batterie pour prendre la photo... |
C'est sûr que payer cette somme pour ça, quand on est étudiant, donne à voir certaines qualités. Le forfait comprend l'entrée au parc (et oui, c'est pas gratuit...ceci-dit dans certains pays bien "libéraux"où tout se vend et s'achète, même l'entrée dans la nature bien "sauvage", c'est pareil), le guide (qui sous leurs airs fermés peuvent être très bavards, surtout avec les agréables bavardes...), le taxi qui vient vous chercher là où vous logez à environ 4 heures du matin (un 4x4, car une bonne partie de la route à la fin se transforme en piste, que j'aurais bien aimé pratiquer en vélo ceci dit...) et son chauffeur (franchement très agréable, qui nous a arrêté sur une belle plage au retour, prévu dans le contrat, genre plage de catalogue de vacances, et puis dans une rivière pour éviter de finir en jambon Serrano...), et enfin un délicieux repas à l'arrivée de la randonnée avec vue sur la côte (où il est possible de se doucher). Franchement, le tarif peut paraître élevé mais le moins que l'on puisse dire, en ce qui me concerne, c'est que le service fut à la hauteur. Rien à dire là-dessus (en plus on vous donne deux sandwiches le matin pour la journée, ainsi que deux petites bouteilles d'eau). Ceci dit, il faudra mieux prévoir en tout au moins deux litres d'eau (voire trois) pour la journée et quelques petits en-cas supplémentaires (la super bonne pâte de goyave locale fera très bien l'affaire...). Car, pour tout dire si je n'ai pas éprouvé de difficultés, ce fut long (un peu plus de huit heures A/R) et souvent assez raide et un peu boueux. Si vous êtes un voyageur indépendant, et plusieurs, vous pouvez tenter de louer un taxi et d'aller directement sur place, ou avec les transports collectifs, sans passer par les agences, que ce soit à Las Cuevas ou Santo Domingo. Je ne sais pas si le nombre de visiteurs est limité. Vous risquez de ne pas avoir de place le jour choisi car les guides sont officiellement salariés du parc (qui ne les paye pas très grassement vous vous en doutez) et ne sont pas infinis. Mais en préparant le voyage, j'ai pu lire le récit d'un couple de français qui l'avait fait et avait trouvé un guide sur place et si mes souvenirs sont bons, cela leur était revenu à entre 60 et 70 euros par jour, pension comprise (
mais à vérifier). Ils avaient trouvé un guide sur place qui semblait sortir de je ne sais où... Je ne l'ai pas tenté car j'étais un peu englué dans les petits plaisirs de Santiago et je pensais naïvement que l'agence aurait d'autres visiteurs... Ce fut le cas.
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Photo 5 : Là aussi impossible de me rappeler où la photo a été prise exactement. ... Au kilomètre 7 de la montée, quelques petits bancs sont aménagés avant la partie suivante plus raide, ainsi qu'avant le pico Cuba. Dans la première partie de la montée, il subsiste encore des sentes, des pistes et des arbres plus jeunes, témoins de l'ancienne exploitation forestière de la partie basse. Dans cette zone, on domine souvent clairement la mer et en redescendant , on a envie de courir pour s'y précipiter... |
Ainsi, la Sierra Maestra qui le long de la côte tombe dans la mer des Caraïbes de manière assez majestueuse mérite vraiment d'être visitée. Le vert, avec beaucoup de nuances, restera la couleur dominante, mais le bleu du nom du sommet (turquino = turquoise), peut-être pas tout à fait. Celui-ci depuis le départ est visible, et c'est vrai qu'à l'heure de démarrer, à l'aube vers 6 heures, les nuances de bleu du massif et de la mer, dans les tons un peu plus sombres étaient réellement belles. Le pico Turquino est aussi un lieu historique depuis qu'il a été installé au sommet en 1953 un buste de
José Marti le libérateur du pays et constitue ainsi un lieu de pèlerinage (voir photo ci-dessous).
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Photo 6: Normalement, il n'y a pas de drapeau sur le buste... Le guide l'enlèvera après le passage d'un groupe d'une vingtaine de cubains au sommet qu'on rattrapera dans la descente. Leur joie était contagieuse et faisait plaisir à voir. Si j'ai bien compris, il y a un tarif spécial pour les cubains, pour que le sommet leur soit accessible... |
En ce jour, les nuages ont envahit le ciel et ont obstrué la vue depuis le sommet. Impossible de faire un quelconque commentaire sur le panorama... Depuis la voiture en partant, avec un soleil un peu déclinant déjà, on pouvait néanmoins admirer pour conclure les versants de vert vêtus tombant dans la mer sur une côte . C'est la Caraïbe que j'aime... Et j'ai donc adoré cette journée...