Le Grand Chimgan avec ses 3308 mètres d'altitude, est la première haute montagne réellement accessible à 80 kilomètres à l'est de Tashkent, la capitale du pays et elle est visible bien avant d'y arriver car les premières montagnes autour sont bien plus basses. Ainsi, le versant oriental dans lequel passe l'itinéraire d'ascension, se présente par son aspect imposant et ses diverses barrières rocheuses de la partie supérieure qui dominent des lignes de crêtes plus basses et plus douces (mais néanmoins raides). C'est la partie supérieure qui est nettement plus accidentée et le chemin se fraye alors un itinéraire sinueux à travers les parois et les pentes raides qui mènent à la ligne de crête sommitale. Le village éponyme de Chimgan existe depuis plus de 400 ans dont le nom selon certains spécialistes possèderait des racines chinoises. D'autres lui attribuent la signification de "gazon" ou "vallée verte, pâturage abondant en eau".
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Photo 1: Le sommet du Grand Chimgan vue depuis le кыэилджа (1866m) , juste en face, en fin de journée. Le petit Chimgan, haut d'à peine 2000 mètres se trouve hors cadre de la photo, à gauche. |
L'itinéraire n'est pas balisé mais lorsqu'on se trouve au pied du premier versant, au départ (vers 1600 mètres d'altitude), le sentier est nettement visible et ensuite il parait assez simple à suivre tant qu'on reste sur la ligne de crête plus ou moins pastorale sur laquelle on rencontrera des chevaux. Le seul point d'interrogation est de trouver l'amorce du sentier entre les deux départs de remonte-pente (voir photo ci-dessous). C'est vers 3000 mètres d'altitude, après une grotte sur la paroi de laquelle sont fixées des plaques commémoratives de victimes d'accidents en ces lieux, que survient la seule vraie difficulté de l'itinéraire. Il s'agit alors de franchir une sorte de vire sur une roche assez lisse et qui à la montée commence par descendre, ce qui peut sur un versant raide, qui plonge vers le fond de la vallée, être assez impressionnant, comme c'est le cas ici. Heureusement une chaîne métallique d'une dizaine de mètres est fixée à la paroi pour aider ceux qui voudront passer. Sur certains sites internet, j'ai trouvé quelques descriptions d'itinéraires qui mentionnent une cotation à 1B qui me semble quelque peu sous-évaluée. L'itinéraire se poursuit par des versants assez raides sur lequel le sentier évolue dans des terrains assez croulants, dont la direction de l'itinéraire n'est pas toujours simple à suivre, ce qui demande de l'énergie et de l'attention. Ceci dit à la descente, en ce mardi 20 août, tout cela nous a paru plus facile. Chacun jugera la difficulté par lui-même car cette description est juste une expérience et non un guide.
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Photo 2 : Rencontre avec la faune locale. Cette vipère n'est pas réputée agressive...
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La montagne du Grand Chimgan domine le site de villégiature et la petite station de ski de Tchingan et est le point culminant du massif Tchatkal, partie occidentale du Tian Shan, grande et longue chaîne de haute montagne d'Asie centrale (culminant à plus de 7000 mètres). Elle se situe également à quelques 4 kilomètres seulement de la grande station de ski d'Ouzbekistan de Beldersay qui possède le plus long téléphérique d'Asie centrale. Le site est touristique avec quelques gros complexes mais n'est pas encore trop fréquenté. Nous avons rencontré seulement à la descente quelques randonneurs russes accompagnés de kirghizs. La région a toujours été un terrain d'exercice particulier des alpinistes soviétiques et avait été de toute façon avait déjà attiré du monde dès la période pré-révolutionnaire pendant laquelle les médecins militaires y avaient construit un sanatorium. Peut-être que cette ambiance ne va pas pas durer car le pays s'est lancé dans une politique de développement touristique important qui comprend un volet sport d'hiver. Ainsi, le lendemain de l'ascension, alors que, par une piste qui passe au milieu des vergers de pruniers et pommiers, nous avons gravi rapidement et facilement le petit sommet du кыэилджар (1866 mètres) qui lui fait face pour aller admirer le coucher de soleil, nous avons pu nous rendre compte de l'état d'avancement des travaux d'amélioration de la route de desserte et surtout du vaste projet immobilier qui l'entoure, proposant ainsi dans un avenir proche une vallée quasiment complètement urbanisée depuis la vaste retenue d'eau de Tcharvak, en amont de Chorvok en bas de vallée. C'est assez impressionnant, et on aura compris, en visitant Samarkande et autres Boucchara que le pays s'appuie sur le tourisme aussi comme levier de développement avec l'aide de l'état et des capitaux privés. Depuis le décès du président autoritaire et isolationniste Islam Karimov en 2016, le pays s'ouvre en effet, comme l'atteste la suppression du visa d'entrée dans ce pays. Et effectivement, cette randonnée permet aussi d'entrevoir ce qu'était le tourisme d'hiver à l'ancien mode soviétique avec le télésiège, du point de départ de notre itinéraire, qui ne donne pas spécialement confiance et la nouvelle station évoquée ci-dessus qui épouse les normes européennes et dont l'objectif est de dépasser la Russie. Pour aller plus loin, on peut lire l'article (2021) de Simon Usborne L'Ouzbekistan, paradis secret des skieurs dans le journal belge L'Echo. Le modèle économique choisi pour ce projet, financé en grande partie par un prêt au près de l'état français et des entreprises françaises du secteur, emprunte un modèle déjà connu chez nous avec résidence au pied des pistes, système de neige artificielle...
Pour monter là-haut, devant l'incertitude de l'itinéraire, comme je n'étais pas seul, nous avons demandé à un jeune montagnard, rencontré la veille en cherchant l'itinéraire de départ, de nous décrire le cheminement. M'ayant répondu qu'il était déjà monté là-haut quatre fois, je lui ai proposé de nous accompagner, contre émoluments, de nous ouvrir le chemin et en quelque sorte de nous servir de guide. Peser a accepté et nous devons dire qu'il a parfaitement assumé son rôle en le prenant à cœur. Comme il nous l'a raconté dans la montée, c'est un jeune champion de ski alpin, qui s'entraîne dans les stations voisines, et qui vise une participation aux prochains jeux olympiques. Quand nous l'avions rencontré la veille, il était en train de s'entraîner en courant sur la piste qui remonte la vallée et s'est arrêté gentiment lors de ma sollicitation.
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Photo 3 : Le sentier emprunte l'itinéraire surligné en bleue. Lorsqu'on regarde le versant, dont la pente est clairement raide, lorsqu'on est en face, il faut laisser la ligne de crête à droite sur laquelle on trouve un remonte pente.
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Photo 4: Depuis le point géodésique, vue sur le sommet au fond...
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Photo 5 : La partie supérieure de l'ascension, au dessus de la grotte sus-mentionnée. Le terrain a changé et on a laissé les rhyolites et les granites rouges de la base. (Photo Catherine B.) |
Pour être alors dans la montagne un peu sauvage, il faudra donc désormais s'élever au-dessus de tout cela. Mais le Grand Chimgan reste une magnifique montagne, encore plus en fin de journée lorsque le coucher de soleil enflamme la partie inférieure du versant occidental et que le rose de ses granites et rhyolites s'élève en un faisceau de lumière qui vient teinter le versant supérieur de la montagne composé de roches sédimentaires qui semblent être du calcaire et qui se colorent donc de rose. Du sommet, le panorama est vaste, vers l'ouest et la plaine de Tashkent, vers l'est les montagnes du Kirghizistan et vers le nord la chaîne frontalière avec le Kazakhstan. Lorsqu'on arrive sur la crête sommitale et son point géodésique dont on pense vu d'en-bas que c'est le sommet, on constate qu'il faut poursuivre vers le sud de quelques centaines de mètres pour gravir le vrai sommet par un dernier passage, sans difficulté, mais dans lequel on devra néanmoins poser parfois les mains. La deuxième surprise vue du sommet est de constater que le versant oriental est beaucoup plus doux, régulier et vert, presque un grand pâturage, qui permet de reposer l'esprit avant d'envisager le retour. Mais là-haut, lorsqu'on regarde vers l'est, l'infinité des lignes de crêtes laisse imaginer la grandeur de la chaîne de montagne et d'un monde montagnard qui débute ainsi juste là, les
monts Tian Shan.
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Photo 6: La partie supérieure du versant dans laquelle le sentier se fraye un itinéraire.
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Photo 7 : Le début de l'ascension... (Photo Catherine B.)
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"La montée s’annonçait longue et l’envie d’en découdre avec cette ascension prometteuse pouvait parfois faire oublier l’observation de la flore plus proche d’autant plus que le massif aux couleurs ravivées par l’aurore attirait le regard. Cependant, la première partie moins minérale offrait encore en cette fin août une belle palette de couleurs avec des violets plus ou moins soutenus qu’arboraient des œillets dentelés, des asters au cœur jaune ou encore des chardons, du jaune, de part la présence de nombreuses achillées notamment ou encore du rouge éclatant du fait de la présence ponctuelle de blitums. Une douce odeur nous a également surpris en début de parcours et même si ce parfum nous était familier, nous n’avons pas su l’identifier (de la camomille??) . En fin de journée les teintes rosées des roches se mariaient parfaitement avec l’orangé de grandes étendues de rumex (?) ce qui était sublimé par la lumière du soir. Entre la biodiversité et la géologie variée, cette randonnée avait vraiment de quoi ravir les naturalistes." (Catherine B.)
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Photo 8 : Un aperçu des travaux en cours ...
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